Une conversation sur l'intelligence et la conscience

Cette conversation fait suite au texte Miscellaneous Scattered Thoughts de David Madore.


From ollivier@clipper.ens.fr  Thu Dec 31 15:19:35 1998
Status: R

>From ollivier  Thu Dec 31 15:19:35 1998
Received: from croiseur.ens.fr (ollivier@croiseur [129.199.134.6]) by clipper.ens.fr (8.8.7/jb-1.1)
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X-Authentication-Warning: croiseur.ens.fr: ollivier owned process doing -bs
Date: Thu, 31 Dec 1998 15:19:30 +0100 (MET)
From: Yann Ollivier <ollivier@clipper.ens.fr>
X-Sender: ollivier@croiseur.ens.fr
To: David Madore <madore@clipper.ens.fr>
Subject: Thoughts on consciousness
Message-ID: <Pine.GSO.4.04.9812311439240.2038-100000@croiseur.ens.fr>
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Content-Transfer-Encoding: 8BIT


  Quelques remarques sur tes textes :
  
> So, is consciousness a fraud? It could be a pure epiphenomenon,
> systematically appearing in any sufficiently
> complex intelligent system. Or it could have some evolutionary reason to
> it: we need the continuity feeling that
> consciousness procures us in order to justify before our intelligence
the
> fact that we act favorably towards our own
> future self. 

  Il est vrai que l'explication darwinienne semble la seule valable
concernant l'intérêt que nous portons à notre moi futur (par l'inclusion
d'une forte dose de mon état futur dans la qualité de mon état présent).

  Cependant, le cerveau n'a pas vraiment une notion "instantanée" de
lui-même : les temps de stockage des informations par les neurones peuvent
être tout à fait non-négligeables (cf. par exemple la persistance
rétinienne). Ce temps durant lequel les neurones prennent en compte des
informations n'apporte certainement pas d'action du futur sur le présent,
mais peut être à l'origine du sentiment de continuité, indépendamment d'un
quelconque processus de sélection darwinien (cette thèse était suggérée
dans 1/2 ligne d'un texte de moi critiqué récemment sur Forum :) ).

> Epistemologically this answer is rather satisfactory. Ethically it is
> horrible, however. 

  Bof...

> Solipsism
> 
> How do I have the proof that anybody but myself has a consciousness? I
can
> feel mine (and even this is not really
> enough), but I only have your word as to the existence of your
> consciousness. 

  Rasoir d'Occam ? Je vois els autres très similaires à moi-même (beaucoup
plus que n'importe quel objet non humain, en tout cas), et j'en déduis
qu'ils fonctionnent de manière similaire.

  Sur le caractère quantique de la conscience, je trouve que c'est
vraiment de la spéculation, étant donné qu'il y a des interprétations
cohérentes de la MQ qui ne font pas appel à ce genre d'anthropocentrisme
(théories de la décohérence).


  Sur le problème "Qui est conscient ?"
  La possibilité de réagir à un stimulus externe ou interne fait partie
de la conscience. Les personnages de roman et de rêve ne peuvent pas
réagir (à la fin du rêve ou du roman, du moins) et ne présentent donc pas
cette caractéristique. Bien sûr, nous non plus ne pouvons pas réagir
après notre mort. Cependant, pendant le rêve, on les considère comme
conscients. Et même après, à mon sens, on doit affirmer qu'ils ont été
conscients (de même que nous l'avons été, une fois mort). Je ne pense pas
que la notion de conscience ait besoin de support physique. Ce problème
est différent du problème du jugement moral qui va avec (est-ce un crime
que de terminer un rêve ?...). À mon avis, il ne faut surtout pas prendre
comme heuristique pour trouver une définition de la conscience "est
conscient qqch qu'il nous semble être un crime de supprimer", car la
notion de crime dépend bien de notre univers physique. À la question "une
machine simulant un humain est-elle consciente ?" je réponds oui, à cause
de deux arguments : 1) si dans notre cerveau, on remplace successivement
chaque neurone par une puce électronique équivalente, il ne se passera
rien de spécial 2) si nous sommes nous-mêmes, ainsi que notre monde, les
simulations d'un informaticien expérimentateur (ce que l'on ne peut
exclure, bien que le principe de simplicité nous éloigne de cette
hypothèse, qui résout pourtant un certain nombre de questions
métaphysiques), nous continuerons quand même à nous considérer comme
conscients.
  Il est possible qu'il faille tout simplement introduire dans une
éventuelle définition de la conscience une notion de "cadre" ou
d'"échelle" qui différencierait la conscience des personnages de rêve ou
de roman des personnages "réels". Je pense qu'une définition de la
conscience devrait faire appel à un environnement vis-à-vis duquel l'objet
en question est conscient. Du style "Est conscient dans un environnement
particulier tout objet qui réagit à ceci et cela venant de cet
environnement, qui agit en fonction de son futur etc." (la notion de futur
de cette définition étant fournie par la notion de temps telle qu'elle
existe dans l'environnement en question). Alors, les personnages de rêve
(resp. roman) sont conscients dans l'environnement du rêve (roman), mais
pas pour notre environnement. Les personnages simulées par une machine
sont conscients dans l'environnement de la machine, mais aussi, sous
certaines conditions, dans notre environnement, par exemple si la machine
simule un seul individu, et est programmée pour demander des moyens de
survie au monde extérieur. Enfin, plus important peut-être, les humains
sont conscients dans leur environnement "usuel", mais surtout dans leur
environnement cérébral interne (c'est, je pense, une caractéristique
essentielle de la conscience, qui pourrait servir de définition). Les
solipsistes aussi sont donc conscients.
  Remarque méthodologique : tout ce que je dis ici, ce n'est pas une
conséquence de la définition que je propose, mais un cahier des charges
pour préciser les termes "environnement", "ceci et cela", ..., dans la
définition.

  Quand au jugement moral que l'on porte sur la destruction d'une
conscience, il se réfère à mon avis uniquement à notre environnement
usuel.

  Sur le problème de la définition en tout-ou-rien, il est possible
d'introduire un "plus ou moins conscient" par deux moyen : 1) le
"plus-ou-moins-souvent-conscient" et 2) dans la "définition" ci-dessus, la
réalisation plus ou moins grande des fonctions comme "tenir compte de son
état futur", réagir à son environnement", qui ne sont pas en tout-ou-rien.


  Voilà, c'est terminé pour le moment, j'espère que c'était à peu près
lisible (j'ai réussi à me limiter à un seul niveau de parenthésage [bien
que pour un matheusx, ça ne doive théoriquement pas poser de
problème...]). Bonne année,

                Yann



From madore Thu Dec 31 20:07:16 1998
To: ollivier
Subject: Re: Thoughts on consciousness
Content-Length: 11291

Salut,

Voici ce que je trouve à répondre à tes différentes remarques, pour
lesquelles par ailleurs je te remercie.

>> Solipsism
>> 
>> How do I have the proof that anybody but myself has a consciousness? I
>can
>> feel mine (and even this is not really
>> enough), but I only have your word as to the existence of your
>> consciousness. 
>
>  Rasoir d'Occam ? Je vois els autres très similaires à moi-même (beaucoup
>plus que n'importe quel objet non humain, en tout cas), et j'en déduis
>qu'ils fonctionnent de manière similaire.

Il y a deux objections principales.

Premièrement, en tant que scientifique, « je » ne dois pas m'observer
moi-même.  C'est un principe élémentaire de la méthode expérimentale.
Si on l'applique, on n'a aucune raison de croire à l'existence de la
conscience.  De même qu'il serait erroné de faire de la Terre une
donnée statistique concernant la présence de la vie dans l'Univers
(« J'observe une planète, la Terre, et il y a de la vie dessus : 100%
des planètes portent la vie. » versus « J'observe un esprit, le mien,
et il y a une conscience dedans : 100% des esprits portent une
conscience. »), et les exobiologistes ont _0_ cas à se mettre sous la
dent et non pas 1 (cependant, quand il s'agit d'étudier la conscience
telle qu'elle existe et non de savoir où elle existe, alors je peux
étudier ma propre conscience).  La présence de vie sur Terre est un
élément nécessaire à la recherche de la vie de même que ma conscience
est nécessaire à ma recherche de la conscience.  Donc je ne peux pas
en tenir compte.  C'est de nouveau, si tu veux, le principe
anthropique.

Deuxièmement, le mot « similaire » est dangereux.  Parce que les
autres me sont dissemblables sur un point essentiel : je peux me
contrôler mais je ne peux pas les contrôler.  Je peux être tout à fait
en droit d'en conclure qu'ils ne sont pas conscients.  De même que
quand je joue à un jeu sur ordinateur, ce n'est pas parce que les
monstres qui m'attaquent me ressemblent (et agissent aussi stupidement
que moi) que je dois en conclure qu'il y a derrière eux d'autres
joueurs humains qui s'amusent.

>  Sur le caractère quantique de la conscience, je trouve que c'est
>vraiment de la spéculation, étant donné qu'il y a des interprétations
>cohérentes de la MQ qui ne font pas appel à ce genre d'anthropocentrisme
>(théories de la décohérence).

Ce serait à faire confirmer par un physicien, mais je suis à peu près
certain qu'il n'y a aucune théorie de la mécanique quantique qui à la
fois soit physiquement correcte et évite le recours à une notion mal
définie d'« observation ».  Les théories comme celles de Böhm (ou des
variables cachées) qui tentent d'éviter l'« observation » sont toutes
physiquement erronées.

Il me semble que les physiciens quantiques (!) qui se penchent sur la
question, « despite paying lip service to » [comment on dirait ça en
français] l'interprétation de Copenhague de la mécaQ, adoptent plus ou
moins explicitement la vision multi-univers du monde quantique.

Clairement, je joue à l'avocat du diable, là.  Je ne suis absolument
pas persuadé (comme Roger Penrose) de l'importance de la mécanique
quantique dans le fonctionnement de la conscience.  Et encore moins ne
suis-je solipsiste.  Je ne cherche pas non plus à présenter tous les
points de vue, mais au moins ceux qui retiennent mon attention.

>  Sur le problème "Qui est conscient ?"
>  La possibilité de réagir à un stimulus externe ou interne fait partie
>de la conscience. Les personnages de roman et de rêve ne peuvent pas

Je ne suis pas du tout d'accord.

Brièvement : si un accident cérébral te laissait privé du moindre
contact avec le monde extérieur (paralysé, coupé de tous tes sens et
même de ta proprioception), comme cela est d'ailleurs déjà arrivé, je
serais néanmoins toujours persuadé que tu es conscient.  D'ailleurs,
c'est cette conscience même qui te ferait énormément souffrir.  À
moins que par « interne » tu n'entendes pas seulement « interne au
corps » mais aussi « interne à l'esprit » (mais alors le mot
« stimulus » est mal choisi).

Ensuite : il faut nettement distinguer intelligence et conscience, et
je ne pense pas que tu le fasses assez clairement.  La possibilité
*mentale* de réagir à un stimulus externe ou interne fait partie de ce
que j'appelle l'intelligence, et non la conscience.  Je n'ai pas
encore écrit ce que je comptais écrire sur l'intelligence, mais c'est
au minimum notre capacité à réfléchir (au sens Faré-ien du terme) une
machine de Turing.  Alors que la conscience n'a rien à voir avec
cela ; je ne peux pas la définir, je ne peux que te recommander de la
ressentir en toi ; c'est ce que certains ont cru bon d'appeler « âme »
ou par d'autres termes semblables.  L'intelligence, si on lui donne
les moyens de communiquer, peut se mesurer (par des tests de QI, comme
les diagrammes de Bongard qui sont mes préférés).  La conscience ne le
peut pas (cf. mon paragraphe « Is consciousness experimental? »), ce
qui la rend délicate à décrire et à apprécier, même si nous sommes
tous (je crois) persuadés de son existence (mais cette persuasion
est-elle réelle ou nous est-elle imposée ?).

Une autre chose : la conscience est aussi ce qui observe
l'intelligence « de l'intérieur ».  Dans le cas que j'ai mentionné
ci-dessus de l'accident cérébral, tu restes non seulement conscient
mais aussi intelligent, et ta conscience est la seule à pouvoir
mesurer (et profiter de) ton intelligence.  La consience observe
l'intelligence, et s'observe aussi elle-même.  L'intelligence, elle,
est purement fonctionnelle.  (Peut-être qu'il faudra que je rajoute
ces idées dans ma page de brouillons.)

Bien sûr, on peut penser, et je dois dire que cette idée est aussi
séduisante qu'elle est effrayante, que la conscience est purement
imaginaire, que c'est une fraude, une arnaque...  C'est après tout ce
que nous demande de penser la méthode expérimentale étant donnée qu'on
ne peut pas mesurer la conscience.

>réagir (à la fin du rêve ou du roman, du moins) et ne présentent donc pas
>cette caractéristique. Bien sûr, nous non plus ne pouvons pas réagir
>après notre mort. Cependant, pendant le rêve, on les considère comme
>conscients. Et même après, à mon sens, on doit affirmer qu'ils ont été
>conscients (de même que nous l'avons été, une fois mort). Je ne pense pas
>que la notion de conscience ait besoin de support physique. Ce problème

Moi non plus.  Mais cela pose d'autres problèmes.  Qu'en est-il des
rêves qui n'ont jamais été rêvés ?  Ceux qui flottent en Tumbolia ?
Leurs personnages sont-ils néanmoins conscients ?

>est différent du problème du jugement moral qui va avec (est-ce un crime
>que de terminer un rêve ?...). À mon avis, il ne faut surtout pas prendre
>comme heuristique pour trouver une définition de la conscience "est
>conscient qqch qu'il nous semble être un crime de supprimer", car la
>notion de crime dépend bien de notre univers physique. À la question "une

Je n'utilise pas l'éthique pour définir la conscience.  J'utilise(rai
quand j'aurai écrit les passages correspondant - si je les écris un
jour) la conscience comme un fondement possible d'une méta-éthique
(c'est-à-dire d'un principe directeur aux principes éthiques).  À
savoir (un peu caricaturalement) : l'Univers est la propriété
collective des consciences qui l'habitent, et les notions de Bien et
de Mal ne doivent servir qu'à départager leurs conflits.

>machine simulant un humain est-elle consciente ?" je réponds oui, à cause
>de deux arguments : 1) si dans notre cerveau, on remplace successivement
>chaque neurone par une puce électronique équivalente, il ne se passera
>rien de spécial 2) si nous sommes nous-mêmes, ainsi que notre monde, les
>simulations d'un informaticien expérimentateur (ce que l'on ne peut
>exclure, bien que le principe de simplicité nous éloigne de cette
>hypothèse, qui résout pourtant un certain nombre de questions
>métaphysiques), nous continuerons quand même à nous considérer comme
>conscients.

C'est ce que je pense aussi.  Et c'est ce qui me conduit à rejeter la
notion de conscience comme d'un « fluide magique » immatériel.

>  Il est possible qu'il faille tout simplement introduire dans une
>éventuelle définition de la conscience une notion de "cadre" ou
>d'"échelle" qui différencierait la conscience des personnages de rêve ou
>de roman des personnages "réels". Je pense qu'une définition de la
>conscience devrait faire appel à un environnement vis-à-vis duquel l'objet
>en question est conscient. Du style "Est conscient dans un environnement
>particulier tout objet qui réagit à ceci et cela venant de cet
>environnement, qui agit en fonction de son futur etc." (la notion de futur
>de cette définition étant fournie par la notion de temps telle qu'elle
>existe dans l'environnement en question). Alors, les personnages de rêve
>(resp. roman) sont conscients dans l'environnement du rêve (roman), mais
>pas pour notre environnement. Les personnages simulées par une machine
>sont conscients dans l'environnement de la machine, mais aussi, sous
>certaines conditions, dans notre environnement, par exemple si la machine
>simule un seul individu, et est programmée pour demander des moyens de
>survie au monde extérieur. Enfin, plus important peut-être, les humains
>sont conscients dans leur environnement "usuel", mais surtout dans leur
>environnement cérébral interne (c'est, je pense, une caractéristique
>essentielle de la conscience, qui pourrait servir de définition). Les

Soit.  Se pourrait-il donc que la notion de conscience fût locale
tandis que la notion d'intelligence fût globale (transcendant les
limites des « environnements »).  Étrange.

>solipsistes aussi sont donc conscients.

rotfl

>  Remarque méthodologique : tout ce que je dis ici, ce n'est pas une
>conséquence de la définition que je propose, mais un cahier des charges
>pour préciser les termes "environnement", "ceci et cela", ..., dans la
>définition.
>
>  Quand au jugement moral que l'on porte sur la destruction d'une
>conscience, il se réfère à mon avis uniquement à notre environnement
>usuel.

Ce n'est pas mal.  Ainsi, la demande que je fais dans l'introduction
d'un de mes romans, priant mes personnages de me pardonner pour ce que
je vais leur faire vivre, ne serait-elle pas nécessaire.  (Notons du
reste que je pouvais toujours leur faire m'accorder leur pardon.)  Et
ainsi Dieu n'aurait-Il pas à nous demander notre pardon.

>  Sur le problème de la définition en tout-ou-rien, il est possible
>d'introduire un "plus ou moins conscient" par deux moyen : 1) le
>"plus-ou-moins-souvent-conscient" et 2) dans la "définition" ci-dessus, la
>réalisation plus ou moins grande des fonctions comme "tenir compte de son
>état futur", réagir à son environnement", qui ne sont pas en tout-ou-rien.

Il s'agit là, à mon avis, d'intelligence et non de conscience.

As-tu une objection à ce que je rende accessible une copie de ces
mails (ainsi, le cas échéant, que ceux qui pourraient suivre) par des
liens depuis la page dont nous parlons ?

          -- David

PS: As-tu lu ``The Society of Mind'' de Marvin Minsky (l'inventeur de
l'intelligence artificielle) ?  Je pense que ça devrait t'intéresser.
[En français ça donne « La Société de l'esprit » et Faré dit qu'il l'a
trouvé chez Gibert.  Sinon, amazon l'a en anglais.]


From ollivier@clipper.ens.fr  Fri Jan  1 19:17:07 1999
Status: R

>From ollivier  Fri Jan  1 19:17:07 1999
Received: from kayak.ens.fr (ollivier@kayak [129.199.129.14]) by clipper.ens.fr (8.8.7/jb-1.1)
	id TAA08854 for <madore@clipper.ens.fr>; Fri, 1 Jan 1999 19:17:07 +0100 (MET)
Return-Path: <ollivier@clipper.ens.fr>
Received: from localhost (ollivier@localhost) by kayak.ens.fr (8.8.7/jb-1.1)
	id TAA15959 for <madore@clipper.ens.fr>; Fri, 1 Jan 1999 19:17:05 +0100 (MET)
X-Authentication-Warning: kayak.ens.fr: ollivier owned process doing -bs
Date: Fri, 1 Jan 1999 19:17:04 +0100 (MET)
From: Yann Ollivier <ollivier@clipper.ens.fr>
X-Sender: ollivier@kayak.ens.fr
To: David Madore <madore@clipper.ens.fr>
Subject: Re: Thoughts on consciousness
In-Reply-To: <199812311907.UAA18438@clipper.ens.fr>
Message-ID: <Pine.GSO.4.04.9901011911110.15930-100000@kayak.ens.fr>
MIME-Version: 1.0
Content-Type: TEXT/PLAIN; charset=ISO-8859-1
Content-Transfer-Encoding: 8BIT


  J'ai pas mal de choses à répondre à ton dernier mail (en particulier, le
statut que tu donnes au fait de ne pas s'observer soi-même me paraît un
peu trop dogmatique - la conscience est justement une faculté qui permet
d'observer son propre état mental), que je rédigerai un peu plus tard (ce
soir ? demain ?)

  Pour la publication de ces mails, je n'y vois aucun inconvénient.

                Yann

[...]

From ollivier@clipper.ens.fr  Fri Jan  1 23:27:34 1999
Status: R

>From ollivier  Fri Jan  1 23:27:34 1999
Received: from galion.ens.fr (ollivier@galion [129.199.129.10]) by clipper.ens.fr (8.8.7/jb-1.1)
	id XAA18239 for <madore@clipper.ens.fr>; Fri, 1 Jan 1999 23:27:33 +0100 (MET)
Return-Path: <ollivier@clipper.ens.fr>
Received: from localhost (ollivier@localhost) by galion.ens.fr (8.8.8/jb-1.1)
	id XAA29308 for <madore@clipper.ens.fr>; Fri, 1 Jan 1999 23:27:33 +0100 (MET)
X-Authentication-Warning: galion.ens.fr: ollivier owned process doing -bs
Date: Fri, 1 Jan 1999 23:27:32 +0100 (MET)
From: Yann Ollivier <ollivier@clipper.ens.fr>
X-Sender: ollivier@galion.ens.fr
To: David Madore <madore@clipper.ens.fr>
Subject: Re: Thoughts on consciousness
In-Reply-To: <199812311907.UAA18438@clipper.ens.fr>
Message-ID: <Pine.GSO.4.04.9901012224370.28677-100000@galion.ens.fr>
MIME-Version: 1.0
Content-Type: TEXT/PLAIN; charset=ISO-8859-1
Content-Transfer-Encoding: 8BIT


  Je suis d'accord pour bien distinguer intelligence et conscience. Je
vais essayer de le faire tout au long de cette réponse.

