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Rasoir d'Occam et complexité de Kolmogorov-Solomonoff

Prescription épistémologique issue de la théorie de Kolmogorov et Solomonoff : choisir la théorie la plus simple (de moindre complexité algorithmique) telle que l'observation soit typique (ie de complexité maximale) pour cette théorie.

Dans le cadre de Solomonoff, une théorie est une mesure de probas récursive sur un ensemble, par exemple l'ensemble des descriptions d'expériences avec leurs résultats. Déterminer cette "théorie" ne détermine pas forcément une théorie au sens où on l'entend habituellement : les formulations, interprétations... ne sont pas déterminées. (Ou encore, il existe différents algorithmes de calcul de la mesure induite.) On doit choisir la (ou une) plus courte, probablement la plus concise si on veut la communiquer.

Mais la formulation la plus courte n'est pas forcément la plus économique ontologiquement, ie celle qui postule le moins d'objets (elle n'est pas, non plus, forcément la plus simple à comprendre au premier abord, mais cela tout le monde le sait). Il est plus simple de décrire la physique en postulant des électrons qu'en remplaçant chaque occurrence du terme "électron" par sa définition en terme d'électrodynamique quantique, de même qu'il est plus simple de comprendre une théorie mathématique usuellement exposée que si elle était développée en théorie des ensembles avec pour uniques symboles le vide et les accolades...

Par conséquent, la formulation du principe de simplicité dans la version de Kolmogorov-Solomonoff peut donner des résultats différents du principe du rasoir d'Occam sur l'économie du nombre d'entités métaphysiques à postuler. Il est plus simple de postuler que les électrons existent, et seul ce postulat permet d'exprimer la théorie dans cette forme la plus simple.

Plus techniquement, on pourrait dire qu'on doit reconnaître l'existence à un objet (dans le cadre de certaines observations), si la version la plus simple de l'algorithme décrivant ces observations fait intervenir une variable (dans un langage informatique fixé, mettons) représentant cet objet. Cela donnerait un critère rationnel à l'ontologie.

Ce critère a vocation à rendre compte de l'usage courant : il aboutit, par exemple, à croire à l'existence des électrons et des ondes magnétiques, alors que ces objets ne sont pas directement observables.

Le fait que les théories physiques postulent implicitement l'existence d'objets plus ou moins arbitrairement (comme par exemple des électrons) passe parfois inaperçu.

On n'a pas ici posé de principe méthodologique nouveau : on prétend simplement que le principe méthodologique usuel des sciences doit être étendu à l'ontologie conçue comme la science devant répondre à la question "qu'est-ce qui existe ?" L'ontologie n'appartient alors pas à la métaphysique (définie pex comme le stade de la connaissance cherchant une connaissance certaine du monde et conservant toutes les possibilités, refusant le principe de simplicité à l'origine de l'induction scientifique), mais devient une science, et même une science observationnelle.

Base neurologique de la chose : on peut considérer qu'un système complexe tel que le cerveau, qui a a décrire certaine données, tend à créer des concepts distincts pour des entités qu'il rencontre et utilise fréquemment. Une fois de plus on trouve une analogie entre le principe de simplicité et une condition de fonctionnement efficace d'un cerveau essayant de comprendre le monde. Dans un univers déterministe, un être qui agit selon le principe de simplicité a plus de succès qu'un autre (par ex il peut avoir une imagerie mentale plus simple pour effectuer la même tâche) [ceci suppose que l'action en question est soumise à des contraintes de type économique]. Ce principe est un principe guidant l'action, mais il ne donne pas de prescription pour la connaissance. On peut considérer que la connaissance métaphysique doit envisager tous les possibles (univers bizarres) tandis que la connaissance scientifique soit tournée vers l'action et donc contrainte par le principe de simplicité. Mais alors la science dépendrait d'une volonté d'action et de l'existence de buts chez les êtres pensants ?

Le "principe" de simplicité version Solomonoff peut être logiquement justifié : si on applique la méthode de Solomonoff et s'il existe une bonne théorie décrivant les observations, alors on est sûr de la trouver si on recueille assez de données. Ainsi, le principe de simplicité n'est plus un acte de foi méthodologique, mais une méthode qui aboutit nécessairement à une description correcte de la réalité, si une telle description existe. Deux problèmes : dans cette théorie, on ne peut pas savoir à quel moment on a atteint la description correcte (bien que le fait que les modifications futures doivent continuer à expliquer les observations actuelles et les considérer comme typiques permet de déduire des théorèmes sur la vitesse de convergence) ; et il reste un acte de foi