On Thu, 31 Dec 1998, David Madore wrote:

> >  Rasoir d'Occam ? Je vois els autres très similaires à moi-même (beaucoup
> >plus que n'importe quel objet non humain, en tout cas), et j'en déduis
> >qu'ils fonctionnent de manière similaire.
> 
> Il y a deux objections principales.
> 
> Premièrement, en tant que scientifique, « je » ne dois pas m'observer
> moi-même.  C'est un principe élémentaire de la méthode expérimentale.
> Si on l'applique, on n'a aucune raison de croire à l'existence de la
> conscience.  De même qu'il serait erroné de faire de la Terre une

  Certes, mais justement, la conscience permet de séparer une partie
"consciente" (!) de moi-même, qui pense ou agit sur une partie simplement
"pensante" (ou peut-être dirais-tu "intelligente").

Bien sûr, c'est toujours la conscience qui est consciente d'elle-même,
mais le problème est quasiment tautologique puisque par définition, toute
observation scientifique suppose que l'information est reçue par une
conscience (et non, à mon sens, seulement par une intelligence). Donc,
forcément, MA conscience n'est ps observable. Comme (à l'heure actuelle,
mais il n'y a peut-être pas d'obstacle théorique) celle des autres ne
l'est pas non plus...

  Cependant, "on ne doit pas s'observer soi-même" me semble pouvoir être
respecté si l'on ne prend pas "soi" dans un sens trop large. On peut se
diviser soi-même en deux parties, une observante (la conscience) et une
observée (un autre processus mental) qui est momentanément considéré comme
extérieur. En particulier, si la conscience ne peut pas s'analyser
elle-même en temps réel, elle peut observer un souvenir d'un acte mental
quelconque, et donc le souvenir d'un acte mental de conscience, sans
violer les règles épistémologiques. Comme elle a de plus constaté que le
souvenir était souvent en accord avec la réalité, elle peut conclure à
l'existence de cet acte de conscience (certes, ici, on peut remettre en
cause la validité épistémologique du souvenir ; mais alors, on ne doit pas
utiliser la mémoire que l'on a de l'aguille que l'on vient de voir pour
inscrire le résultat sur le papier... il est épistémologiquement
indispensable d'accorder un crédit aux souvenirs).

  DONC, il me semble que la conscience peut être étudiée scientifiquement.

  Évidemment, si tu refuses comme observations sur la conscience les
souvenirs de conscience et les témoignages de conscience des autres, on se
demande au final ce qui pourrait bien pour toi constituer une observation
de la conscience (ta position épistémologique est-elle réfutable ? :).

  Si la non-observation de soi est un dogme épistémologique,
existe-t-il une définition épistémologique correcte de "soi" (non pas
seulement par opposition à l'observé, mais aussi par opposition aux autres
observateurs éventuels) ?

  Pour ma part, dans une démarche métaphysique, je suis certain de
l'existence de ma conscience, mais pas du tout de celle du monde extérieur
tel qu'il apparaît ; et donc pas du tout de la validité de la démarche
scientifique, et j'abandonnerai donc probablement celle-ci avant celle-là
(je me fais, moi aussi, parfois l'avocat du diable).

  Enfin, avant d'affirmer très rapidement que la notion de conscience est
incompatible avec les bases de l'épistémologie, alors que l'une comme
l'autre nous semlbent bien exister, à première vue, examinons d'abord si
un léger changement des définitions ne résout pas le problème.

> donnée statistique concernant la présence de la vie dans l'Univers
> (« J'observe une planète, la Terre, et il y a de la vie dessus : 100%
> des planètes portent la vie. » versus « J'observe un esprit, le mien,
> et il y a une conscience dedans : 100% des esprits portent une
> conscience. »), et les exobiologistes ont _0_ cas à se mettre sous la

  Bien sûr, on ne peut pas démontrer la conscience des autres (puisqu'on
ne peut même pas démontrer leur existence). Mais les autres apparaissent
non pas "similaires" à moi, comme je l'ai écrit, mais similaire à l'image
que je donnerais à un observateur distinct de moi, du moins c'est ce que
l'observation des parties externes de mon corps, et de mon comportement,
me laisse supposer. Si je suis matérialiste, je suis donc amené à supposer
le même type de fonctionnement à l'esprit des autres. Bien sûr, reste
toujours la possibilité que je sois un être d'exception, seul conscient au
milieu d'une mare de personnes inconsistantes...

> étudier ma propre conscience).  La présence de vie sur Terre est un
> élément nécessaire à la recherche de la vie de même que ma conscience
> est nécessaire à ma recherche de la conscience.  Donc je ne peux pas
> en tenir compte.  C'est de nouveau, si tu veux, le principe

  Cf. ci-dessus : 1) ma conscience est nécessaire à toutes les
observations que je fais, donc le fait que je ne puisse pas l'observer
directement sans violer la règle de non-auto-observation est quasi
tautologique ; 2) on peut observer des souvenirs de conscience.

> Deuxièmement, le mot « similaire » est dangereux.  Parce que les
> autres me sont dissemblables sur un point essentiel : je peux me
> contrôler mais je ne peux pas les contrôler.  Je peux être tout à fait

  Cf. ci-dessus.

> >  Sur le caractère quantique de la conscience, je trouve que c'est
> >vraiment de la spéculation, étant donné qu'il y a des interprétations
> >cohérentes de la MQ qui ne font pas appel à ce genre d'anthropocentrisme
> >(théories de la décohérence).
> 
> Ce serait à faire confirmer par un physicien, mais je suis à peu près
> certain qu'il n'y a aucune théorie de la mécanique quantique qui à la
> fois soit physiquement correcte et évite le recours à une notion mal
> définie d'« observation ».  Les théories comme celles de Böhm (ou des
> variables cachées) qui tentent d'éviter l'« observation » sont toutes
> physiquement erronées.

  Je vais parler d'une versoin simple de la mécaQ, hors théorie des champs
que je ne domine pas... C'est comme ça (sans prétention) que je vois les
choses : Admettons un instant que la réalité physique (sans discuter sur
ce terme) soit constituée de la (des) fonction(s) d'onde, et que ce que
nous observons à notre échelle (positions, vitesses) soit des propriétés
de cette (ces) fonction(s) d'onde. Une mesure est simplement l'interaction
d'un petit système avec un système plus gros, lequel n'est évidemment pas
connu a priori avec la même précision, et est donc soumis à des variations
d'ordre statistique. Ces variations (par un mécanisme de mesure qu'il
reste à théoriser, tout le travail à faire est ici, évidemment) engendrent
des variations dans le résultat de la mesure, correspondant aux valeurs
propres de l-opérateur-transformation que le système fait subir à la
particule. À noter qu'on entend parfois dire qu'un opérateur d'évolution
linéaire (équation de Schrödinger) [+ remise de la norme à 1] ne devrait
donner que des résultats linéaires, et que si les mesures de deux kets
donnent deux valeurs, la mesure d'une somme pondérée de ces deux kets
devrait donner un état superposé des deux valeurs sur l'aiguille de
l'appareil... Mais comme entre deux mesures, c'est l'opérateur lui-même
(l'appareil de mesure) qui varie, cet argument ne tient que dans le cas où
on ferait deux fois exactement la même mesure, ce qui est improbable. On a
ici (modulo la description de cette statistique miraculeuse) une
possibilité d'interprétation mécaniste, déterministe, sans conscience, de
la mécaQ.

  Évidemment, cette manière de voir les choses n'interdit pas
catégoriquement des états superposés macroscopiques, elle les prétend
instables. De toute façon, il faut bien s'y faire, puisqu'il semblerait
qu'au niveau microscopique, les états superposés existent bel et bien.

> quantique dans le fonctionnement de la conscience.  Et encore moins ne
> suis-je solipsiste.  Je ne cherche pas non plus à présenter tous les

  Le solipsisme a d'énormes avantages quand on se met à faire de la
métaphysique. C'est, après la théorie "Je n'existe pas, je dis non à tout
ce que je peux me dire, sans admettre les lois du raisonnement", la
théorie la plus simple qui peut expliquer ce qui se passe. Du moins, pas
dans la version "l'extérieur n'existe pas", mais dans la version "je ne
peux rien savoir de l'extérieur".

> >  Sur le problème "Qui est conscient ?"
> >  La possibilité de réagir à un stimulus externe ou interne fait partie
> >de la conscience. Les personnages de roman et de rêve ne peuvent pas
> 
> Je ne suis pas du tout d'accord.
> 
> Brièvement : si un accident cérébral te laissait privé du moindre
> contact avec le monde extérieur (paralysé, coupé de tous tes sens et
> même de ta proprioception), comme cela est d'ailleurs déjà arrivé, je
> serais néanmoins toujours persuadé que tu es conscient.  D'ailleurs,
> c'est cette conscience même qui te ferait énormément souffrir.  À
> moins que par « interne » tu n'entendes pas seulement « interne au
> corps » mais aussi « interne à l'esprit » (mais alors le mot
> « stimulus » est mal choisi).

  C'est précisément la raison pour laquelle j'ai ajouté le mot "interne"
(j'ai parlé de "stimulus interne" par manque d'imagination quant à un
terme plus approprié) : pour les activités de mon esprit qui ne sont pas
ma conscience, et que ma conscience perçoit (par exemple, des activités
intelligentes).

> Ensuite : il faut nettement distinguer intelligence et conscience, et
> je ne pense pas que tu le fasses assez clairement.  La possibilité
> *mentale* de réagir à un stimulus externe ou interne fait partie de ce
> que j'appelle l'intelligence, et non la conscience.  Je n'ai pas

  Peux-tu préciser "possibilité mentale" ?

  C'est vrai que ces réactions semblent une propriété de l'intelligence
plutôt que de la conscience. À mon avis, la réaction aux "stimulus
internes" (par exemple ceux de l'intelligence) est un élément de la
conscience (qui, certes, ne suffit pas à la définir).

> encore écrit ce que je comptais écrire sur l'intelligence, mais c'est
> au minimum notre capacité à réfléchir (au sens Faré-ien du terme) une
> machine de Turing.  Alors que la conscience n'a rien à voir avec

  Attention au choix de l'isomorphisme entre tes opérations mentales et
les opérations de la machine de Turing !, Justement, cet isomorphisme
définit la notion d'"environnement" que je cherchais pour la conscience.
C'est-à-dire : mon cerveau est intelligent, pas mes neurones. Mon cerveau
est intelligent, pas un groupe de trois cerveaux mis côte à côte (ou
alors, pas de la même manière, i.e. pas par le même isomorphisme). Cet
histoire d'"environnement" ou de cadre peut éviter qu'avec la conception
globalisante de l'intelligence que tu sembles défendre ci-dessous, tout
système incluant un système intelligent soit intelligent (ce qui me semble
perdre des nuances).

> les moyens de communiquer, peut se mesurer (par des tests de QI, comme
> les diagrammes de Bongard qui sont mes préférés).  La conscience ne le

  Je ne connais pas ceux-là.

> La conscience ne le
> peut pas (cf. mon paragraphe « Is consciousness experimental? »), ce
> qui la rend délicate à décrire et à apprécier, même si nous sommes

  Certes, la mesure des souvenirs et témoignanges de conscience peut
paraître insatisfaisante. Mais elle est reproductible. La reproductibilité
est bien l'injonction "Fais pareil que moi, et tu verras !" et non
"Faisons-le en même temps !", et c'est précisément cela que tu mentionnes
en disant que nous ne pouvons pas la montrer aux autres mais seulement
leur demander de l'observer, et ensuite en constatant que malgré cela,
nous sommes tous (dis-tu croire) persuadés d'être conscients.

> Une autre chose : la conscience est aussi ce qui observe
> l'intelligence « de l'intérieur ».  Dans le cas que j'ai mentionné
> ci-dessus de l'accident cérébral, tu restes non seulement conscient
> mais aussi intelligent, et ta conscience est la seule à pouvoir
> mesurer (et profiter de) ton intelligence.  La consience observe
> l'intelligence, et s'observe aussi elle-même.  L'intelligence, elle,
> est purement fonctionnelle.  (Peut-être qu'il faudra que je rajoute
> ces idées dans ma page de brouillons.)

  Exactement les conclusions auxquelles j'étais parvenu ci-dessus... Le
débat progresse.


> rêves qui n'ont jamais été rêvés ?  Ceux qui flottent en Tumbolia ?
> Leurs personnages sont-ils néanmoins conscients ?

  Dans leur environnement platonicien, oui. Pour nous, non. Je pense qu'on
ne pourra pas s'en sortir autrement qu'en posant ces restriction de champ
d'application (ou choix de l'isomorphisme...).

> Je n'utilise pas l'éthique pour définir la conscience.  J'utilise(rai
> quand j'aurai écrit les passages correspondant - si je les écris un
> jour) la conscience comme un fondement possible d'une méta-éthique
> (c'est-à-dire d'un principe directeur aux principes éthiques).  À
> savoir (un peu caricaturalement) : l'Univers est la propriété
> collective des consciences qui l'habitent, et les notions de Bien et
> de Mal ne doivent servir qu'à départager leurs conflits.

  Ce qui ne définit pas ces notions.

  Évidemment, mes histoires d'environnement de référence pour une
conscience compliquent un peu la notion d'Univers (lequel est-ce ?). Mais
par contre, ça pourrait expliquer pourquoi il n'est pas mal de tuer des
gens dont la conscience se situe dans un environnement différent.

> Soit.  Se pourrait-il donc que la notion de conscience fût locale
> tandis que la notion d'intelligence fût globale (transcendant les
> limites des « environnements »).  Étrange.

  Non, IDEM pour l'intelligence (cf. ci-dessus).

> ainsi Dieu n'aurait-Il pas à nous demander notre pardon.

  Je ne vois pas bien pourquoi Dieu devrait nous demander pardon. Pour le
christianisme, il nous l'accorde ou non, mais ne nous le demande pas. Pour
un athée (ou un agnostique selon les définitions de Dieu) comme moi...

> >"plus-ou-moins-souvent-conscient" et 2) dans la "définition" ci-dessus, la
> >réalisation plus ou moins grande des fonctions comme "tenir compte de son
> >état futur", réagir à son environnement", qui ne sont pas en tout-ou-rien.
> 
> Il s'agit là, à mon avis, d'intelligence et non de conscience.

  Pour les réactions, oui, pour l'état futur, non.

> 
> As-tu une objection à ce que je rende accessible une copie de ces
> mails (ainsi, le cas échéant, que ceux qui pourraient suivre) par des
> liens depuis la page dont nous parlons ?

  Pas de problème, mais je pense qu'il sera nécessaire d'en faire une
synthèse avant, car au point où ça en est...


                Yann



From madore Sat Jan  2 02:18:58 1999
To: ollivier
Subject: Re: Thoughts on consciousness
Content-Length: 19268

[...]

>Bien sûr, c'est toujours la conscience qui est consciente d'elle-même,
>mais le problème est quasiment tautologique puisque par définition, toute
>observation scientifique suppose que l'information est reçue par une
>conscience (et non, à mon sens, seulement par une intelligence). Donc,
>forcément, MA conscience n'est ps observable. Comme (à l'heure actuelle,
>mais il n'y a peut-être pas d'obstacle théorique) celle des autres ne
>l'est pas non plus...

Exactement.  Je peux observer ma conscience mais je ne suis pas censé
le faire, et je ne peux pas observer la conscience des autres.  Donc
la conscience, *plonk*.

>  Cependant, "on ne doit pas s'observer soi-même" me semble pouvoir être
>respecté si l'on ne prend pas "soi" dans un sens trop large. On peut se
>diviser soi-même en deux parties, une observante (la conscience) et une
>observée (un autre processus mental) qui est momentanément considéré comme
>extérieur. En particulier, si la conscience ne peut pas s'analyser
>elle-même en temps réel, elle peut observer un souvenir d'un acte mental
>quelconque, et donc le souvenir d'un acte mental de conscience, sans
>violer les règles épistémologiques. Comme elle a de plus constaté que le
>souvenir était souvent en accord avec la réalité, elle peut conclure à
>l'existence de cet acte de conscience (certes, ici, on peut remettre en
>cause la validité épistémologique du souvenir ; mais alors, on ne doit pas
>utiliser la mémoire que l'on a de l'aguille que l'on vient de voir pour
>inscrire le résultat sur le papier... il est épistémologiquement
>indispensable d'accorder un crédit aux souvenirs).

Je crois que tu pinailles.  Tu peux de cette façon systématiquement
écarter toute objection au principe d'anautoscopie (non observation de
soi-même :-)

De toute façon mon but n'est pas d'énoncer des idées dogmatiques comme
tu m'en accuses, mais seulement de formuler des pensées pouvant
induire une certaine réflexion.  L'essentiel est que tu voies qu'il
peut y avoir une difficulté à ce niveau-là.  Ensuite, tu peux
certainement choisir de la contourner ou de l'accepter comme une
limite.  Je ne veux pas vraiment en discuter parce que forcément la
discussion devient floue quand on s'approche des limites quantiques de
la philo (principe d'incertitude de Husserl : plus la nuance est
subtile et plus les mots sont inadaptés à la cerner).

>  DONC, il me semble que la conscience peut être étudiée scientifiquement.

Note que tu ne m'as toujours pas dit ce que selon toi *je* ressens si
je suis placé dans le duplicateur de matière ;-)

>  Évidemment, si tu refuses comme observations sur la conscience les
>souvenirs de conscience et les témoignages de conscience des autres, on se
>demande au final ce qui pourrait bien pour toi constituer une observation
>de la conscience (ta position épistémologique est-elle réfutable ? :).

Je peux faire subir à d'autres et même à moi-même des tests
d'intelligence qui ne me demandent pas de faire moi-même
l'introspection.  On pourrait demander qu'il en fût de même pour la
conscience.  *Apparemment* ce n'est pas possible.  Tu peux considérer
ça comme une faille dans ma position épistémologique, mais on peut
aussi considérer ça comme rendant la conscience quelque chose de
suspect.  Encore une fois je veux simplement que tu te poses la
question.

>  Si la non-observation de soi est un dogme épistémologique,
>existe-t-il une définition épistémologique correcte de "soi" (non pas
>seulement par opposition à l'observé, mais aussi par opposition aux autres
>observateurs éventuels) ?

¿Redo from start?

>  Pour ma part, dans une démarche métaphysique, je suis certain de
>l'existence de ma conscience, mais pas du tout de celle du monde extérieur
>tel qu'il apparaît ; et donc pas du tout de la validité de la démarche
>scientifique, et j'abandonnerai donc probablement celle-ci avant celle-là
>(je me fais, moi aussi, parfois l'avocat du diable).

C'est une remarque très intéressante.

>  Enfin, avant d'affirmer très rapidement que la notion de conscience est
>incompatible avec les bases de l'épistémologie, alors que l'une comme
>l'autre nous semlbent bien exister, à première vue, examinons d'abord si
>un léger changement des définitions ne résout pas le problème.

Je n'ai rien affirmé de tel.  J'ai simplement énoncé tout un tas de
choses qui tendent à indiquer que la nature de la conscience est pour
le moins problématique.

>  Bien sûr, on ne peut pas démontrer la conscience des autres (puisqu'on
>ne peut même pas démontrer leur existence). Mais les autres apparaissent
>non pas "similaires" à moi, comme je l'ai écrit, mais similaire à l'image
>que je donnerais à un observateur distinct de moi, du moins c'est ce que

Très juste.  Mais là aussi je peux dire que vue de l'espace, la Terre
ressemble bigrement à ce que les autres planètes sont.

>l'observation des parties externes de mon corps, et de mon comportement,
>me laisse supposer. Si je suis matérialiste, je suis donc amené à supposer
>le même type de fonctionnement à l'esprit des autres. Bien sûr, reste
>toujours la possibilité que je sois un être d'exception, seul conscient au
>milieu d'une mare de personnes inconsistantes...
                                ^^^^^^^^^^^^^^
Joli lapsus.

>> Ce serait à faire confirmer par un physicien, mais je suis à peu près
>> certain qu'il n'y a aucune théorie de la mécanique quantique qui à la
>> fois soit physiquement correcte et évite le recours à une notion mal
>> définie d'« observation ».  Les théories comme celles de Böhm (ou des
>> variables cachées) qui tentent d'éviter l'« observation » sont toutes
>> physiquement erronées.
>
>  Je vais parler d'une versoin simple de la mécaQ, hors théorie des champs
>que je ne domine pas... C'est comme ça (sans prétention) que je vois les
>choses : Admettons un instant que la réalité physique (sans discuter sur
>ce terme) soit constituée de la (des) fonction(s) d'onde, et que ce que
>nous observons à notre échelle (positions, vitesses) soit des propriétés
>de cette (ces) fonction(s) d'onde. Une mesure est simplement l'interaction
>d'un petit système avec un système plus gros, lequel n'est évidemment pas
>connu a priori avec la même précision, et est donc soumis à des variations
>d'ordre statistique. Ces variations (par un mécanisme de mesure qu'il
>reste à théoriser, tout le travail à faire est ici, évidemment) engendrent
>des variations dans le résultat de la mesure, correspondant aux valeurs
>propres de l-opérateur-transformation que le système fait subir à la
>particule. À noter qu'on entend parfois dire qu'un opérateur d'évolution
>linéaire (équation de Schrödinger) [+ remise de la norme à 1] ne devrait
>donner que des résultats linéaires, et que si les mesures de deux kets
>donnent deux valeurs, la mesure d'une somme pondérée de ces deux kets
>devrait donner un état superposé des deux valeurs sur l'aiguille de
>l'appareil... Mais comme entre deux mesures, c'est l'opérateur lui-même
>(l'appareil de mesure) qui varie, cet argument ne tient que dans le cas où
>on ferait deux fois exactement la même mesure, ce qui est improbable. On a
>ici (modulo la description de cette statistique miraculeuse) une
>possibilité d'interprétation mécaniste, déterministe, sans conscience, de
>la mécaQ.

Ce que tu dis si je te suis bien, c'est que si je réalise une
expérience conduisant à un état hybride, mon appareil de mesure *est*
dans un état hybride, et le fait que je voie l'aiguille à gauche ou à
droite est le résultat non pas d'un écrasement de la fonction d'onde
mais d'une imprécision dans la définition de « à gauche » et « à
droite » qui fait que certains états hybrides seront classés dans l'un
et certains dans l'autre.  Ai-je bien compris ?

Cela ne me convainc que très médiocrement.  Si l'expérience consiste
en la traversée par un photon d'une paroi semi-refléchissante suivie
d'un photomultiplicateur (qu'on peut complètement décrire
quantiquement) il n'y a plus d'appareil de mesure dans l'affaire, et
il s'agit simplement d'observer à l'oeil nu une lumière ou pas de
lumière.  Je vois mal comment mettre des statistiques là-dedans.

Une façon différente de voir les choses.  Si devant un état hybride de
l'appareil j'ai à décider si l'aiguille est « à gauche » ou « à
droite », cette décision m'appartient et je peux déclarer que la
conscience est la possibilité d'ainsi classifier un état hybride.  Que
cette classification corresponde à un véritable processus physique
(écrasement du paquet d'onde) ou à une simple opération de l'esprit -
que les « mondes parallèles » continuent ou non d'exister - est une
question qui n'a pas de sens.

>  Évidemment, cette manière de voir les choses n'interdit pas
>catégoriquement des états superposés macroscopiques, elle les prétend
>instables. De toute façon, il faut bien s'y faire, puisqu'il semblerait
>qu'au niveau microscopique, les états superposés existent bel et bien.

Tu ne peux pas les décréter instables du point de vue strictement
physique, parce que comme tu le signales l'équation de Schrödinger est
linéaire, donc elle ne peut pas conduire toute seule à un écrasement.
C'est pour ça que j'ai supposé que tu voulais dire qu'on arrivait
toujours à classifier un état hybride sous le label d'un des états
purs qui le composent.

>> Ensuite : il faut nettement distinguer intelligence et conscience, et
>> je ne pense pas que tu le fasses assez clairement.  La possibilité
>> *mentale* de réagir à un stimulus externe ou interne fait partie de ce
>> que j'appelle l'intelligence, et non la conscience.  Je n'ai pas
>
>  Peux-tu préciser "possibilité mentale" ?

Si tu es coupé de contact avec le monde extérieur tu n'as plus la
possibilité physique de bouger ta main mais tu en as encore la
possibilité mentale parce que tu peux le vouloir et en faire l'effort,
même si cet effort n'aboutit pas.

>  C'est vrai que ces réactions semblent une propriété de l'intelligence
>plutôt que de la conscience. À mon avis, la réaction aux "stimulus
>internes" (par exemple ceux de l'intelligence) est un élément de la
>conscience (qui, certes, ne suffit pas à la définir).

Je propose « messages internes » plutôt que « stimuli internes ».

Je suis d'accord.

On va dire que la propriété essentielle de la conscience est
d'observer, et la propriété essentielle de l'intelligence,
d'interpréter.

>> encore écrit ce que je comptais écrire sur l'intelligence, mais c'est
>> au minimum notre capacité à réfléchir (au sens Faré-ien du terme) une
>> machine de Turing.  Alors que la conscience n'a rien à voir avec
>
>  Attention au choix de l'isomorphisme entre tes opérations mentales et
>les opérations de la machine de Turing !, Justement, cet isomorphisme

Je n'ai pas dit qu'il y avait « isomorphisme ».  J'ai dit que
l'intelligence est capable de _réfléchir_ une machine de Turing.  Ce
qui implique qu'elle est au moins aussi puissante.  Mais peut-être
l'est-elle plus - il faudrait pour cela savoir si une machine de
Turing peut réfléchir l'intelligence (ce que je pense mais je
comprends qu'on puisse penser le contraire).

>définit la notion d'"environnement" que je cherchais pour la conscience.
>C'est-à-dire : mon cerveau est intelligent, pas mes neurones. Mon cerveau
>est intelligent, pas un groupe de trois cerveaux mis côte à côte (ou
>alors, pas de la même manière, i.e. pas par le même isomorphisme). Cet
>histoire d'"environnement" ou de cadre peut éviter qu'avec la conception
>globalisante de l'intelligence que tu sembles défendre ci-dessous, tout
>système incluant un système intelligent soit intelligent (ce qui me semble
>perdre des nuances).

Mouais, bof.  Cela me semble assez vaseux.

Un ensemble formé d'un ordinateur posé sur une machine à laver a-t-il
la puissance de Turing ? :-)

>> les moyens de communiquer, peut se mesurer (par des tests de QI, comme
>> les diagrammes de Bongard qui sont mes préférés).  La conscience ne le
>
>  Je ne connais pas ceux-là.

Il y en a des exemples dans « Gödel, Escher, Bach », vers la fin
(j'ose espérer que tu as lu ce livre).  L'idée c'est qu'on forme douze
dessins géométrique dans des petits carrés, six à droite et six à
gauche, et on demande ce qui sépare les dessins à gauche des dessins à
droite (on peut éviter de demander une description littérale en
rajoutant encore six dessins à classer entre gauche et droite).  Les
distinctions peuvent être : « À gauche il y a un carré noir et à
droite il n'y en a pas », ou « À gauche la figure est connexe et à
droite elle ne l'est pas », ou encore des choses beaucoup moins
mathématiques comme « À gauche le nombre 3 apparaît d'une façon ou
d'une autre et à droite le nombre 5 apparaît »...

>> La conscience ne le
>> peut pas (cf. mon paragraphe « Is consciousness experimental? »), ce
>> qui la rend délicate à décrire et à apprécier, même si nous sommes
>
>  Certes, la mesure des souvenirs et témoignanges de conscience peut
>paraître insatisfaisante. Mais elle est reproductible. La reproductibilité
>est bien l'injonction "Fais pareil que moi, et tu verras !" et non
>"Faisons-le en même temps !", et c'est précisément cela que tu mentionnes
>en disant que nous ne pouvons pas la montrer aux autres mais seulement
>leur demander de l'observer, et ensuite en constatant que malgré cela,
>nous sommes tous (dis-tu croire) persuadés d'être conscients.

Mon problème principalement c'est dans une expérience comme celle du
duplicateur.  Si je rentre dans le duplicateur je vois bien si après
coup je suis la copie de droite ou la copie de gauche.  Tandis qu'un
individu extérieur il va entendre les deux copies clamer haut et fort
qu'elles sont « la » copie originale.

Pour faire un compromis, peut-être que la conscience est observable,
mais ce qui ne l'est pas c'est l'identité de la conscience.  (I.e. je
peux savoir que les deux copies sont conscientes mais pas laquelle est
la copie de départ - et cela n'a peut-être même aucun sens.  Pourtant
j'ai bien l'impression que si je vivais l'expérience cela aurait un
sens.)

>> Je n'utilise pas l'éthique pour définir la conscience.  J'utilise(rai
>> quand j'aurai écrit les passages correspondant - si je les écris un
>> jour) la conscience comme un fondement possible d'une méta-éthique
>> (c'est-à-dire d'un principe directeur aux principes éthiques).  À
>> savoir (un peu caricaturalement) : l'Univers est la propriété
>> collective des consciences qui l'habitent, et les notions de Bien et
>> de Mal ne doivent servir qu'à départager leurs conflits.
>
>  Ce qui ne définit pas ces notions.

Je n'ai pas prétendu le contraire.  Je dis simplement que c'est une
suggestion de méta-éthique, c'est-à-dire de règle que doivent suivre
les règles de l'éthique.  Il peut y avoir beaucoup d'éthiques qui
satisfont cette méta-éthique.

>  Évidemment, mes histoires d'environnement de référence pour une
>conscience compliquent un peu la notion d'Univers (lequel est-ce ?). Mais
>par contre, ça pourrait expliquer pourquoi il n'est pas mal de tuer des
>gens dont la conscience se situe dans un environnement différent.

D'accord.

>> Soit.  Se pourrait-il donc que la notion de conscience fût locale
>> tandis que la notion d'intelligence fût globale (transcendant les
>> limites des « environnements »).  Étrange.
>
>  Non, IDEM pour l'intelligence (cf. ci-dessus).

Je n'en suis pas si convaincu.  Mais je suis trop fatigué pour y
réfléchir vraiment sérieusement.

>> ainsi Dieu n'aurait-Il pas à nous demander notre pardon.
>
>  Je ne vois pas bien pourquoi Dieu devrait nous demander pardon. Pour le
>christianisme, il nous l'accorde ou non, mais ne nous le demande pas. Pour
>un athée (ou un agnostique selon les définitions de Dieu) comme moi...

Moi non plus je ne vois pas.  Mais je trouve l'idée amusante et
provocante d'accorder son pardon à Dieu plutôt que le contraire.

Alors, uniquement pour la provocation : j'ai pitié de Dieu, et je lui
accorde mon pardon (mais à condition qu'Il croie en moi).

>> >"plus-ou-moins-souvent-conscient" et 2) dans la "définition" ci-dessus, la
>> >réalisation plus ou moins grande des fonctions comme "tenir compte de son
>> >état futur", réagir à son environnement", qui ne sont pas en tout-ou-rien.
>> 
>> Il s'agit là, à mon avis, d'intelligence et non de conscience.
>
>  Pour les réactions, oui, pour l'état futur, non.

Je ne pense pas que la distinction soit à ce niveau.  C'est plutôt en
remplaçant « tenir compte » par autre chose qu'on peut espérer cerner
la conscience.

>> As-tu une objection à ce que je rende accessible une copie de ces
>> mails (ainsi, le cas échéant, que ceux qui pourraient suivre) par des
>> liens depuis la page dont nous parlons ?
>
>  Pas de problème, mais je pense qu'il sera nécessaire d'en faire une
>synthèse avant, car au point où ça en est...

Je n'aime pas les synthèses.  Il me serait presque impossible de
résumer ce que tu as dit sans dénaturer tes pensées, et vice versa
aussi je pense.

Évidemment je reprendrai les idées qui m'ont le plus séduit dans ce
que tu as écrit pour les ajouter à ma page fourre-tout.  Mais en ce
faisant je les ferai miennes.  Les mails je préfère les indexer tels
quels (y compris avec les en-têtes et tout ça).

Bien entendu, considère que la page en question est sous LGPL : si tu
veux en reprendre certaines idées et/ou formulation pour exprimer ton
point de vue tu es le bienvenu :-b

[...]

-- 
     David A. Madore
    (david.madore@ens.fr,
     http://www.eleves.ens.fr:8080/home/madore/)


From ollivier@clipper.ens.fr  Sat Jan  2 13:28:56 1999
Status: R

>From ollivier  Sat Jan  2 13:28:56 1999
Received: from galion.ens.fr (ollivier@galion [129.199.129.10]) by clipper.ens.fr (8.8.7/jb-1.1)
	id NAA16000 for <madore@clipper.ens.fr>; Sat, 2 Jan 1999 13:28:55 +0100 (MET)
Return-Path: <ollivier@clipper.ens.fr>
Received: from localhost (ollivier@localhost) by galion.ens.fr (8.8.8/jb-1.1)
	id NAA02933 for <madore@clipper.ens.fr>; Sat, 2 Jan 1999 13:28:55 +0100 (MET)
X-Authentication-Warning: galion.ens.fr: ollivier owned process doing -bs
Date: Sat, 2 Jan 1999 13:28:54 +0100 (MET)
From: Yann Ollivier <ollivier@clipper.ens.fr>
X-Sender: ollivier@galion.ens.fr
To: David Madore <madore@clipper.ens.fr>
Subject: =?ISO-8859-1?Q?Message_m=E9thodologique_court?=
In-Reply-To: <199901020118.CAA24028@clipper.ens.fr>
Message-ID: <Pine.GSO.4.04.9901021327440.2778-100000@galion.ens.fr>
MIME-Version: 1.0
Content-Type: TEXT/PLAIN; charset=ISO-8859-1
Content-Transfer-Encoding: 8BIT


  Je scinde le jet en deux : l'un sur la conscience, l'autre sur les
interprétations de la mécaQ, car je sens que le deuxième risque de devenir
technique.

  A+

                Yann



From ollivier@clipper.ens.fr  Sat Jan  2 15:07:10 1999
Status: R

>From ollivier  Sat Jan  2 15:07:10 1999
Received: from kayak.ens.fr (ollivier@kayak [129.199.129.14]) by clipper.ens.fr (8.8.7/jb-1.1)
	id PAA19584 ; Sat, 2 Jan 1999 15:07:08 +0100 (MET)
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Date: Sat, 2 Jan 1999 15:07:03 +0100 (MET)
From: Yann Ollivier <ollivier@clipper.ens.fr>
X-Sender: ollivier@kayak.ens.fr
To: David Madore <madore@clipper.ens.fr>
cc: Dimitri Zvonkine <zvonkine@clipper.ens.fr>,
        Louis Paulot <paulot@clipper.ens.fr>
Subject: =?ISO-8859-1?Q?M=E9canique_quantique?=
In-Reply-To: <199901020118.CAA24028@clipper.ens.fr>
Message-ID: <Pine.GSO.4.04.9901021326100.2778-100000@galion.ens.fr>
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Content-Transfer-Encoding: 8BIT


> >> Ce serait à faire confirmer par un physicien, mais je suis à peu près
> >> certain qu'il n'y a aucune théorie de la mécanique quantique qui à la
> >> fois soit physiquement correcte et évite le recours à une notion mal
> >> définie d'« observation ».  Les théories comme celles de Böhm (ou des
> >> variables cachées) qui tentent d'éviter l'« observation » sont toutes
> >> physiquement erronées.
> >
> >  Je vais parler d'une versoin simple de la mécaQ, hors théorie des champs
> >que je ne domine pas... C'est comme ça (sans prétention) que je vois les
> >choses : Admettons un instant que la réalité physique (sans discuter sur
> >ce terme) soit constituée de la (des) fonction(s) d'onde, et que ce
que
> >nous observons à notre échelle (positions, vitesses) soit des propriétés
> >de cette (ces) fonction(s) d'onde. Une mesure est simplement l'interaction
> >d'un petit système avec un système plus gros, lequel n'est évidemment pas
> >connu a priori avec la même précision, et est donc soumis à des variations
> >d'ordre statistique. Ces variations (par un mécanisme de mesure qu'il
> >reste à théoriser, tout le travail à faire est ici, évidemment) engendrent
> >des variations dans le résultat de la mesure, correspondant aux valeurs
> >propres de l-opérateur-transformation que le système fait subir à la
> >particule. À noter qu'on entend parfois dire qu'un opérateur d'évolution
> >linéaire (équation de Schrödinger) [+ remise de la norme à 1] ne devrait
> >donner que des résultats linéaires, et que si les mesures de deux kets
> >donnent deux valeurs, la mesure d'une somme pondérée de ces deux kets
> >devrait donner un état superposé des deux valeurs sur l'aiguille de
> >l'appareil... Mais comme entre deux mesures, c'est l'opérateur lui-même
> >(l'appareil de mesure) qui varie, cet argument ne tient que dans le cas où
> >on ferait deux fois exactement la même mesure, ce qui est improbable. On a
> >ici (modulo la description de cette statistique miraculeuse) une
> >possibilité d'interprétation mécaniste, déterministe, sans conscience, de
> >la mécaQ.
> 
> Ce que tu dis si je te suis bien, c'est que si je réalise une
> expérience conduisant à un état hybride, mon appareil de mesure *est*
> dans un état hybride, et le fait que je voie l'aiguille à gauche ou à
> droite est le résultat non pas d'un écrasement de la fonction d'onde
> mais d'une imprécision dans la définition de « à gauche » et « à
> droite » qui fait que certains états hybrides seront classés dans l'un
> et certains dans l'autre.  Ai-je bien compris ?

  Non. Dans ce cas (qui est improbable) je suis aussi dans un état
hybride. N'oublie pas le début de ce que j'ai écrit : "Admettons un
instant que la réalité physique (sans discuter sur ce terme) soit
constituée de la (des) fonction(s) d'onde". À mon avis, il faut en passer
par là.

  Évidemment, dire "c'est rare" laisse le champ à des questions du type
"mais qu'est-ce que je ressens quand par hasard ça se produit ?", ce à
quoi je répondrais "rien de spécial, ça se produit tout le temps pendant
sur durées très courtes". De toute façon, la plupart des particules de
notre cerveau sont probablement tout le temps dans des états superposés.
Je rectifie : toutes les particules de notre cerveau sont toujours dans
des états superposés, puisqu'il n'existe aucun état pur qui spécifie à la
fois position et impulsion.

> Cela ne me convainc que très médiocrement.  Si l'expérience consiste
> en la traversée par un photon d'une paroi semi-refléchissante suivie
> d'un photomultiplicateur (qu'on peut complètement décrire
> quantiquement) il n'y a plus d'appareil de mesure dans l'affaire, et
> il s'agit simplement d'observer à l'oeil nu une lumière ou pas de
> lumière.  Je vois mal comment mettre des statistiques là-dedans.

  L'aspect statistique intervient forcément à un moment ou à un autre : il
y a forcément un moment où les milliards (et plus) de particules qui
composent la chambre d'expérimentation vont entrer en contact avec l'objet
à mesurer, ou avec une version un peu amplifiée de l'objet à mesurer ; cet
objet était auparavant dans un état que l'on qualifierait de "superposé"
(mais cette terminologie me gêne). La statistique se fait sur l'état
précis de ces milliards de photons.

  En gros, c'est l'état de l'appareil de mesure qui déterminerait comment
se comporte le "paquet d'ondes" (encore un terme qui me déplaît), et pour
une raison que je crois certains physiciens explorent, dès que le système
devient gros, ce paquet d'ondes a tendance à se réduire, vers une valeur
particulière qui est déterminée par l'état du système.

  Cf. ci-dessous (linéarité etc.) pour les conséquences éventuelles de
cette interaction.

  Cela n'a absolument rien à voir avec les notions de droite et de gauche
que je peux avoir.

> Une façon différente de voir les choses.  Si devant un état hybride de
> l'appareil j'ai à décider si l'aiguille est « à gauche » ou « à
> droite », cette décision m'appartient et je peux déclarer que la
> conscience est la possibilité d'ainsi classifier un état hybride.  Que
> cette classification corresponde à un véritable processus physique
> (écrasement du paquet d'onde) ou à une simple opération de l'esprit -
> que les « mondes parallèles » continuent ou non d'exister - est une
> question qui n'a pas de sens.

  Tout cela est possible, mais très spéculatif.

> >  Évidemment, cette manière de voir les choses n'interdit pas
> >catégoriquement des états superposés macroscopiques, elle les prétend
> >instables. De toute façon, il faut bien s'y faire, puisqu'il semblerait
> >qu'au niveau microscopique, les états superposés existent bel et bien.
> 
> Tu ne peux pas les décréter instables du point de vue strictement
> physique, parce que comme tu le signales l'équation de Schrödinger est
> linéaire, donc elle ne peut pas conduire toute seule à un écrasement.
> C'est pour ça que j'ai supposé que tu voulais dire qu'on arrivait
> toujours à classifier un état hybride sous le label d'un des états
> purs qui le composent.

  Oui, l'équation de Schrödinger est linéaire.

  Plus exactement, soit une particule décrite par un ket |p>, et un
hamiltonien h. (J'aurai besoin de H tout a l'heure, c'est pourquoi je
prends h comme notation. Comme je prends la constante de Planck égale à 1,
il n'y a pas de confusion possible).

  Elle vérifie 

d|p>/dt = -i h |p>

  évolution qui est parfaitement déterministe, et donc qui ne pose pas de
problème conceptuel par rapport à la mécanique classique, si l'on suppose
que l'objet à décrire est bien |p>.

  Mais on veut observer une autre "caractéristique" de |p>, justement.

  On place donc |p> dans un appareil de mesure.

  L'ensemble |p> + appareil de mesure est décrit par un ket d'un autre
espace, mettons |P>. Son opérateur d'évolution est donné par un
hamiltonien H.

  Encore une fois, d|P>/dt = -i H |P>, c'est linéaire.

  Mais du point de vue de |p> qui est un sous-système de |P>, ça ne l'est
plus vraiment... car justement l'opérateur H n'a aucune raison de commuter
avec la projection sur l'espace où vit |p>, et n'y redonne donc pas h.

  Supposons que |P>=|P0>+|p> orthogonaux, où |p> est le même que
précédemment (je ne sais pas si ça se justifie ou si ça peut poser
problème de supposer qu'un sous-système est toujours décrit par un
sous-espace hilbertien du système).

  Considérons maintenant deux préparations |p1> et |p2> de la particule à
observer.

  L'argument classique est : même si |p1> est envoyé sur un état propre,
et |p2> sur un autre, 1/sqrt(2) (|p1>+|p2>) est donc envoyé, par linéarité
de l'opérateur d'évolution, sur la somme pondérée de deux états propres,
qui a sûrement une sale tête.

  En fait, l'opérateur H peut très bien envoyer |p1> sur un état propre et
|p2> sur un autre, mais avec H au lieu de h, on n'a plus de raison de se
restreindre aux états propres normés (puisque justement H ne commute pas
avec la projection sur l'espace des |p>, ||p|| n'est pas conservée comme
c'était le cas avec l'opérateur h hermitien).

  Par exemple, si le gros système envoie |P0>+|p1> sur
|P0'>+|p1'>, où |p1'> est un état pur de norme très grande (sa norme
dépendant de la taille du système), tandis que |P0>+|p2> est envoyé en
|P0''>+|p2'> (attention |P0'> est différent de |P0''> ), où la norme de
|p2'> est très petite.

  Alors H envoie |P0> + 1/sqrt(2) (|p1>+|p2>) sur 1/sqrt(2) (|P0'> +
|P0''> + |p1'> + |p2'> ), qui est un état très proche de 1/sqrt(2) (|P0'>
+ |P0''> + |p1'>).

  En gros, le système de mesure sélectionne tout à fait linéairement un
des états propres pour |p>.

  Un autre système de mesure, qui aura macroscopiquement la même tête mais
qui différera dans les détails, aboutira, lui, à donner une grande
composante en |p2'> par exemple.

  Tout le travail réside dans le fait de savoir pourquoi chaque gros
appareil de mesure aime tant un état pur particulier, et comment la
répartition sur les appareils de mesure possible donne des probabilités
qui correspondent aux (carrés des) projections de |p> sur els états
propres normés.

  Je ne sais pas si tout ça te paraît cohérent.

  Cela a pour conséquence, malheureusement (?), que l'énergie, la
position, etc., ne sont pas définies pour une particule mais pour un
couple particule/appareil de mesure. Par contre, ce qui est défini pour
une particule, c'est bien la distribution statistique des énergies
(impulsions, positions...) de cette particule par rapport aux appareils de
mesure possibles.

  Je sais, tout ça est un peu vague. En particulier, on devrait être
capable, pour clarifier ça, de dire quel opérateur mesure un appareil
donné...

  De toute façon, une fois de plus, même sans mesure, la position ou
l'impulsion ne sont pas des caractéristiques intrinsèques de la
particules, puisqu'il n'existe pas d'état pur pour ces deux
caractéristiques simultanément. Il faut bien voir que cette propriété est
totalement indépendante de quelconques postulats sur la métaphysique de la
mesure et de la conscience.


A+

--
Yann



From ollivier@clipper.ens.fr  Sat Jan  2 22:15:24 1999
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>From ollivier  Sat Jan  2 22:15:24 1999
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From: Yann Ollivier <ollivier@clipper.ens.fr>
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To: David Madore <madore@clipper.ens.fr>
Subject: Re: Thoughts on consciousness
In-Reply-To: <199901020118.CAA24028@clipper.ens.fr>
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On Sat, 2 Jan 1999, David Madore wrote:

> Exactement.  Je peux observer ma conscience mais je ne suis pas censé
> le faire, et je ne peux pas observer la conscience des autres.  Donc
> la conscience, *plonk*.

  Ce que je voulais dire, c'est que j'ai tendance à me méfier des
résultats tautologiques. Ils dépendent trop étroitement des définitions.
On peut souvent les contourner.

> >  Cependant, "on ne doit pas s'observer soi-même" me semble pouvoir être
> >respecté si l'on ne prend pas "soi" dans un sens trop large. On peut se
> >diviser soi-même en deux parties, une observante (la conscience) et une
> >observée (un autre processus mental) qui est momentanément considéré comme
> >extérieur. En particulier, si la conscience ne peut pas s'analyser
> >elle-même en temps réel, elle peut observer un souvenir d'un acte mental
> >quelconque, et donc le souvenir d'un acte mental de conscience, sans
> >violer les règles épistémologiques. Comme elle a de plus constaté que le
> >souvenir était souvent en accord avec la réalité, elle peut conclure à
> >l'existence de cet acte de conscience (certes, ici, on peut remettre en
> >cause la validité épistémologique du souvenir ; mais alors, on ne doit pas
> >utiliser la mémoire que l'on a de l'aguille que l'on vient de voir pour
> >inscrire le résultat sur le papier... il est épistémologiquement
> >indispensable d'accorder un crédit aux souvenirs).
> 
> Je crois que tu pinailles.  Tu peux de cette façon systématiquement
> écarter toute objection au principe d'anautoscopie (non observation de
> soi-même :-)

  Oui, bien sûr. Ce principe a pour but d'éviter les rétroactions du type
"l'observation modifie l'objet observé" qui pourraient aboutir à des
comportements indéfinis (bien que l'autoréférence ne soit pas toujours si
horrible). Dès lors que l'on veut faire une théorie portant sur des
observations (et je ne vois pas ce qui devrait nous l'interdire), on devra
bien admettre que le principe d'anautoscopie (puisque le mot est concis,
utilisons-le) doit être limité aux cas où il y a risque de rétroaction de
l'observant sur l'observé. On doit pouvoir observer la manière dont on a
observé dans le passé.

  C'est la généralisation (abusive selon moi) de ce principe à toute
observation où l'observateur et l'observé ont quoi que ce soit en commun
qui m'a fait dire que tu l'appliquais dogmatiquement.

> De toute façon mon but n'est pas d'énoncer des idées dogmatiques comme
> tu m'en accuses, mais seulement de formuler des pensées pouvant
> induire une certaine réflexion.  L'essentiel est que tu voies qu'il
> peut y avoir une difficulté à ce niveau-là.  Ensuite, tu peux

  Certes, c'est bien ce que fait ta page.

> >  DONC, il me semble que la conscience peut être étudiée scientifiquement.
> 
> Note que tu ne m'as toujours pas dit ce que selon toi *je* ressens si
> je suis placé dans le duplicateur de matière ;-)

  À mon avis, rien de spécial. "Je" est simplement un mot qui n'est pas
toujours défini (cf. ci-dessous, remarques sur la conscience et l'identité
de la conscience). Celui qui reste dans la cabine ne voit rien passer,
tandis que celui qui apparaît autre part a l'impression que son
environnement a bougé d'un coup. Savoir, avant de rentrer dans l'appareil,
si "je" vais ne rien voir ou bien être téléporté est simplement une
question qui n'a pas de sens car l'identité n'est ici pas définie. De même
qu'il n'y a pas de connexion directe (autre que darwinienne) entre moi
présent et moi futur, il n'y a pas de notion de "moi" lors du
dédoublement, les deux "moi" futurs sont tous deux ni plus ni moins
distincts de moi qu'un "moi" futur sans dédoublement.

> >  Évidemment, si tu refuses comme observations sur la conscience les
> >souvenirs de conscience et les témoignages de conscience des autres, on se
> >demande au final ce qui pourrait bien pour toi constituer une observation
> >de la conscience (ta position épistémologique est-elle réfutable ? :).
> 
> Je peux faire subir à d'autres et même à moi-même des tests
> d'intelligence qui ne me demandent pas de faire moi-même
> l'introspection.  On pourrait demander qu'il en fût de même pour la
> conscience.  *Apparemment* ce n'est pas possible.  Tu peux considérer

  En fait, ce n'est pas possible parce que dans ce cas, tu doutes tu
témoignage des autres sur leur état mental. Si on regarde bien, la
reproductibilité d'une expérience c'est :
 - quelqu'un fait une expérience de son côté, sans que tu le voies. Il te
dit : j'ai trouvé tels résultats, recommence, tu verras, tu trouveras les
mêmes.
 - tu recommences, et trouves les mêmes résultats.
  Tout ça est exactement ce qui se passe pour la conscience. Cependant,
dans le cas de la conscience, tu es méfiant à l'égard du témoignage de
l'autre, parce que son témoignage porte sur lui-même. Mais en fait, tu es
tout aussi méfiant en ce qui concerne une expérience scientifique
classique.Je pense que sur le plan de l'observabilité et de la
reproductibilité, l'expérience de conscience est parfaitement similaire
aux autres expériences. Seule l'objection d'autoscopie est plus sérieuse.

  En résumé : si tu refuses de voir l'expérience des autres parce que ça
t'est transmis simplement par l'intermédiaire de leur cerveau, que tu ne
vois pas directement, tu dois aussi considérer comme non reproductibles
les expériences scientifiques qui ont eu lieu hors de ta présence. La
seule différence entre ces deux catégories est de l'ordre de l'argument
autoscopique, pas des arguments d'observabilité et de reproductibilité.

> ça comme une faille dans ma position épistémologique, mais on peut
> aussi considérer ça comme rendant la conscience quelque chose de
> suspect.  Encore une fois je veux simplement que tu te poses la
> question.

  Oui, je suis bien d'accord que c'est subtil.

> >  Si la non-observation de soi est un dogme épistémologique,
> >existe-t-il une définition épistémologique correcte de "soi" (non pas
> >seulement par opposition à l'observé, mais aussi par opposition aux autres
> >observateurs éventuels) ?
> 
> ¿Redo from start?

  Je veux dire que la notion d'anautoscopie n'est pas scientifiquement
définie. Il n'ya a pas de définition propre de "soi". Il y a la notion
d'observateur, qui est assez claire, mais comment me différencier _moi_
des autres observateurs éventuels ?

  Autrement dit, tu accuses la conscience de non-scientificité en regard
du principe anautoscopique ; alors que j'accuse ce principe (dans
l'acception que tu sembles en avoir) de n'être pas scientifiquement
défini.

  Bien sûr, l'épistémologie n'est pas une science, et tous ses termes ne
sont pas scientifiquement définis, mais là aussi il y a problème et
subtilité.

  Par contre, si l'on prend le principe, appelons-le d'anautoscopie
restreinte, i.e. l'évitement des cas de rétroaction de l'observateur sur
l'observé, on a quelque chose de mieux défini, qui évite la référence à
une notion de "soi".

  Évidemment, toute observation perturbe un peu le système observé. On
peut essayer de remplacer ça par "perturbation la plus petite possible" en
méca classique, ou encore en mécaQ par "répétition de l'observation de
manière à pouvoir étudier statistiquement quelle perturbation on fait
subir" (en fait, ce dernier point est déjà valable en science non
quantique, puisqu'on répète toujours les mesures, justement ; il n'y a
donc là rien de spécifiquement quantique et halte donc à l'intrusion de
la mécaQ dans la notion de conscience).

> >  Bien sûr, on ne peut pas démontrer la conscience des autres (puisqu'on
> >ne peut même pas démontrer leur existence). Mais les autres apparaissent
> >non pas "similaires" à moi, comme je l'ai écrit, mais similaire à l'image
> >que je donnerais à un observateur distinct de moi, du moins c'est ce que
> 
> Très juste.  Mais là aussi je peux dire que vue de l'espace, la Terre
> ressemble bigrement à ce que les autres planètes sont.

  Oui, vue de très loin, parce qu'il y a perte d'information. Mais pas vue
de près. Tandis que vu de très près, toute information prise en compte,
mon corps est parfaitement semblable à celui des autres ; ou plus
exactement, les variations que j'observe entre mon crops et un autre corps
humain sont du même ordre que celles que j'observe entre deux corps
humains extérieurs. Donc je suis amené à supposer (bien sûr, le doute
subsiste) que la différence entre mon esprit et un autre esprit est du
même type que la différence entre deux autres esprits. Comme je me suppose
conscient, je les suppose conscients.

  C'est un argument de plausibilité, pas une démonstration, puisque déjà
pour l'existence des autres il y a problème.

> >l'observation des parties externes de mon corps, et de mon comportement,
> >me laisse supposer. Si je suis matérialiste, je suis donc amené à supposer
> >le même type de fonctionnement à l'esprit des autres. Bien sûr, reste
> >toujours la possibilité que je sois un être d'exception, seul conscient au
> >milieu d'une mare de personnes inconsistantes...
>                                 ^^^^^^^^^^^^^^
> Joli lapsus.

  Ce n'est pas un lapsus. J'ai voulu dire "personnes sans consistance",
avec bien entendu un jugement de valeur sur le fait de posséder la
conscience.

> >> Ensuite : il faut nettement distinguer intelligence et conscience, et
> >> je ne pense pas que tu le fasses assez clairement.  La possibilité
> >> *mentale* de réagir à un stimulus externe ou interne fait partie de ce
> >> que j'appelle l'intelligence, et non la conscience.  Je n'ai pas
> >
> >  Peux-tu préciser "possibilité mentale" ?
> 
> Si tu es coupé de contact avec le monde extérieur tu n'as plus la
> possibilité physique de bouger ta main mais tu en as encore la
> possibilité mentale parce que tu peux le vouloir et en faire l'effort,
> même si cet effort n'aboutit pas.

  Le vouloir est-il du ressort de la conscience ou de l'intelligence ? Pas
clair. Comme une intelligence réagit, on peut penser qu'une volonté
préside à ces actions. Bien que dans le cas d'une fourmilière ou d'un
ordinateur... Une volonté suppose un but, et un but se situant dans le
futur, suppose donc l'identification entre le moi futur et présent.
D'accord, les animaux ne sont pas conscients (ce n'est pas si clair), mais
ils ont des buts. Ont-ils une volonté ? Dur à dire.

> On va dire que la propriété essentielle de la conscience est
> d'observer, et la propriété essentielle de l'intelligence,
> d'interpréter.

  Bof. L'intelligence, elle aussi, doit absolument observer avant
d'interpréter. J'aurais presque dit le contraire. L'intelligence fait le
travail, et la conscience l'interpète. Interpréter, ce serait donner un
sens à un comportement ou un résultat obtenu par une intelligence
(intelligence computationnelle, allais-je écrire). Le fait qu'une
intelligence donne un sens à ce qu'elle fait est-il équivalent au fait que
cette intelligene soit consciente ? La notion de "sens" de qqch est-elle
dissociable de la notion de conscience de celui à qui cette chose apparaît
? Que signifie exactement "donner un sens" au résultat d'un calcul ? C'est
exactement la différence que l'on invoque souvent entre homme et machine.

  Est-ce que l'on peut donner un sens si l'on ne possède pas d'évaluation
en terme bien/mal ? Par bien/mal je ne prends pas le sens moral mais un
sens de type darwinien : profitable à mon moi futur, ou à mes
descendants... i.e. pour attribuer des "sens" à des résultats obtenus par
une intelligence, résultats "objectifs", serait-il nécessaire d'avoir une
notion d'intéressement dans le résultat, de volonté de l'obtenir ?

  Ça fait beaucoup de questions dont la réponse ne me paraît pas claire du
tout.

  On pourrait dire aussi : la propriété essentielle de la conscience est
d'observer son intelligence.

> >> encore écrit ce que je comptais écrire sur l'intelligence, mais c'est
> >> au minimum notre capacité à réfléchir (au sens Faré-ien du terme) une
> >> machine de Turing.  Alors que la conscience n'a rien à voir avec
> >
> >  Attention au choix de l'isomorphisme entre tes opérations mentales et
> >les opérations de la machine de Turing !, Justement, cet isomorphisme
> 
> Je n'ai pas dit qu'il y avait « isomorphisme ».  J'ai dit que
> l'intelligence est capable de _réfléchir_ une machine de Turing.  Ce
> qui implique qu'elle est au moins aussi puissante.  Mais peut-être
> l'est-elle plus - il faudrait pour cela savoir si une machine de
> Turing peut réfléchir l'intelligence (ce que je pense mais je
> comprends qu'on puisse penser le contraire).

  Tu écris "réfléchir une machine de Turing". Est-ce un oubli ("réfléchir
comme une machine de Turing") ou dis-tu que l'intelligence est
capable de concevoir une machine machine de Turing ?

  Mettons correspondance plutôt qu'isomorphisme.

> >définit la notion d'"environnement" que je cherchais pour la conscience.
> >C'est-à-dire : mon cerveau est intelligent, pas mes neurones. Mon cerveau
> >est intelligent, pas un groupe de trois cerveaux mis côte à côte (ou
> >alors, pas de la même manière, i.e. pas par le même isomorphisme). Cet
> >histoire d'"environnement" ou de cadre peut éviter qu'avec la conception
> >globalisante de l'intelligence que tu sembles défendre ci-dessous, tout
> >système incluant un système intelligent soit intelligent (ce qui me semble
> >perdre des nuances).
> 
> Un ensemble formé d'un ordinateur posé sur une machine à laver a-t-il
> la puissance de Turing ? :-)

  La distinction me semble importante quand même, si on veut pouvoir
énoncer que la fourmilière est intelligente, mais pas les fourmis, ni la
forêt qui contient la fourmilière. Ceci dit, passons sur le terme
isomorphisme.

> 
> >> les moyens de communiquer, peut se mesurer (par des tests de QI, comme
> >> les diagrammes de Bongard qui sont mes préférés).  La conscience ne le
> >
> >  Je ne connais pas ceux-là.
> 
> Il y en a des exemples dans « Gödel, Escher, Bach », vers la fin
> (j'ose espérer que tu as lu ce livre).  L'idée c'est qu'on forme douze

  Non, j'e l'ai feuilleté, j'ai trouvé qu'il avait l'air assez délayé.

> >> La conscience ne le
> >> peut pas (cf. mon paragraphe « Is consciousness experimental? »), ce
> >> qui la rend délicate à décrire et à apprécier, même si nous sommes
> >
> >  Certes, la mesure des souvenirs et témoignanges de conscience peut
> >paraître insatisfaisante. Mais elle est reproductible. La reproductibilité
> >est bien l'injonction "Fais pareil que moi, et tu verras !" et non
> >"Faisons-le en même temps !", et c'est précisément cela que tu mentionnes
> >en disant que nous ne pouvons pas la montrer aux autres mais seulement
> >leur demander de l'observer, et ensuite en constatant que malgré cela,
> >nous sommes tous (dis-tu croire) persuadés d'être conscients.
> 
> Mon problème principalement c'est dans une expérience comme celle du
> duplicateur.  Si je rentre dans le duplicateur je vois bien si après
> coup je suis la copie de droite ou la copie de gauche.  Tandis qu'un
> individu extérieur il va entendre les deux copies clamer haut et fort
> qu'elles sont « la » copie originale.

  Je ne vois pas où est le problème avec ça. Oui, après-coup, chaque copie
saiut qu'elle est à droite ou qu'elle est à gauche. Et chacune sait
qu'avant, elle était du même côté. Et ensuite ? Il est clair, de toute
façon, qu'il ne faut pas s'attendre à conserver la notion d'identité si tu
te places précisément dans une expérience de pensée où tu dupliques. C'est
comme si tu t'étonnais de la violation de la parité dans une expérience
prévue exprès pour.

  Ce qui te choque peut-être, c'est que la notion d'identité ne soit pas
toujours définie. Elle repose fondamentalement sur la continuité
spatoi-temporelle (et pas seulement sur l'une des deux), à la fois perçue
par moi et perçue par les autres (pendant mon sommeil, c'est bien les
autres, ou plutôt les objets qui m'entourent, qui sont garants de mon
identité).

  À mon avis, on doit forcément lâcher la notion d'identité hors
continuité. Peut-être même qu'avec la continuité, il faut quand même faire
appel à des théories darwiniennes pour l'expliquer (puisque la continuité
ne suffit pas à manifester l'intérêt porté au moi futur).

  Note que du point de vue darwinien, les deux copies sont complètement
équivalentes, et chacune a intérêt à propager les gènes de l'autre
exactement comme les siens propres (comme pour les jumeaux d'ailleurs).

> Pour faire un compromis, peut-être que la conscience est observable,
> mais ce qui ne l'est pas c'est l'identité de la conscience.  (I.e. je
> peux savoir que les deux copies sont conscientes mais pas laquelle est
> la copie de départ - et cela n'a peut-être même aucun sens.  Pourtant
> j'ai bien l'impression que si je vivais l'expérience cela aurait un
> sens.)

  Moi, je ne crois pas. Je meurs tous les soirs (l'âme paisible), et
peut-être même à chaque instant, remplacé par un suivant.

> >> Soit.  Se pourrait-il donc que la notion de conscience fût locale
> >> tandis que la notion d'intelligence fût globale (transcendant les
> >> limites des « environnements »).  Étrange.
> >
> >  Non, IDEM pour l'intelligence (cf. ci-dessus).
> 
> Je n'en suis pas si convaincu.  Mais je suis trop fatigué pour y
> réfléchir vraiment sérieusement.

> >> >"plus-ou-moins-souvent-conscient" et 2) dans la "définition" ci-dessus, la
> >> >réalisation plus ou moins grande des fonctions comme "tenir compte de son
> >> >état futur", réagir à son environnement", qui ne sont pas en tout-ou-rien.
> >> 
> >> Il s'agit là, à mon avis, d'intelligence et non de conscience.
> >
> >  Pour les réactions, oui, pour l'état futur, non.
> 
> Je ne pense pas que la distinction soit à ce niveau.  C'est plutôt en
> remplaçant « tenir compte » par autre chose qu'on peut espérer cerner
> la conscience.

  Tu penses peut-être au cas des animaux, qui agissent mécaniquement en
faveur de leur moi futur. Mais c'est peut-être au niveau de l'existence
d'une représentation mentale du moi futur et de ses intérêts que la
différence se situe.

[...]

> Pour moi la philo est quelque chose qui a trop dangereusement tendance
> à tendre vers la dialectique à contenu sémantique vide.  Tu arrives
> remarquablement bien à éviter cet écueil, mais pour moi il me semble
> qu'un des meilleurs moyens est de donner quantité d'exemples, de
> comparaisons et d'expériences de pensée, ce qu'en général les
> philosophes semblent considérer en-dessous de leur dignité de faire.

  Tout à fait.

> Par ailleurs, elle doit se faire par écrit parce qu'il faut relire une
> phrase cinq fois avant de la comprendre.  Et le fait d'avoir des
> opinions est par essence suspect : pour ma part je me contente de
> lancer des idées si possibles provocantes ou en tout cas provocatrices
> de réflexion (essentiellement, je joue *toujours* l'avocat du diable).

  transposons en mathématiques : je ne fais jamais de conjectures, je ne
dimontre jamais de théorèmes. D'accord, le questionnement est primordial,
mais il faut peut-être de temps en temps chercher des conclusions solides.
Sinon, on finit dans un relativisme total, et on accepte l'idée d'un Dieu
qui puisse créer une pierre qu'il ne puisse soulever tout en restant
omnipotent. Ceci dit, interrompons là les considérations méthodologiques,
ce ne sont pas les plus intéressantes à la longue.


                Yann






From madore Sun Jan  3 19:06:56 1999
To: ollivier
Subject: Re: Thoughts on consciousness
Content-Length: 15115

Salut,

>> Je crois que tu pinailles.  Tu peux de cette façon systématiquement
>> écarter toute objection au principe d'anautoscopie (non observation de
                                         ^^^^^^^^^^^^
N'est-ce pas qu'il est mignon, ce mot ?

>> soi-même :-)
>
>  Oui, bien sûr. Ce principe a pour but d'éviter les rétroactions du type
>"l'observation modifie l'objet observé" qui pourraient aboutir à des
>comportements indéfinis (bien que l'autoréférence ne soit pas toujours si

Pas seulement.  Il y a aussi un problème statistique qui apparaît sous
plein de formes.

Forme la plus faible : si à chaque fois que je prends le métro je
compte le nombre d'hommes et de femmes dans mon wagon, pour en faire
des statistiques sur le nombre d'hommes et de femmes qui prennent le
métro, je vais fausser les statistiques si je me compte moi-même (en
fait, je vais fausser les statistiques de toute façon, parce qu'on ne
sait jamais, certain(e)s pourraient changer de wagon rien qu'en me
voyant - mais ce sont des effets beaucoup moins importants).  Mais là
c'est évident parce que je me compte moi-même à chaque wagon.

Mais même si on ne fait le compte qu'une fois il faut faire attention
avec le fait de s'inclure dans la statistique.  Si je possède un trait
particulier et que je suis tenté de compter les personnes qui
possèdent ce trait, alors le trait est la cause de la statistique, et
ce serait une erreur de le compter comme donnée statistique.  En
revanche si je me dis, tiens je vais compter le nombre de personne
ayant tel trait, et que je n'ai jamais remarqué si oui ou non je l'ai
moi-même, alors je peux me compter dans la statistique.  Si j'effectue
la statistique à la demande d'une tierce personne, c'est cette
personne que je dois omettre de comptabiliser, de même si c'est
l'observation par moi d'un trait chez lui qui m'amène à m'interroger
sur ce trait.  (Exemple : je vois dans le métro un type qui a les
cheveux - naturellement - bleus.  Je me demande alors, au juste,
combien de personnes ont les cheveux bleus.  Il est le seul parmi les
30 personnes du wagon.  J'en déduis, une personne sur 30.  Mais c'est
faux parce que du coup je n'ai pas comptabilisé les n wagons
précédents que j'ai vus et où personne n'avait les cheveux bleus.)

Je me demande si tout ceci pourrait constituer la base d'une notion
d'observateur statistique : celui qui cause la mesure et non celui qui
l'effectue.

>> Note que tu ne m'as toujours pas dit ce que selon toi *je* ressens si
>> je suis placé dans le duplicateur de matière ;-)
>
>  À mon avis, rien de spécial. "Je" est simplement un mot qui n'est pas
>toujours défini (cf. ci-dessous, remarques sur la conscience et l'identité
>de la conscience). Celui qui reste dans la cabine ne voit rien passer,
>tandis que celui qui apparaît autre part a l'impression que son
>environnement a bougé d'un coup. Savoir, avant de rentrer dans l'appareil,
>si "je" vais ne rien voir ou bien être téléporté est simplement une
>question qui n'a pas de sens car l'identité n'est ici pas définie. De même
>qu'il n'y a pas de connexion directe (autre que darwinienne) entre moi
>présent et moi futur, il n'y a pas de notion de "moi" lors du
>dédoublement, les deux "moi" futurs sont tous deux ni plus ni moins
>distincts de moi qu'un "moi" futur sans dédoublement.

Oui, c'est bien une des hypothèses que j'envisageais.  Et tu
conviendras qu'elle est assez radicale - quoique très scientifique.
Tu ne rejettes pas l'existence de la conscience mais l'existence de
son identité.  Il y a des gens qu'une telle idée horrifierait.  (Pour
reprendre l'idée de la métempsychose, elle n'affirme pas que la
métempsychose n'existe pas, mais même qu'elle n'a aucun sens - et même
que la mort n'a aucun sens.)

Tu admettras aussi que notre certitude de l'identité de notre
conscience est également très forte.  Donc je peux te retourner
certains de tes arguments : as-tu suffisamment de foi en la science
pour rejeter au nom d'elle un sentiment que tu ressens aussi
nettement ?  Ou encore, crois-tu vraiment que le principe darwinien
soit assez clair pour expliquer quelque chose d'aussi fort ; ce que je
veux dire, c'est que notre croyance en l'identité de notre conscience
va presque jusqu'à paralyser notre raisonnement sur cette question,
alors que sur d'autres points au moins aussi important que cela sur le
plan évolutionnaire (comme la nécessité de se reproduire), la
contrainte sur notre esprit est moins forte.

>  Bien sûr, l'épistémologie n'est pas une science, et tous ses termes ne
>sont pas scientifiquement définis, mais là aussi il y a problème et
>subtilité.

Hé, hé.  Heureusement.  Sinon il y aurait une méta-épistémologie pour
dicter les principes suivis par l'épistémologie.

>  Le vouloir est-il du ressort de la conscience ou de l'intelligence ? Pas
>clair. Comme une intelligence réagit, on peut penser qu'une volonté
>préside à ces actions. Bien que dans le cas d'une fourmilière ou d'un
>ordinateur... Une volonté suppose un but, et un but se situant dans le
>futur, suppose donc l'identification entre le moi futur et présent.
>D'accord, les animaux ne sont pas conscients (ce n'est pas si clair), mais
>ils ont des buts. Ont-ils une volonté ? Dur à dire.

Je mets plutôt le vouloir du côté de la conscience.  En effet, je peux
imaginer une drogue qui prive celui qui la prend de toute volonté,
sans pour autant diminuer son intelligence (ça existe même presque).
En revanche, si je m'imagine prenant cette drogue, et que j'obéis
aveuglément à celui qui me l'a administré, alors je vois que « ce
n'est plus moi ».

C'est au niveau des animaux qu'on revoit surgir les problèmes avec la
conscience.  Tu as passablement bien expliqué que je peux être
convaincu que my fellow humans sont conscients.  Mais comment le
savoir pour les animaux ?  Je ne peux pas me mettre dans la peau d'un
dauphin ni lui poser la question.  La conscience ne peut s'observer
que de l'intérieur : tu dis que ce n'est pas un problème, soit, mais
c'est quand même ennuyeux quand je ne peux pas appliquer le principe
d'analogie.

>  Ça fait beaucoup de questions dont la réponse ne me paraît pas claire du
>tout.

Oui.

>  On pourrait dire aussi : la propriété essentielle de la conscience est
>d'observer son intelligence.

D'accord.

>> Je n'ai pas dit qu'il y avait « isomorphisme ».  J'ai dit que
>> l'intelligence est capable de _réfléchir_ une machine de Turing.  Ce
>> qui implique qu'elle est au moins aussi puissante.  Mais peut-être
>> l'est-elle plus - il faudrait pour cela savoir si une machine de
>> Turing peut réfléchir l'intelligence (ce que je pense mais je
>> comprends qu'on puisse penser le contraire).
>
>  Tu écris "réfléchir une machine de Turing". Est-ce un oubli ("réfléchir
>comme une machine de Turing") ou dis-tu que l'intelligence est
>capable de concevoir une machine machine de Turing ?

Utiliser le verbe « réfléchir » transitivement comme ça, c'est un
Faré-isme.  Je veux dire tout simplement que je suis capable de
concevoir une machine de Turing et d'exécuter mentalement, pas à pas,
les étapes de son programme.  Dans le même genre, la machine de Turing
elle-même peut simuler une machine de Turing : elle est réflexive.
Moi-même je suis capable d'imaginer, dans une certaine mesure, le
comportement, donc l'intelligence, d'un autre être humain, et même de
moi-même : mon ingelligence est donc réflexive.  Et à mon avis c'est
cette réflexivité qui est essentielle.  Si je pousse l'audace jusqu'à
aller plus loin, je dirai que c'est cette propriété de réflexivité qui
me conduit à penser qu'il n'y a pas quelque chose de qualitativement
supérieur à l'intelligence humaine (de même qu'à partir du moment où
un système formel peut se réfléchir lui-même, il a la force de
l'arithmétique, ni plus ni moins).

>> Un ensemble formé d'un ordinateur posé sur une machine à laver a-t-il
>> la puissance de Turing ? :-)
>
>  La distinction me semble importante quand même, si on veut pouvoir
>énoncer que la fourmilière est intelligente, mais pas les fourmis, ni la
>forêt qui contient la fourmilière. Ceci dit, passons sur le terme
>isomorphisme.

Oui, tu as raison.  Attention cependant à ce qu'une définition trop
restrictive ne conduise pas à penser que l'homme n'est pas intelligent
parce qu'il est la simple juxtaposition d'un cerveau intelligent et
d'un corps qui ne l'est pas :-)

>> Il y en a des exemples dans « Gödel, Escher, Bach », vers la fin
>> (j'ose espérer que tu as lu ce livre).  L'idée c'est qu'on forme douze
>
>  Non, j'e l'ai feuilleté, j'ai trouvé qu'il avait l'air assez délayé.

Tsk, tsk, tsk.  Hérésie.

J'ai entendu pas mal de critiques différentes sur ce livre, mais
« délayé », ça me surprend énormément.  J'ai rarement vu un livre
contenant autant d'idées par page, autant de connexions audacieuses et
de remarques astucieuses.  Sans compter qu'indépendamment de tout
contenu intellectuel, il est *drôle*.

>  Je ne vois pas où est le problème avec ça. Oui, après-coup, chaque copie
>saiut qu'elle est à droite ou qu'elle est à gauche. Et chacune sait
>qu'avant, elle était du même côté. Et ensuite ? Il est clair, de toute
>façon, qu'il ne faut pas s'attendre à conserver la notion d'identité si tu
>te places précisément dans une expérience de pensée où tu dupliques. C'est
>comme si tu t'étonnais de la violation de la parité dans une expérience
>prévue exprès pour.

Ben bien sûr que c'est étonnant la violation de la parité dans une
expérience prévue exprès pour.  Ça montre que la parité *peut* être
violée.

>  Ce qui te choque peut-être, c'est que la notion d'identité ne soit pas
>toujours définie. Elle repose fondamentalement sur la continuité
>spatoi-temporelle (et pas seulement sur l'une des deux), à la fois perçue
>par moi et perçue par les autres (pendant mon sommeil, c'est bien les
>autres, ou plutôt les objets qui m'entourent, qui sont garants de mon
>identité).

Je dirais plutôt que ce sont mes souvenirs.  Que l'identité de la
conscience est gardée généralement par la mémoire à court terme, et
sur une nuit par la mémoire à (plus) long terme.  Mais il faut bien
être conscient que cette idée est *extrêmement* audacieuse, ou du
moins qu'elle paraîtra telle à certains.

>  À mon avis, on doit forcément lâcher la notion d'identité hors
>continuité. Peut-être même qu'avec la continuité, il faut quand même faire
>appel à des théories darwiniennes pour l'expliquer (puisque la continuité
>ne suffit pas à manifester l'intérêt porté au moi futur).
>
>  Note que du point de vue darwinien, les deux copies sont complètement
>équivalentes, et chacune a intérêt à propager les gènes de l'autre
>exactement comme les siens propres (comme pour les jumeaux d'ailleurs).

Pourtant je pense que si tu suggères à un jumeau que quand il se
réveillera il sera devenu l'autre jumeau, il ne considérera pas cette
idée comme acceptable.

>> Pour faire un compromis, peut-être que la conscience est observable,
>> mais ce qui ne l'est pas c'est l'identité de la conscience.  (I.e. je
>> peux savoir que les deux copies sont conscientes mais pas laquelle est
>> la copie de départ - et cela n'a peut-être même aucun sens.  Pourtant
>> j'ai bien l'impression que si je vivais l'expérience cela aurait un
>> sens.)
>
>  Moi, je ne crois pas. Je meurs tous les soirs (l'âme paisible), et
>peut-être même à chaque instant, remplacé par un suivant.

Malgré toutes ces certitudes je pense que tu ne te suiciderais pas au
somnifère avec autant de tranquillité.  (CECI N'EST *PAS* UN DÉFI.)

>> Évidemment je reprendrai les idées qui m'ont le plus séduit dans ce
>> que tu as écrit pour les ajouter à ma page fourre-tout.  Mais en ce
>> faisant je les ferai miennes.  Les mails je préfère les indexer tels
>> quels (y compris avec les en-têtes et tout ça).
>
>  Coupe peut-être la partie sur les soirées philo (de même que ces
>paragraphe...). C'est personnel et peu intéressant.

Ouais.

>> Par ailleurs, elle doit se faire par écrit parce qu'il faut relire une
>> phrase cinq fois avant de la comprendre.  Et le fait d'avoir des
>> opinions est par essence suspect : pour ma part je me contente de
>> lancer des idées si possibles provocantes ou en tout cas provocatrices
>> de réflexion (essentiellement, je joue *toujours* l'avocat du diable).
>
>  transposons en mathématiques : je ne fais jamais de conjectures, je ne
>dimontre jamais de théorèmes. D'accord, le questionnement est primordial,
>mais il faut peut-être de temps en temps chercher des conclusions solides.
>Sinon, on finit dans un relativisme total, et on accepte l'idée d'un Dieu
>qui puisse créer une pierre qu'il ne puisse soulever tout en restant
>omnipotent. Ceci dit, interrompons là les considérations méthodologiques,
>ce ne sont pas les plus intéressantes à la longue.

Ce que je n'aime pas beaucoup finalement, ce sont les débats.  En
mathématiques il n'y en a pas beaucoup parce que si je prouve quelque
chose l'autre n'a plus qu'à se taire (le plus souvent).  Même s'il y
en a je les évite.  En philo il n'y a essentiellement que ça.  C'est
pour ça que je dis aussi souvent, je cherche juste à te faire
réfléchir (et c'est vrai).  Cela veut dire que tu as entendu mes
arguments et que j'ai entendu les tiens et que tu peux en faire ce que
tu veux et moi aussi.  Le tout est de savoir de quoi débattre, mais il
me semble qu'en général on tend à être trop dé(com?)battif.

D'ailleurs pour illustrer mon manque de combattivité, je ne réponds
que très brièvement à propos de la mécanique quantique.

Lorsqu'une expérience (disons désintégration d'un pion en deux
particules, soit spin-up/spin-down soit spin-down/spin-up) a deux
résultats possibles, elle conduit à un état hybride, mettons
(1/sqrt(2))(|ud>-|du>).  C'est-à-dire un état hybride des produits de
l'expérience uniquement.  Mais pendant le temps où l'expérience se
produit, l'expérience peut être supposée isolée du reste du monde,
simplement pour une question de causalité si une désintégration à lieu
avec une énergie de l'ordre de 1MeV, donc dans un temps de l'ordre de
10^-21 s, alors rien de ce qui est à moins de 10^-13 m ne peut
influencer son comportement.  C'est le principe de localité.  Donc
pour reconstruire l'état du monde après l'expérience on tensorise par
le ket décrivant « le reste du monde », qui n'a pas changé.  Ainsi, le
ket décrivant _le monde entier_ est hybridé après l'expérience.
Ensuite, comme les équations sont linéaires et que l'hybridation a eu
lieu sur le monde entier (qui ne peut intéragir avec rien), le monde
entier reste hybridé.  Ce qui est vrai en revanche (le principe de
non-localité cette fois) c'est qu'on ne peut plus après coup séparé
les produits de l'expérience du reste du monde : même si les produits
sont fortement séparés dans l'espace ils continuent à garder une sorte
de « corrélation magique » (pour Einstein-Podolski-Rosen du moins)
entre eux.  Mais c'est justement le signe que l'état du monde entier a
été hybridé.

Mais ça fait au moins deux ans que je n'ai plus fait de mécaQ donc il
ne faut pas trop m'en vouloir si je déconne.

-- 
     David A. Madore
    (david.madore@ens.fr,
     http://www.eleves.ens.fr:8080/home/madore/)


From ollivier@clipper.ens.fr  Mon Jan  4 00:14:20 1999
Status: R

>From ollivier  Mon Jan  4 00:14:20 1999
Received: from galion.ens.fr (ollivier@galion [129.199.129.10]) by clipper.ens.fr (8.8.7/jb-1.1)
	id AAA12445 for <madore@clipper.ens.fr>; Mon, 4 Jan 1999 00:14:20 +0100 (MET)
Return-Path: <ollivier@clipper.ens.fr>
Received: from localhost (ollivier@localhost) by galion.ens.fr (8.8.8/jb-1.1)
	id AAA16402 for <madore@clipper.ens.fr>; Mon, 4 Jan 1999 00:14:19 +0100 (MET)
X-Authentication-Warning: galion.ens.fr: ollivier owned process doing -bs
Date: Mon, 4 Jan 1999 00:14:19 +0100 (MET)
From: Yann Ollivier <ollivier@clipper.ens.fr>
X-Sender: ollivier@galion.ens.fr
To: David Madore <madore@clipper.ens.fr>
Subject: Re: Thoughts on consciousness
In-Reply-To: <199901031806.TAA25960@clipper.ens.fr>
Message-ID: <Pine.GSO.4.04.9901032239310.15343-100000@galion.ens.fr>
MIME-Version: 1.0
Content-Type: TEXT/PLAIN; charset=ISO-8859-1
Content-Transfer-Encoding: 8BIT


  Moi, j'aime les débats (tant qu'ils ont un contenu sémantiques ; sinon,
ce sont des joutes, qui sont aussi amusantes mais pour d'autres raisons)
et donc je te réponds. Je vais néanmoins essayer de moins défendre
d'opinions, et de plus soulever de problèmes. Ceci dit, on peut aussi
s'arrêter là si tu le souhaites.

> Forme la plus faible : si à chaque fois que je prends le métro je
> compte le nombre d'hommes et de femmes dans mon wagon, pour en faire
> des statistiques sur le nombre d'hommes et de femmes qui prennent le
> métro, je vais fausser les statistiques si je me compte moi-même (en
> fait, je vais fausser les statistiques de toute façon, parce qu'on ne
> sait jamais, certain(e)s pourraient changer de wagon rien qu'en me
> voyant - mais ce sont des effets beaucoup moins importants).  Mais là
> c'est évident parce que je me compte moi-même à chaque wagon.

  Oui, bien sûr, parce qu'ici le fait de faire la mesure modifie l'objet
mesuré, puisque je dois me trouver dans le métro pour y faire la mesure.

> Mais même si on ne fait le compte qu'une fois il faut faire attention
> avec le fait de s'inclure dans la statistique.  Si je possède un trait
> particulier et que je suis tenté de compter les personnes qui
> possèdent ce trait, alors le trait est la cause de la statistique, et
> ce serait une erreur de le compter comme donnée statistique.  En

  Là, je ne suis plus si d'accord. Le fait que je possède ce trait modifie
la cause historique de la mesure, mais pas du tout l'objet mesuré. Il
ne biaise que la statistique, et pas l'objet lui-même. Bien sûr, dans ce
cas il faut quand même que je m'exclue de la statistique, sauf si je fais
une mesure sur l'ensemble de la population. Explication :

  Dans le cas des personnes dans le métro, si je fais ma statistique (ce
n'est plus vraiment une statistique) sur _tous_ les wagons (en admettant
qu'il ne roule qu'un wagon à un même moment), il faut
évidemment que je m'exclue. Par contre, dans le cas de la couleur des
cheveux, si je décide de compter dans l'ensemble de la population, la
proportion de ceux qui ont exactement les mêmes cheveux que moi, et si
j'arrive à inspecter le cheveux de tout le monde, je dois m'inclure dans
la statistique.

  C'est pourquoi ces deux exemples sont complètement différents. Dans le
premier cas, le fait d'observer modifie vraiment l'objet observé (si
j'oublie de m'exclure). Dans le deuxième cas, rien n'est physiquement
changé aux couleurs des cheveux, le seul problème est d'ordre statistique.

> revanche si je me dis, tiens je vais compter le nombre de personne
> ayant tel trait, et que je n'ai jamais remarqué si oui ou non je l'ai
> moi-même, alors je peux me compter dans la statistique.  Si j'effectue
> la statistique à la demande d'une tierce personne, c'est cette
> personne que je dois omettre de comptabiliser, de même si c'est
> l'observation par moi d'un trait chez lui qui m'amène à m'interroger
> sur ce trait.  (Exemple : je vois dans le métro un type qui a les

  Oui, sauf si on arrive à faire des mesures sur l'ensemble de la
population.

  Et si je fais semblant d'oublier que je possède le caractère qui me
donne envie de le mesurer ?

> Je me demande si tout ceci pourrait constituer la base d'une notion
> d'observateur statistique : celui qui cause la mesure et non celui qui
> l'effectue.

  Oui, mais une fois de plus, le problème ne se présente que si l'on doit
faire des statistiques. Dans le cas où on peut mesurer en entier le
phénomène à observer, on doit se prendre en compte.

  Cet aspect de la nécessité de l'anautoscopie ne vaut donc que pour
l'établissement de statistiques. Il ne vaut pas pour le fait d'effectuer
des recensements exhaustifs, ni pour le fait de constater une possibilité
: si je me teins les cheveux en bleu, je peux ensuite dire qu'il est
possible de se teindre les cheveux en bleu. Par contre, ce que je ne peux
pas affirmer, c'est quelque chose comme : "se teindre les cheveux en bleu
est un événement qui apparaît nécessairement dans un groupe humain assez
grand".

  Dans le cas de la conscience, personne n'a parlé de faire des
statistiques.

  Peut-on faire une étude plus sérieuse des conditions sous lesquelles le
principe anautoscopique doit être accepté ou rejeté ? La position que
j'avais exposée (évitement des rétroactions) suffit à expliquer le cas du
nombre de personnes dans le métro, mais n'explique pas pourquoi je ne dois
pas me compter si je suis à l'origine d'une statistique. Par contre, une
positino qui admettrait inconditionnellement ce principe conduirait à
m'exclure d'un recensement exhaustif, où pourtant je dois figurer.

> >> Note que tu ne m'as toujours pas dit ce que selon toi *je* ressens si
> >> je suis placé dans le duplicateur de matière ;-)
> >
> >  À mon avis, rien de spécial. "Je" est simplement un mot qui n'est pas
> >toujours défini (cf. ci-dessous, remarques sur la conscience et l'identité
> >de la conscience). Celui qui reste dans la cabine ne voit rien passer,
> >tandis que celui qui apparaît autre part a l'impression que son
> >environnement a bougé d'un coup. Savoir, avant de rentrer dans l'appareil,
> >si "je" vais ne rien voir ou bien être téléporté est simplement une
> >question qui n'a pas de sens car l'identité n'est ici pas définie. De même
> >qu'il n'y a pas de connexion directe (autre que darwinienne) entre moi
> >présent et moi futur, il n'y a pas de notion de "moi" lors du
> >dédoublement, les deux "moi" futurs sont tous deux ni plus ni moins
> >distincts de moi qu'un "moi" futur sans dédoublement.
> 
> Oui, c'est bien une des hypothèses que j'envisageais.  Et tu
> conviendras qu'elle est assez radicale - quoique très scientifique.
> Tu ne rejettes pas l'existence de la conscience mais l'existence de
> son identité.  Il y a des gens qu'une telle idée horrifierait.  (Pour
> reprendre l'idée de la métempsychose, elle n'affirme pas que la
> métempsychose n'existe pas, mais même qu'elle n'a aucun sens - et même
> que la mort n'a aucun sens.)

  BIin sûr. Au moment où l'on mort, notre conscience s'interrompt. Par
conséquent, on peut dire que "la mort n'a aucun sens" au sens o`u on ne la
sent pas plus que quand on passe d'un moi présent au moi qui le suit une
seconde plus tard.
  Par contre, il est possible que les quelques instants qui précèdent la
mort soient affreusement douloureux. C'est un autre problème, qui
suffirait à donner un sens à l'évitement de la mort.

> Tu admettras aussi que notre certitude de l'identité de notre
> conscience est également très forte.  Donc je peux te retourner
> certains de tes arguments : as-tu suffisamment de foi en la science
> pour rejeter au nom d'elle un sentiment que tu ressens aussi
> nettement ?  Ou encore, crois-tu vraiment que le principe darwinien
> soit assez clair pour expliquer quelque chose d'aussi fort ; ce que je
> veux dire, c'est que notre croyance en l'identité de notre conscience
> va presque jusqu'à paralyser notre raisonnement sur cette question,

  Oui, je pense que la sélection naturelle pourrait agir si fortement : un
gène qui induirait l'individu à se confondre avec les autres, et donc à
favorise éventuellement la reproduction des autres, serait très rapidement
éliminé, sauf dans un contexte où ceux dont il pourrait favoriser la
reproduction, i.e. ses voisins les plus proches, sont aussi génétiquement
très proches (certains oiseaux favorisent ainsi la reproduction
préférentielle de leur famille [mais je ne sais pas s'ils se confondent
avec elle], et les humains aussi favorisent leur
famille). 
> alors que sur d'autres points au moins aussi important que
cela
sur le > plan évolutionnaire (comme la nécessité de se reproduire), la
> contrainte sur notre esprit est moins forte.

  Je n'irais pas si vite. L'amour (qui est au départ un proche dérivé de
la volonté de reproduction0 a fait faire bien des choses étranges à des
gens sains d'esprit. Ainsi, al contrainte darwinienne peut bien être très
forte.

> >  Le vouloir est-il du ressort de la conscience ou de l'intelligence ? Pas
> >clair. Comme une intelligence réagit, on peut penser qu'une volonté
> >préside à ces actions. Bien que dans le cas d'une fourmilière ou d'un
> >ordinateur... Une volonté suppose un but, et un but se situant dans le
> >futur, suppose donc l'identification entre le moi futur et présent.
> >D'accord, les animaux ne sont pas conscients (ce n'est pas si clair), mais
> >ils ont des buts. Ont-ils une volonté ? Dur à dire.
> 
> Je mets plutôt le vouloir du côté de la conscience.  En effet, je peux
> imaginer une drogue qui prive celui qui la prend de toute volonté,
> sans pour autant diminuer son intelligence (ça existe même presque).
> En revanche, si je m'imagine prenant cette drogue, et que j'obéis
> aveuglément à celui qui me l'a administré, alors je vois que « ce
> n'est plus moi ».

  Argument convaincant.

> C'est au niveau des animaux qu'on revoit surgir les problèmes avec la
> conscience.  Tu as passablement bien expliqué que je peux être
> convaincu que my fellow humans sont conscients.  Mais comment le
> savoir pour les animaux ?  Je ne peux pas me mettre dans la peau d'un
> dauphin ni lui poser la question.  La conscience ne peut s'observer
> que de l'intérieur : tu dis que ce n'est pas un problème, soit, mais
> c'est quand même ennuyeux quand je ne peux pas appliquer le principe
> d'analogie.

  Pour le cas des animaux, effectivement il y a problème. Mais on est
quand même passé de "il ne faut pas [jamais] observer la conscience", ou
presque, à "il y a des cas où on ne peut rien dire sur la conscience".

> >> Je n'ai pas dit qu'il y avait « isomorphisme ».  J'ai dit que
> >> l'intelligence est capable de _réfléchir_ une machine de Turing.  Ce
> >> qui implique qu'elle est au moins aussi puissante.  Mais peut-être
> >> l'est-elle plus - il faudrait pour cela savoir si une machine de
> >> Turing peut réfléchir l'intelligence (ce que je pense mais je
> >> comprends qu'on puisse penser le contraire).
>
> Faré-isme.  Je veux dire tout simplement que je suis capable de
> concevoir une machine de Turing et d'exécuter mentalement, pas à pas,
> les étapes de son programme.  Dans le même genre, la machine de Turing
> elle-même peut simuler une machine de Turing : elle est réflexive.
> Moi-même je suis capable d'imaginer, dans une certaine mesure, le
> comportement, donc l'intelligence, d'un autre être humain, et même de
> moi-même : mon ingelligence est donc réflexive.  Et à mon avis c'est
> cette réflexivité qui est essentielle.  Si je pousse l'audace jusqu'à

  OK, je n'avais pas compris ça. La réfléxivité me semble plutôt être une
caractéristique de la conscience. N-ième suggestion de définition pour la
conscience : un système capable de se concevoir mentalement et de
s'éxécuter lui-même (pas dans les moindres détails, sinon les humains ne
seront pas conscients). Attention, j'écris se concevoir lui-même, et
non concevoir une machine de Turing (même si a posteriori, ça pourrait
revenir au même).

  Ce que j'entendais avec mes isomorphismes, c'était une versin un peu
plus précise du mot "concevoir". Concevoir une machine de Turing, c'est
avoir une partie de soi qui fonctionne comme une machine de Turing (d'où
"isomorphisme" ou si tu préfères épimorphisme).

  C'est bizarre. Admettons que "pouvoir se concevoir" et "pouvoir
concevoir une machine de Turing" soient équivalents pour un être
intelligent (ce qui serait le cas si l'intelligence humaine était de type
Turing, ce que je pense). Une intelligence pourrait-elle toujours se
concevoir elle-même ? Classiquement, "posséder une représentation de soi"
est un critère majeur pour attribuer la conscience. y aurait-il une
différence entre des êtres intelligents ayant effectivement une
représentation interne de soi et l'utilisant dans leur intelligence, et
des êtres intelligents, qui ont la capacité computationnelle de se
représenter eux-mêmes, mais ne l'utilisent pas ?

  Prenons une intelligence. Elle peut (par ta définition) concevoir
une machine de Turing. Y a-t-il une différence entre concevoir une machine
de Turing et se concevoir soi-même, si (comme je le pense) une machine de
Turing peut simuler un humain ? Je propose cette réponse : se concevoir
soi-même, c'est concevoir une machine de Turing, la faire fonctionner
avec les mêmes paramètres d'entrée que ceux qu'on observe, et utiliser le
résultat que ça donne pour faire quelque chose ultérieurement. Ça ferait
une différence éventuelle entre intelligence (Turing-simulation, qui a la 
capacité pour se simuler lui-même mais ne le fait pas) et
conscience (fondamentalement, les mêmes capacités, mais
qui utilise l'auto-simulation).

  Évidemment, il y a un risque de boucle, si la copie interne de
soi-mêmeme se met aussi à devenir consciente. Je pense qu'on peut modifier
ad hoc la définition pour éviter ça, mais il serait amusant d'explorer les
conséquences d'uen telle imbrication...

  Avec ces définitions, tout système intelligent pourrait devenir
conscient, si on met les bonnes choses dedans au départ... Pourrait-on
programmer une fourmilière de manière à ce qu'elle devienne consciente ?
Ou bien le fonctionnement en cours d'un système impose-t-il des
limitations à ce qu'on peut lui faire faire ?

> aller plus loin, je dirai que c'est cette propriété de réflexivité qui
> me conduit à penser qu'il n'y a pas quelque chose de qualitativement
> supérieur à l'intelligence humaine (de même qu'à partir du moment où
> un système formel peut se réfléchir lui-même, il a la force de
> l'arithmétique, ni plus ni moins).

  Je vois deux problèmes là :

  1) D'abord, il faut admettre qu'intelligent veut dire Turing-puissant,
et pas plus. Bien que la notion de système formel, de machine de Turing
etc., soient des créations humaines, donc éventuellement limitées de la
même manière que les humains (contre-argument classique), je veux bien
admettre cela.

  2) Même alors, le raisonnement qui te conduit à l'idée que rien ne
dépasserait l'intelligence humaine risquerait d'être valable pour
n'importe quelle autre intelligence. Or, la conscience me semble fort
être qualitativement supérieure à l'intelligence (à une machine de
Turing). Qu'est-ce qui, dans la heuristique qui te conduit à penser que
rien ne dépasse l'intelligence humaine, te permet de différencier
l'intelligence humaine d'une autre, te permettant ainsi d'éviter la
conclusion que «rien n'est supérieur à l'intelligence de la fourmilière»,
conclusion que je récuse ? N'est-ce pas, justement, la conscience ?

> J'ai entendu pas mal de critiques différentes sur ce livre, mais
> « délayé », ça me surprend énormément.  J'ai rarement vu un livre
                                                            ^^^^^^
  Effectivement, tu sembles estimer ce livre comme mille.

> contenant autant d'idées par page, autant de connexions audacieuses et
> de remarques astucieuses.  Sans compter qu'indépendamment de tout
> contenu intellectuel, il est *drôle*.

  OK, je le prends dès que je le vois.

> >  Je ne vois pas où est le problème avec ça. Oui, après-coup, chaque copie
> >saiut qu'elle est à droite ou qu'elle est à gauche. Et chacune sait
> >qu'avant, elle était du même côté. Et ensuite ? Il est clair, de toute
> >façon, qu'il ne faut pas s'attendre à conserver la notion d'identité si tu
> >te places précisément dans une expérience de pensée où tu dupliques. C'est
> >comme si tu t'étonnais de la violation de la parité dans une expérience
> >prévue exprès pour.
> 
> Ben bien sûr que c'est étonnant la violation de la parité dans une
> expérience prévue exprès pour.  Ça montre que la parité *peut* être
> violée.

  Oui, mais ça ne veut pas dire que la notion de conservation de la parité
n'a pas de sens. Les notions de liquide et de gaz sont bien définies la
plupart du temps, mais dès qu'on dépasse le point critique, ça ne marche
plus. Disons que l'identité de la conscience peut être toujours définie
dans les circonstances quotidiennes.

> >  À mon avis, on doit forcément lâcher la notion d'identité hors
> >continuité. Peut-être même qu'avec la continuité, il faut quand même faire
> >appel à des théories darwiniennes pour l'expliquer (puisque la continuité
> >ne suffit pas à manifester l'intérêt porté au moi futur).
> >
> >  Note que du point de vue darwinien, les deux copies sont complètement
> >équivalentes, et chacune a intérêt à propager les gènes de l'autre
> >exactement comme les siens propres (comme pour les jumeaux d'ailleurs).
> 
> Pourtant je pense que si tu suggères à un jumeau que quand il se
> réveillera il sera devenu l'autre jumeau, il ne considérera pas cette
> idée comme acceptable.

  Il y a plusieurs explications possibles pour expliquer que malgré leur
similitude génétique, les jumeaux ne confondent pas leurs intérêts :

  1) Les humains sont orgueilleux, et les jumeaux ont été élevés en
apprenant leur différence avec la'utre. Évidemment, cet argument n'est
valable que si ça se passe autrement chez les animaux, ce que j'ignore.

  2) Un argument de type évolutinniste : il y a possibilité de
transmission héréditaire (non génétique, mais par le biais de l'éducation)
de caractères acquis. Le fait que deux jumeaux animaux distinguent
leurs intérêts reproductuers l'un de l'autre est utile, par exemple, dans
la situation où l'un des deux jumeaux a fait un jour une innovation
comportementale importante (prendre un outil, par exemple), qu'il est
susceptible de transmettre à sa descendance.

  Chez les humains, le point 2) joue encore plus, car dans les sociétés
humaines, la sélection naturelle ne joue pas seulement sur la reproduction
physique mais aussi sur la transmission des idées, des goûts, entre
humains non apparentés (des goûts qui se transmettent bien vont devenir
dominants). Les deux jumeaux peuvent avoir des centres d'intérêt
différents, en, par conséquent, ne doivent pas confondre leur intérêts
«reproducteurs» (reproduction plus intellectuelle que biologique,
évidemment).

> >> Pour faire un compromis, peut-être que la conscience est observable,
> >> mais ce qui ne l'est pas c'est l'identité de la conscience.  (I.e. je
> >> peux savoir que les deux copies sont conscientes mais pas laquelle est
> >> la copie de départ - et cela n'a peut-être même aucun sens.  Pourtant
> >> j'ai bien l'impression que si je vivais l'expérience cela aurait un
> >> sens.)
> >
> >  Moi, je ne crois pas. Je meurs tous les soirs (l'âme paisible), et
> >peut-être même à chaque instant, remplacé par un suivant.
> 
> Malgré toutes ces certitudes je pense que tu ne te suiciderais pas au
> somnifère avec autant de tranquillité.

  Darwinisme ?

  La seule alternative possible à l'eplication darwinienne me semble être
une action du futur sur le présent. Sinon, on n'a aucune raison de
s'intéresser au moi futur.

> (CECI N'EST *PAS* UN DÉFI.)

  Précision utile (je ne plaisante pas ;  je vais peut-être mal dormir
cette nuit).

-----
MécaQ
-----

> Lorsqu'une expérience (disons désintégration d'un pion en deux
> particules, soit spin-up/spin-down soit spin-down/spin-up) a deux
> résultats possibles, elle conduit à un état hybride, mettons
> (1/sqrt(2))(|ud>-|du>).  C'est-à-dire un état hybride des produits de
> l'expérience uniquement.  Mais pendant le temps où l'expérience se
> produit, l'expérience peut être supposée isolée du reste du monde,
> simplement pour une question de causalité si une désintégration à lieu
> avec une énergie de l'ordre de 1MeV, donc dans un temps de l'ordre de
> 10^-21 s, alors rien de ce qui est à moins de 10^-13 m ne peut
> influencer son comportement.  C'est le principe de localité.  Donc
> pour reconstruire l'état du monde après l'expérience on tensorise par
> le ket décrivant « le reste du monde », qui n'a pas changé.  Ainsi, le
> ket décrivant _le monde entier_ est hybridé après l'expérience.
> Ensuite, comme les équations sont linéaires et que l'hybridation a eu
> lieu sur le monde entier (qui ne peut intéragir avec rien), le monde
> entier reste hybridé.  Ce qui est vrai en revanche (le principe de
> non-localité cette fois) c'est qu'on ne peut plus après coup séparé
> les produits de l'expérience du reste du monde : même si les produits
> sont fortement séparés dans l'espace ils continuent à garder une sorte
> de « corrélation magique » (pour Einstein-Podolski-Rosen du moins)
> entre eux.  Mais c'est justement le signe que l'état du monde entier a
> été hybridé.

  Apparemment, je me suis mal exprimé. C'est exactement l'argument que je
voulais réfuter.

  D'abord, _il n'y a pas_ de notion intrinsèque d'état pur ou hybride. Il
y a des états purs ou hybrides pour un opérateur donné, par exemple pour
la position (tout ça à cause des opérateurs qui ne commutent pas). Si ma
main est dans un état pur pour la position, elle est forcément dans un
état hybride pour l'impulsion. Donc, la phrase «l'état du monde entier a
été hybridé» n'a pas de sens. C'est aussi pour cette raison que je pense
qu'il faut abandonner la peur que l'on a face aux états hybrides.

  Il y a toujours un opérateur pour lequel le monde entier est hybridé.

 Dans la description de l'expérience : d'accord, après l'expérience, le
monde entier est peut-être dans un état bizarre, mais rien n'empèche que
la particule, elle, arrive presque dans un état pur pour l'opérateur que
l'on voulait mesurer.

  Je ne peux que te conseiller de relire mon dernier mail, sachant que la
notion d'«état pur» est relative à un seul opérateur. Si un passage n'est
pas clair (d'accord, les notations sont horribles), tu peux toujours me
demander.

  Enfin, mais je pense que ça ne change pas la discussion ci-dessus, le
principe de localité est violé par la mécaQ (je ne veux pas dire par là
que la mécaQ satisfait le principe de non-localité que tu évoques, mais
bien qu'elle satisfait la négation du principe de localité). Il me semble
qu'il y a des expériences qui le montrent clairement (je n'ai plus les
références), indépendamment d'une interpétation philosophique.

  Bonne nuit...

                Yann










From ollivier@clipper.ens.fr  Mon Jan  4 18:05:25 1999
Status: R

>From ollivier  Mon Jan  4 18:05:25 1999
Received: from soling.ens.fr (ollivier@soling [129.199.129.15]) by clipper.ens.fr (8.8.7/jb-1.1)
	id SAA22422 for <madore@clipper.ens.fr>; Mon, 4 Jan 1999 18:05:24 +0100 (MET)
Return-Path: <ollivier@clipper.ens.fr>
Received: from localhost (ollivier@localhost) by soling.ens.fr (8.9.0/jb-1.1)
	id SAA26047 for <madore@clipper.ens.fr>; Mon, 4 Jan 1999 18:05:22 +0100 (MET)
X-Authentication-Warning: soling.ens.fr: ollivier owned process doing -bs
Date: Mon, 4 Jan 1999 18:05:21 +0100 (MET)
From: Yann Ollivier <ollivier@clipper.ens.fr>
X-Sender: ollivier@soling.ens.fr
To: David Madore <madore@clipper.ens.fr>
Subject: =?ISO-8859-1?Q?R=E9f=E9rence?=
Message-ID: <Pine.GSO.4.04.9901041804520.26036-100000@soling.ens.fr>
MIME-Version: 1.0
Content-Type: TEXT/PLAIN; charset=ISO-8859-1
Content-Transfer-Encoding: 8BIT


  Sur la décohérence :

http://www.cnrs.fr/Cnrspresse/n34a2.html

  (par des gens de l'École, en plus)

                Yann



From madore Wed Jan  6 02:28:14 1999
To: ollivier
Subject: Re: Thoughts on consciousness
Content-Length: 17163

>  Moi, j'aime les débats (tant qu'ils ont un contenu sémantiques ; sinon,
>ce sont des joutes, qui sont aussi amusantes mais pour d'autres raisons)
>et donc je te réponds. Je vais néanmoins essayer de moins défendre
>d'opinions, et de plus soulever de problèmes. Ceci dit, on peut aussi
>s'arrêter là si tu le souhaites.

Merci.  Je pense que la meilleure façon d'arrêter est d'être
modérément plus agressif dans la destruction des threads de la
discussion.

>> Mais même si on ne fait le compte qu'une fois il faut faire attention
>> avec le fait de s'inclure dans la statistique.  Si je possède un trait
>> particulier et que je suis tenté de compter les personnes qui
>> possèdent ce trait, alors le trait est la cause de la statistique, et
>> ce serait une erreur de le compter comme donnée statistique.  En
>
>  Là, je ne suis plus si d'accord. Le fait que je possède ce trait modifie
>la cause historique de la mesure, mais pas du tout l'objet mesuré. Il
>ne biaise que la statistique, et pas l'objet lui-même. Bien sûr, dans ce
>cas il faut quand même que je m'exclue de la statistique, sauf si je fais
>une mesure sur l'ensemble de la population. Explication :
>
>  Dans le cas des personnes dans le métro, si je fais ma statistique (ce
>n'est plus vraiment une statistique) sur _tous_ les wagons (en admettant
>qu'il ne roule qu'un wagon à un même moment), il faut
>évidemment que je m'exclue. Par contre, dans le cas de la couleur des

Ce « évidemment » est trompeur.  Si tu prends bien soin de noter les
noms des personnes que tu comptes et d'exclure ceux que tu as déjà
vus, il est normal de t'exclure toi-même.  Mais si tu acceptes le fait
qu'une personne peut prendre plusieurs fois le métro, tu admettras que
la raison de ton exclusion est moins évidente, même si ça nécessité
l'est encore.

>cheveux, si je décide de compter dans l'ensemble de la population, la
>proportion de ceux qui ont exactement les mêmes cheveux que moi, et si
>j'arrive à inspecter le cheveux de tout le monde, je dois m'inclure dans
>la statistique.

Pour *tout le monde*, oui, il faut se prendre en compte.  Mais ce
n'est plus alors une statistique, c'est une proportion véritable.

>  C'est pourquoi ces deux exemples sont complètement différents. Dans le
>premier cas, le fait d'observer modifie vraiment l'objet observé (si
>j'oublie de m'exclure). Dans le deuxième cas, rien n'est physiquement
>changé aux couleurs des cheveux, le seul problème est d'ordre statistique.

Je ne suis pas certain que les choses soient aussi évidentes.  La
différence entre cause efficiente et cause statistique n'est pas
toujours complètement marquée.

>> revanche si je me dis, tiens je vais compter le nombre de personne
>> ayant tel trait, et que je n'ai jamais remarqué si oui ou non je l'ai
>> moi-même, alors je peux me compter dans la statistique.  Si j'effectue
>> la statistique à la demande d'une tierce personne, c'est cette
>> personne que je dois omettre de comptabiliser, de même si c'est
>> l'observation par moi d'un trait chez lui qui m'amène à m'interroger
>> sur ce trait.  (Exemple : je vois dans le métro un type qui a les
>
>  Oui, sauf si on arrive à faire des mesures sur l'ensemble de la
>population.
>
>  Et si je fais semblant d'oublier que je possède le caractère qui me
>donne envie de le mesurer ?

:-)

>> Je me demande si tout ceci pourrait constituer la base d'une notion
>> d'observateur statistique : celui qui cause la mesure et non celui qui
>> l'effectue.
>
>  Oui, mais une fois de plus, le problème ne se présente que si l'on doit
>faire des statistiques. Dans le cas où on peut mesurer en entier le
>phénomène à observer, on doit se prendre en compte.

D'accord.

>  Cet aspect de la nécessité de l'anautoscopie ne vaut donc que pour
>l'établissement de statistiques. Il ne vaut pas pour le fait d'effectuer
>des recensements exhaustifs, ni pour le fait de constater une possibilité
>: si je me teins les cheveux en bleu, je peux ensuite dire qu'il est
>possible de se teindre les cheveux en bleu. Par contre, ce que je ne peux
>pas affirmer, c'est quelque chose comme : "se teindre les cheveux en bleu
>est un événement qui apparaît nécessairement dans un groupe humain assez
>grand".

Exact.

>  Dans le cas de la conscience, personne n'a parlé de faire des
>statistiques.

On aurait pu.  On aurait pu dire que la généralisation d'un phénomène
observé sur un individu (moi) à toute la population était une démarche
d'ordre statistique (et douteuse).  C'était le sens de mon parallèle
avec le principe anthropique (parlons de principe « autopique » ;-).

Mais tu as soutenu de manière passablement convaincante qu'en fait la
raison de croire à la conscience ne venait pas seulement de sa propre
expérience mais aussi du rapport fait par les autres de leur
expérience.

>  Peut-on faire une étude plus sérieuse des conditions sous lesquelles le
>principe anautoscopique doit être accepté ou rejeté ? La position que
>j'avais exposée (évitement des rétroactions) suffit à expliquer le cas du
>nombre de personnes dans le métro, mais n'explique pas pourquoi je ne dois
>pas me compter si je suis à l'origine d'une statistique. Par contre, une
>positino qui admettrait inconditionnellement ce principe conduirait à
>m'exclure d'un recensement exhaustif, où pourtant je dois figurer.

Si tu as des réflexions à formuler sur le sujet, je serai intéressé à
les écouter (mais je ne pense pas que j'y répondrai).

>> Oui, c'est bien une des hypothèses que j'envisageais.  Et tu
>> conviendras qu'elle est assez radicale - quoique très scientifique.
>> Tu ne rejettes pas l'existence de la conscience mais l'existence de
>> son identité.  Il y a des gens qu'une telle idée horrifierait.  (Pour
>> reprendre l'idée de la métempsychose, elle n'affirme pas que la
>> métempsychose n'existe pas, mais même qu'elle n'a aucun sens - et même
>> que la mort n'a aucun sens.)
>
>  BIin sûr. Au moment où l'on mort, notre conscience s'interrompt. Par
>conséquent, on peut dire que "la mort n'a aucun sens" au sens o`u on ne la
>sent pas plus que quand on passe d'un moi présent au moi qui le suit une
>seconde plus tard.
>  Par contre, il est possible que les quelques instants qui précèdent la
>mort soient affreusement douloureux. C'est un autre problème, qui
>suffirait à donner un sens à l'évitement de la mort.

Curieusement, il semble que ce ne soit pas le cas.  Les mysticistes et
autres ésotériciens en font même leur choux gras.  Si on excepte la
pure douleur physique, les instants proches de la mort semblent en
fait plutôt agréables (rappel soudain de souvenirs crus oubliés,
sentiment d'excorporation...).  Apparemment la certitude ressentie par
le cerveau qu'il va mourir déclenche une activité fébrile comparable à
celle ressentie lors de la prise de certaines drogues.

(Disclaimer : je n'ai pas de sources sérieuses sur le sujet.  Et je
n'ai pas non plus tenté l'expérience - tiens je me mets à croire très
sérieusement à l'anautoscopie soudainement ;-)

>> alors que sur d'autres points au moins aussi important que
>cela
>sur le > plan évolutionnaire (comme la nécessité de se reproduire), la
>> contrainte sur notre esprit est moins forte.
>
>  Je n'irais pas si vite. L'amour (qui est au départ un proche dérivé de
>la volonté de reproduction0 a fait faire bien des choses étranges à des
>gens sains d'esprit. Ainsi, al contrainte darwinienne peut bien être très
>forte.

Hum...  Je suis homosexuel, donc je me méfie un peu de certaines
affirmations quant à la généralité de l'influence darwinienne ;-)

Ce que je voulais dire, c'est qu'on trouve des exceptions à tout ce
qui semble immédiatement évident du point de vue de l'évolution (des
infanticides, des suicidaires, des homosexuels, des anorexiques...).
Mais y a-t-il des gens qui ne ressentent pas l'identité de leur
conscience ?  J'en doute.

>> Faré-isme.  Je veux dire tout simplement que je suis capable de
>> concevoir une machine de Turing et d'exécuter mentalement, pas à pas,
>> les étapes de son programme.  Dans le même genre, la machine de Turing
>> elle-même peut simuler une machine de Turing : elle est réflexive.
>> Moi-même je suis capable d'imaginer, dans une certaine mesure, le
>> comportement, donc l'intelligence, d'un autre être humain, et même de
>> moi-même : mon ingelligence est donc réflexive.  Et à mon avis c'est
>> cette réflexivité qui est essentielle.  Si je pousse l'audace jusqu'à
>
>  OK, je n'avais pas compris ça. La réfléxivité me semble plutôt être une
>caractéristique de la conscience. N-ième suggestion de définition pour la

Je pense que la réflexivité caractérise tant l'intelligence que la
conscience, mais avec un sens différent de « réfléchir ».
L'intelligence est réflexive en ce qu'elle peut prévoir ses propres
comportements.  La conscience est réflexive en ce qu'elle peut
s'observer elle-même (ainsi qu'elle observe l'intelligence).

>conscience : un système capable de se concevoir mentalement et de
>s'éxécuter lui-même (pas dans les moindres détails, sinon les humains ne
>seront pas conscients). Attention, j'écris se concevoir lui-même, et
>non concevoir une machine de Turing (même si a posteriori, ça pourrait
>revenir au même).
>
>  Ce que j'entendais avec mes isomorphismes, c'était une versin un peu
>plus précise du mot "concevoir". Concevoir une machine de Turing, c'est
>avoir une partie de soi qui fonctionne comme une machine de Turing (d'où
>"isomorphisme" ou si tu préfères épimorphisme).

Épimorphisme c'est très bien.

>  C'est bizarre. Admettons que "pouvoir se concevoir" et "pouvoir
>concevoir une machine de Turing" soient équivalents pour un être
>intelligent (ce qui serait le cas si l'intelligence humaine était de type
>Turing, ce que je pense). Une intelligence pourrait-elle toujours se
>concevoir elle-même ? Classiquement, "posséder une représentation de soi"
>est un critère majeur pour attribuer la conscience. y aurait-il une
>différence entre des êtres intelligents ayant effectivement une
>représentation interne de soi et l'utilisant dans leur intelligence, et
>des êtres intelligents, qui ont la capacité computationnelle de se
>représenter eux-mêmes, mais ne l'utilisent pas ?
>
>  Prenons une intelligence. Elle peut (par ta définition) concevoir
>une machine de Turing. Y a-t-il une différence entre concevoir une machine
>de Turing et se concevoir soi-même, si (comme je le pense) une machine de
>Turing peut simuler un humain ? Je propose cette réponse : se concevoir
>soi-même, c'est concevoir une machine de Turing, la faire fonctionner
>avec les mêmes paramètres d'entrée que ceux qu'on observe, et utiliser le
>résultat que ça donne pour faire quelque chose ultérieurement. Ça ferait
>une différence éventuelle entre intelligence (Turing-simulation, qui a la 
>capacité pour se simuler lui-même mais ne le fait pas) et
>conscience (fondamentalement, les mêmes capacités, mais
>qui utilise l'auto-simulation).

Je suis assez d'accord avec cette réponse.

>  Évidemment, il y a un risque de boucle, si la copie interne de
>soi-mêmeme se met aussi à devenir consciente. Je pense qu'on peut modifier
>ad hoc la définition pour éviter ça, mais il serait amusant d'explorer les
>conséquences d'uen telle imbrication...

C'est peut-être vaguement ça un rêve - ou un personnage de roman.

>> aller plus loin, je dirai que c'est cette propriété de réflexivité qui
>> me conduit à penser qu'il n'y a pas quelque chose de qualitativement
>> supérieur à l'intelligence humaine (de même qu'à partir du moment où
>> un système formel peut se réfléchir lui-même, il a la force de
>> l'arithmétique, ni plus ni moins).
>
>  Je vois deux problèmes là :
>
>  1) D'abord, il faut admettre qu'intelligent veut dire Turing-puissant,
>et pas plus. Bien que la notion de système formel, de machine de Turing
>etc., soient des créations humaines, donc éventuellement limitées de la
>même manière que les humains (contre-argument classique), je veux bien
>admettre cela.
>
>  2) Même alors, le raisonnement qui te conduit à l'idée que rien ne
>dépasserait l'intelligence humaine risquerait d'être valable pour
>n'importe quelle autre intelligence. Or, la conscience me semble fort
>être qualitativement supérieure à l'intelligence (à une machine de
>Turing). Qu'est-ce qui, dans la heuristique qui te conduit à penser que
>rien ne dépasse l'intelligence humaine, te permet de différencier
>l'intelligence humaine d'une autre, te permettant ainsi d'éviter la
>conclusion que «rien n'est supérieur à l'intelligence de la fourmilière»,
>conclusion que je récuse ? N'est-ce pas, justement, la conscience ?

Bon, j'admets que je pipote.  En fait, ce que je réponds
essentiellement c'est que selon le sens de « réfléchir » la notion de
réflexivité donne un certain nombre de propriétés importantes :
Turing-complétude pour une notion de « réfléchir » purement
computationnelle, intelligence pour une notion d'analyse et de
prévision (peut-être la même, peut-être différente de la précédente),
conscience pour une notion d'observation mentale et d'interprétation
(de plus en plus pipo mais je ne trouve pas de bons mots).  Seulement
alors on peut imaginer pour d'autres notions de « réfléchir » des
propriétés beaucoup plus profondes que l'intelligence et la
conscience, dont nous ne pouvons même pas soupçonner l'existence.
Cela dit, en intelligence et en conscience nous restons insurpassables
(et hop, l'humanité avait bien besoin que je flatte un peu son ego).

-----
MécaQ
-----

>  Apparemment, je me suis mal exprimé. C'est exactement l'argument que je
>voulais réfuter.
>
>  D'abord, _il n'y a pas_ de notion intrinsèque d'état pur ou hybride. Il

Euh, oui, j'ai fortement louzé sur ce coup-là.

>y a des états purs ou hybrides pour un opérateur donné, par exemple pour
>la position (tout ça à cause des opérateurs qui ne commutent pas). Si ma
>main est dans un état pur pour la position, elle est forcément dans un
>état hybride pour l'impulsion. Donc, la phrase «l'état du monde entier a
>été hybridé» n'a pas de sens. C'est aussi pour cette raison que je pense
>qu'il faut abandonner la peur que l'on a face aux états hybrides.
>
>  Il y a toujours un opérateur pour lequel le monde entier est hybridé.
>
> Dans la description de l'expérience : d'accord, après l'expérience, le
>monde entier est peut-être dans un état bizarre, mais rien n'empèche que
>la particule, elle, arrive presque dans un état pur pour l'opérateur que
>l'on voulait mesurer.

Bon, je réessaye.  Le monde est dans un état superposition de deux
états, l'un dans lequel « la particule est *clairement* sortie de
l'expérience avec un spin up » et l'autre dans lequel « la particule
est *clairement* sortie de l'expérience avec un spin down ».  Par
linéarité ces deux états évoluent indépendemment.  Si on regarde
l'évolution de l'un, l'aiguille de l'appareil de mesure doit être
*clairement* à gauche, et si on regarde l'évolution de l'autre,
l'aiguille doit être *clairement* à droite.  La non commutation du
hamiltonien global avec l'opérateur de mesure du spin de la particule
traduit simplement le fait que le spin de la particule n'a plus de
raison de rester comme il était après qu'elle a intéragi avec
l'appareil de mesure - ce qui n'est pas surprenant.

>  Je ne peux que te conseiller de relire mon dernier mail, sachant que la
>notion d'«état pur» est relative à un seul opérateur. Si un passage n'est
>pas clair (d'accord, les notations sont horribles), tu peux toujours me
>demander.

Au moment où j'écris ceci je ne l'ai pas (sur mon PC).  Je le relirai
prochainement.

>  Enfin, mais je pense que ça ne change pas la discussion ci-dessus, le
>principe de localité est violé par la mécaQ (je ne veux pas dire par là
>que la mécaQ satisfait le principe de non-localité que tu évoques, mais
>bien qu'elle satisfait la négation du principe de localité). Il me semble
>qu'il y a des expériences qui le montrent clairement (je n'ai plus les
>références), indépendamment d'une interpétation philosophique.

Cela me surprendrait tout de même beaucoup (donc ce serait normal pour
de la mécaQ).  Il me semble quand même que c'est la base du principe
expérimental en physique des (plus ou moins) hautes énergies qu'on
puisse considérer que pendant la durée de l'expérience les particules
qui s'y trouvent sont indépendantes du reste du monde.

En fait, les choses sont forcément compliquées parce qu'un principe
comme ça où intervient la vitesse de la lumière demande de la mécaQ
relativiste, et il est bien connu que la mécaQ relativiste n'est
cohérente que si on passe à la théorie quantique des champs.

En théorie quantique des champs il y a un principe de « causalité
microscopique » qui dit que les opérateurs de mesure du champ en deux
points reliés par un vecteur de type espace doivent commuter.  Je ne
sais pas si ça correspond exactement à ce que je voulais dire.

***

>  Sur la décohérence :
>
>http://www.cnrs.fr/Cnrspresse/n34a2.html
>
>  (par des gens de l'École, en plus)

J'attendrai de voir l'article dans PhysRev pour savoir exactement ce
dont il retourne (clairement, si PhysRev le publie, je suis
convaincu :-)

-- 
     David A. Madore
    (david.madore@ens.fr,
     http://www.eleves.ens.fr:8080/home/madore/)

From ollivier@clipper.ens.fr  Thu Jan  7 12:29:51 1999
Status: R

>From ollivier  Thu Jan  7 12:29:51 1999
Received: from galion.ens.fr (ollivier@galion [129.199.129.10]) by clipper.ens.fr (8.8.7/jb-1.1)
	id MAA23630 for <madore@clipper.ens.fr>; Thu, 7 Jan 1999 12:29:50 +0100 (MET)
Return-Path: <ollivier@clipper.ens.fr>
Received: from localhost (ollivier@localhost) by galion.ens.fr (8.8.8/jb-1.1)
	id MAA04207 for <madore@clipper.ens.fr>; Thu, 7 Jan 1999 12:29:49 +0100 (MET)
X-Authentication-Warning: galion.ens.fr: ollivier owned process doing -bs
Date: Thu, 7 Jan 1999 12:29:49 +0100 (MET)
From: Yann Ollivier <ollivier@clipper.ens.fr>
X-Sender: ollivier@galion.ens.fr
To: David Madore <madore@clipper.ens.fr>
Subject: Re: Thoughts on consciousness
In-Reply-To: <199901060128.CAA10475@clipper.ens.fr>
Message-ID: <Pine.GSO.4.04.9901061751180.14554-100000@clipper>
MIME-Version: 1.0
Content-Type: TEXT/PLAIN; charset=ISO-8859-1
Content-Transfer-Encoding: 8BIT

On Wed, 6 Jan 1999, David Madore wrote:

|Merci.  Je pense que la meilleure façon d'arrêter est d'être
|modérément plus agressif dans la destruction des threads de la
|discussion.

  Je continue, pour exprimer mes idées. Ne te sens pas obligé de répondre.
Par contre, si tu fais d'autres pages philo, je pense que je t'enverrai
volontiers mes commentaires.

|Ce « évidemment » est trompeur.  Si tu prends bien soin de noter les
|noms des personnes que tu comptes et d'exclure ceux que tu as déjà
|vus, il est normal de t'exclure toi-même.  Mais si tu acceptes le fait
|qu'une personne peut prendre plusieurs fois le métro, tu admettras que
|la raison de ton exclusion est moins évidente, même si ça nécessité
|l'est encore.

  Non, précisément dans ce cas, la raison de l'exclusion est que je dois
observer ce qui se passerait _si je ne faisais pas l'observation_,
autrement dit je dois éviter la rétroaction. Si je choisis mes rames de
métro au hasard pour mon échantillonnage, et que je tombe sur une rame que
je rpends régulièrement pour me rendre à mon travail, je ne dois pas
m'excluer de la statistique. Le fait que je puisse éventuellement devoir
me compter dans la statistique montre, je pense, que le problème ne vient
pas du fait que je suis moi mais du fait que si je n'observais pas, le
déroulement serait différent. C'est le seul critère. Problème avec ce
critère : évedemment, je ne peux pas savoir ce qui se passerait vraiment
si je n'observais pas (par définition). Mais la correction usuelle
consiste justement à supposer que la seule influence de ma présence sur la
statistique est bien ma présence elle-même, que je retire du compte. Le
critère ci-dessus semble donc fonctionner.

|>cheveux, si je décide de compter dans l'ensemble de la population, la
|>proportion de ceux qui ont exactement les mêmes cheveux que moi, et si
|>j'arrive à inspecter le cheveux de tout le monde, je dois m'inclure dans
|>la statistique.
|
|Pour *tout le monde*, oui, il faut se prendre en compte.  Mais ce
|n'est plus alors une statistique, c'est une proportion véritable.

  En fait, je me suis un peu fourvoyé. Proportion véritable et statistique
reviennent à la même chose si tu fais ta statistique proprement. Imagine
que tu rpennes un caractère (que tu possèdes ou non) et que tu veuilles
faire la statistique. Tu prends ton annuaire et tu composes des numéros de
téléphone au hasard. Si par hasard tu composes le tien, tu dois te compter
dans ta statistique.

  Dans le cas des observations statistiques que tu me proposais, le bug
par rapport au principe ci-dessus (le fait que bien que ton observation ne
modifie pasd ta couleur de cheveux, tu doives t'exclure quand même) vient
de ce que tu a l'air de prendre comme échantillon les premières personnes
que tu vois autour de toi, à commencer évidemment par toi-même. Si tu fais
ça proprement en prenant des personnes au hasard, tu dois te compter si tu
tombes sur toi.

  Le fait qu'il faille éviter de prendre comme échantillon les premièòes
personnes que l'on voit autour de soi pourrait te sembler un nouvel avatar
du principe d'anautoscopie. En fait, ça découle simplement du principe
statistique plus général selon lequel dtu ne dois pas prendre ton
échantillon sur une zone restreinte, que cette zone soit proche de toi ou
non. Une fois de plus, le fait que tu sois toi ne pose pas de problème (je
devrais me faire psychothérapeuthe).

|>  C'est pourquoi ces deux exemples sont complètement différents. Dans le
|>premier cas, le fait d'observer modifie vraiment l'objet observé (si
|>j'oublie de m'exclure). Dans le deuxième cas, rien n'est physiquement
|>changé aux couleurs des cheveux, le seul problème est d'ordre statistique.
|
|Je ne suis pas certain que les choses soient aussi évidentes.  La
|différence entre cause efficiente et cause statistique n'est pas
|toujours complètement marquée.

  Peux-tu préciser ? Évidemment, comme je le disais ci-dessus, on est
obligé de faire des suppositions sur ce qui se passerait si l'on
n'observait pas. Mais dans le cas de la couleur des cheveux, il n'y a
aucune ambiguïté.

  On peut utiliser des principes tels que rasoir d'Occam pour élaborer des
modèles «vraisemblables» de ce qui se passerait si je n'étais pas là (ce
qui permet d'éliminer les modèles comme «le simple fait de me voir incite
tout le mone à descendre du métro», au moins jusqu'à preuve allant dans le
sens contraire).

|>> Je me demande si tout ceci pourrait constituer la base d'une notion
|>> d'observateur statistique : celui qui cause la mesure et non celui qui
|>> l'effectue.
|>
|>  Oui, mais une fois de plus, le problème ne se présente que si l'on doit
|>faire des statistiques. Dans le cas où on peut mesurer en entier le
|>phénomène à observer, on doit se prendre en compte.
|
|D'accord.

  En fait, je ne suis pas d'accord. Je reviens sur ce que j'avais dit : il
n'y a pas de différence, de ce point de vue, entre une statistique avec
échantilonnage aléatoire non auto-excluant et mesure complète (cf.
ci-dessus).

  Ceci dit, si en faisant un sondage je suis par hasard amené à
m'interroger moi-même, je risque de me donner une réponse biaisée quand
même, non ? Mais est-ce que le principe de l'échantillonnage aléatoire ne
demande pas que l'on prenne _toutes_ les riponses en compte, même celles
qui sembnlent s'écarter trop de la moyenne ?

  Plus provocant : est-ce que le fait que je veuille initier la
statistique ne prouve pas qu'il y a une certaine partie de la population
qui va avoir tendance à vouloir faire la même statistique, ce qui dans le
cas ci-dessus, amènerait à considérer que ma réponse à ma propre enquête
n'est pas complètement aberrante, mais bien représentative d'une aprtie de
la population... une raison de moins de m'exclure ?

  Finalement, il semble que si on fait les choses assez proprement, les
cas où l'on doit s'auto-exclure sont limités aux cas de risque de
rétroaction... sauf si cette notion est mal définie.

|>  Peut-on faire une étude plus sérieuse des conditions sous lesquelles le
|>principe anautoscopique doit être accepté ou rejeté ? La position que
|>j'avais exposée (évitement des rétroactions) suffit à expliquer le cas du
|>nombre de personnes dans le métro, mais n'explique pas pourquoi je ne dois
|>pas me compter si je suis à l'origine d'une statistique. Par contre, une
|>positino qui admettrait inconditionnellement ce principe conduirait à
|>m'exclure d'un recensement exhaustif, où pourtant je dois figurer.
|
|Si tu as des réflexions à formuler sur le sujet, je serai intéressé à
|les écouter (mais je ne pense pas que j'y répondrai).

  En fait, avec les précisions ci-dessus, il semble que cette position
soit finalement assez satisfaisante.

  La seule chose qui pourrait porter une ombre là-dessus, ce sont tes
réserves que je n'ai pas bien comprises sur la notion de causalité
efficiente et statistique, qui amèneraient à penser que la notion de
risque de rétroaction observateur-observé n'est pas bien définie.

|>> alors que sur d'autres points au moins aussi important que
|>cela
|>sur le > plan évolutionnaire (comme la nécessité de se reproduire), la
|>> contrainte sur notre esprit est moins forte.
|>
|>  Je n'irais pas si vite. L'amour (qui est au départ un proche dérivé de
|>la volonté de reproduction0 a fait faire bien des choses étranges à des
|>gens sains d'esprit. Ainsi, al contrainte darwinienne peut bien être très
|>forte.
|
|Hum...  Je suis homosexuel, donc je me méfie un peu de certaines
|affirmations quant à la généralité de l'influence darwinienne ;-)

  L'homosexualité ne change pas le sentiment amoureux, et peut laisser
place aux mêmes égarements.

|
|Ce que je voulais dire, c'est qu'on trouve des exceptions à tout ce
|qui semble immédiatement évident du point de vue de l'évolution (des
|infanticides, des suicidaires, des homosexuels, des anorexiques...).
|Mais y a-t-il des gens qui ne ressentent pas l'identité de leur
|conscience ?  J'en doute.

  La variabilité génétique est un atout pour une population
darwinienne. Par conséquent, il est normal que des cas comme ceux-là se
présentent. Évidemment, on ne connaît absolument pas la part de
déterminisme biologique de ces facteurs (pour l'infanticide, je pense
qu'elle est quasi-nulle, mais a priori pas négligeable pour les trois
autres). Ces cas peuvent aussi être expliqués par des circonstances
extérieures, puisque la génétique ne détermine pas tout...

  Par contre, ce qu'il faut expliquer, c'est pourquoi la conscience n'est
pas soumise à de telles variations. Je vois plusieurs possibilités :

  1) Invariabilité d'ordre tautologique : il m'est impossible de concevoir
ce que pourrait être une «variation» de la conscience, ou une autre forme
de conscience. De même que le caractère «avoir un estomac» n'est pas
soumis à variation (même si la forme de l'estomac peut changer, tout comme
les facultés de la conscience), le caractère «être conscient» ne l'est
pas.

  2) Certains comportements anti-darwiniens que tu mentionnes ci-dessus
sont une forme de variabilité de la perception de l'identité de la
conscience. Certains suicides peuvent être dus à une indifférence
vis-à-vis de l'avenir (non-intérêt pour le moi futur). L'anorexie est une
forme de négation de soi (là, c'est déjà plus pipoté). Quant à
l'homosexualité ou l'infanticide, il n'ont pas de rapport (me semble-t-il)
avec la conscience.

  3) La variabilité de la conscience peut aussi se manifester dans
d'autres domaines. On parle bien d'actes «inconscients», qui précisément
ne tiennent pas compte des conséquences futures de l'action. Certaines
personnes sont plus réfléchies que d'autres. Seraient-ce là les variations
de la conscience de sa propre identité ? Les personnes vivant au jour le
jour seraient moins conscientes de leur identité avec leur moi futur.
[c'est pas très politiquement correct :) ].

|>> Faré-isme.  Je veux dire tout simplement que je suis capable de
|>> concevoir une machine de Turing et d'exécuter mentalement, pas à pas,
|>> les étapes de son programme.  Dans le même genre, la machine de Turing
|>> elle-même peut simuler une machine de Turing : elle est réflexive.
|>> Moi-même je suis capable d'imaginer, dans une certaine mesure, le
|>> comportement, donc l'intelligence, d'un autre être humain, et même de
|>> moi-même : mon ingelligence est donc réflexive.  Et à mon avis c'est
|>> cette réflexivité qui est essentielle.  Si je pousse l'audace jusqu'à
|>
|>  OK, je n'avais pas compris ça. La réfléxivité me semble plutôt être une
|>caractéristique de la conscience. N-ième suggestion de définition pour la
|
|Je pense que la réflexivité caractérise tant l'intelligence que la
|conscience, mais avec un sens différent de « réfléchir ».
|L'intelligence est réflexive en ce qu'elle peut prévoir ses propres
|comportements.  La conscience est réflexive en ce qu'elle peut
|s'observer elle-même (ainsi qu'elle observe l'intelligence).

  D'accord. Incidemment : dans la dernière proposition de définition de la
conscience que j'ai donnée, faudrait-il rajouter spécifiquement aussi le
fait que la conscience simule son intelligence et en prend en compte les
résultats ? ou simplement qu'elle l'observe (i.e. prend en compte les
résultats intermédiaires de son intelligence) ? Ou peut-on laisser ma
définition telle quelle ?

|>  C'est bizarre. Admettons que "pouvoir se concevoir" et "pouvoir
|>concevoir une machine de Turing" soient équivalents pour un être
|>intelligent (ce qui serait le cas si l'intelligence humaine était de type
|>Turing, ce que je pense). Une intelligence pourrait-elle toujours se
|>concevoir elle-même ? Classiquement, "posséder une représentation de soi"
|>est un critère majeur pour attribuer la conscience. y aurait-il une
|>différence entre des êtres intelligents ayant effectivement une
|>représentation interne de soi et l'utilisant dans leur intelligence, et
|>des êtres intelligents, qui ont la capacité computationnelle de se
|>représenter eux-mêmes, mais ne l'utilisent pas ?
|>
|>  Prenons une intelligence. Elle peut (par ta définition) concevoir
|>une machine de Turing. Y a-t-il une différence entre concevoir une machine
|>de Turing et se concevoir soi-même, si (comme je le pense) une machine de
|>Turing peut simuler un humain ? Je propose cette réponse : se concevoir
|>soi-même, c'est concevoir une machine de Turing, la faire fonctionner
|>avec les mêmes paramètres d'entrée que ceux qu'on observe, et utiliser le
|>résultat que ça donne pour faire quelque chose ultérieurement. Ça ferait
|>une différence éventuelle entre intelligence (Turing-simulation, qui a la 
|>capacité pour se simuler lui-même mais ne le fait pas) et
|>conscience (fondamentalement, les mêmes capacités, mais
|>qui utilise l'auto-simulation).
|
|Je suis assez d'accord avec cette réponse.

  Oui, mais je n'ai pas d'idée pour préciser, dans la définition «utiliser
le résultat que ça donne pour faire quelque chose ultérieurement». Est-ce
que «dans certaines situations, si le résultat de la simulation interne
avait été autre, le comportement aurait changé» convient ? Ça semble
introduire une notion temporelle ou de répétitions d'expérience (à cause
de «dans certaines situations»).

En plus, faut-il distinguer, ou non, les moments où on est conscients des
moments où on ne l'est pas ? (Je pense que oui, sachant que de toute
façon, un système manifestant quelquefois des activités conscientes sera
dit conscient).

|>  Évidemment, il y a un risque de boucle, si la copie interne de
|>soi-mêmeme se met aussi à devenir consciente. Je pense qu'on peut modifier
|>ad hoc la définition pour éviter ça, mais il serait amusant d'explorer les
|>conséquences d'uen telle imbrication...
|
|C'est peut-être vaguement ça un rêve - ou un personnage de roman.

  Je ne pense pas. Simules-tu la conscience de tes personnages de rêve, ou
bien simplement leur intelligence (de manière à reproduire leur
comportement) ?

  C'est marrant, parce que dans ce cas, les personnages ne seraient pas
conscients dans le monde du roman, mais dans le monde interne de la
conscience ou du cerveau de l'écrivain... ils perdraient leur conscience à
la mort de l'écrivain ?

  En fait ça ne marche pas si bien : quand tu simules des personnages de
roman, cette simulation n'a pas lieu à l'intérieur de la simluation de ta
propre conscience (appelons-là simulation de hauteur 1, ton cerveau étant
de hauteur 0) : autrement dit, elle n'est pas de hauteur 2 ; c'est une
autre simulationd e hauteur 1, parallèle à celle que tu fais de toi-même
(bien qu'évidemment, des éléments s'en y retrouvent [Syntaxe ? je
voulais dire : des éléments de celle-ci se retrouvent dans celle-là.]).

|>> aller plus loin, je dirai que c'est cette propriété de réflexivité qui
|>> me conduit à penser qu'il n'y a pas quelque chose de qualitativement
|>> supérieur à l'intelligence humaine (de même qu'à partir du moment où
|>> un système formel peut se réfléchir lui-même, il a la force de
|>> l'arithmétique, ni plus ni moins).
|>
|>  Je vois deux problèmes là :
|>
|>  1) D'abord, il faut admettre qu'intelligent veut dire Turing-puissant,
|>et pas plus. Bien que la notion de système formel, de machine de Turing
|>etc., soient des créations humaines, donc éventuellement limitées de la
|>même manière que les humains (contre-argument classique), je veux bien
|>admettre cela.
|>
|>  2) Même alors, le raisonnement qui te conduit à l'idée que rien ne
|>dépasserait l'intelligence humaine risquerait d'être valable pour
|>n'importe quelle autre intelligence. Or, la conscience me semble fort
|>être qualitativement supérieure à l'intelligence (à une machine de
|>Turing). Qu'est-ce qui, dans la heuristique qui te conduit à penser que
|>rien ne dépasse l'intelligence humaine, te permet de différencier
|>l'intelligence humaine d'une autre, te permettant ainsi d'éviter la
|>conclusion que «rien n'est supérieur à l'intelligence de la fourmilière»,
|>conclusion que je récuse ? N'est-ce pas, justement, la conscience ?
|
|Bon, j'admets que je pipote.  En fait, ce que je réponds
|essentiellement c'est que selon le sens de « réfléchir » la notion de
|réflexivité donne un certain nombre de propriétés importantes :
|Turing-complétude pour une notion de « réfléchir » purement
|computationnelle, intelligence pour une notion d'analyse et de
|prévision (peut-être la même, peut-être différente de la précédente),

  Où verrais-tu la différence ? Au niveau de l'attribution de «sens» ou
d'interprétation, si ça peut être défini ? Je te propose d'écrire une page
de problèmes sur la notion de «sens» (évidemment, avec liens vers les
débats sur l'intelligence artificielle, puisque c'est cette capacité qu'on
lui refuse souvent). Moi, personnellement, je pense que la position
scientifique est de nier l'existence de la notion de «sens», mais ça ne me
convainc qu'à moitié.

|conscience pour une notion d'observation mentale et d'interprétation
|(de plus en plus pipo mais je ne trouve pas de bons mots).  Seulement
|alors on peut imaginer pour d'autres notions de « réfléchir » des
|propriétés beaucoup plus profondes que l'intelligence et la
|conscience, dont nous ne pouvons même pas soupçonner l'existence.

  Bof... ?

  Est-ce que c'est bien scientifique ? (Métaphysiquement parlant, je pense
que c'est indécidable).

|Cela dit, en intelligence et en conscience nous restons insurpassables
|(et hop, l'humanité avait bien besoin que je flatte un peu son ego).

  Mouaip, effectivement, si toutes les intelligences sont équivalentes à
Turing, alors nous sommes insurpassables, puisqu'égaux à tous les autres.


|-----
|MécaQ
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|>  Apparemment, je me suis mal exprimé. C'est exactement l'argument que je
|>voulais réfuter.
|>
|>  D'abord, _il n'y a pas_ de notion intrinsèque d'état pur ou hybride. Il
|
|Euh, oui, j'ai fortement louzé sur ce coup-là.
|
|>y a des états purs ou hybrides pour un opérateur donné, par exemple pour
|>la position (tout ça à cause des opérateurs qui ne commutent pas). Si ma
|>main est dans un état pur pour la position, elle est forcément dans un
|>état hybride pour l'impulsion. Donc, la phrase «l'état du monde entier a
|>été hybridé» n'a pas de sens. C'est aussi pour cette raison que je pense
|>qu'il faut abandonner la peur que l'on a face aux états hybrides.
|>
|>  Il y a toujours un opérateur pour lequel le monde entier est hybridé.
|>
|> Dans la description de l'expérience : d'accord, après l'expérience, le
|>monde entier est peut-être dans un état bizarre, mais rien n'empèche que
|>la particule, elle, arrive presque dans un état pur pour l'opérateur que
|>l'on voulait mesurer.
|
|Bon, je réessaye.  Le monde est dans un état superposition de deux
|états, l'un dans lequel « la particule est *clairement* sortie de
|l'expérience avec un spin up » et l'autre dans lequel « la particule
|est *clairement* sortie de l'expérience avec un spin down ».  Par
|linéarité ces deux états évoluent indépendemment.  Si on regarde
|l'évolution de l'un, l'aiguille de l'appareil de mesure doit être
|*clairement* à gauche, et si on regarde l'évolution de l'autre,
|l'aiguille doit être *clairement* à droite.  La non commutation du
|hamiltonien global avec l'opérateur de mesure du spin de la particule
|traduit simplement le fait que le spin de la particule n'a plus de
|raison de rester comme il était après qu'elle a intéragi avec
|l'appareil de mesure - ce qui n'est pas surprenant.

  Oui, si on superpose les deux états initiaux qui donnent chacun une
aiguille clairement latéralisée, on obtiendra aussi une iaguille
clairement latéralisée, car on aura une somme de deux vecteurs propres
distincts de l'opérateur de spin, mais ces deux vecteurs peuvent être de
normes très différentes. Ce que je postule, c'est que les caractéristiques
(d'une configut=ration particulière) de l'appareil de mesure font que l'un
des états propres voit sa norme grandir, et l'autre sa nrme diminuer. On
obtient donc une combinaison qui est presque un vecteur propre, et l'on
voit une aiguille qui est clairement du côté dominant.

  Je postule que celui des deux côtés qui est dominant dépend de la
configuration précise de l'appareil de mesure. Sur l'ensemble des
configurations, on retrouve statistiquement la répartition prédite par la
projection de l'état initial de la particule sur les états propres.

  Évidemment, avec ça je n'ai rien prouvé, j'ai dit que cette hypothèse me
semblait cohérente.

|>  Je ne peux que te conseiller de relire mon dernier mail, sachant que la
|>notion d'«état pur» est relative à un seul opérateur. Si un passage n'est
|>pas clair (d'accord, les notations sont horribles), tu peux toujours me
|>demander.

  Je maintiens.

|>  Enfin, mais je pense que ça ne change pas la discussion ci-dessus, le
|>principe de localité est violé par la mécaQ (je ne veux pas dire par là
|>que la mécaQ satisfait le principe de non-localité que tu évoques, mais
|>bien qu'elle satisfait la négation du principe de localité). Il me semble
|>qu'il y a des expériences qui le montrent clairement (je n'ai plus les
|>références), indépendamment d'une interpétation philosophique.
|
|Cela me surprendrait tout de même beaucoup (donc ce serait normal pour
|de la mécaQ).  Il me semble quand même que c'est la base du principe
|expérimental en physique des (plus ou moins) hautes énergies qu'on
|puisse considérer que pendant la durée de l'expérience les particules
|qui s'y trouvent sont indépendantes du reste du monde.

  J'essaierai de te trouver des références. Je ne suis pas sûr de moi,
mais...

|En théorie quantique des champs il y a un principe de « causalité
|microscopique » qui dit que les opérateurs de mesure du champ en deux
|points reliés par un vecteur de type espace doivent commuter.  Je ne
|sais pas si ça correspond exactement à ce que je voulais dire.

  En théorie des champs, l'opératuer de champ est plutôt un opérateur
décrivant le type de la particule que la théorie traite, qu'un opérateur
de mesure de l'état de la particule. Du moins, c'est ce que j'ai cru
comprendre.

  Voilà, A+

                Yann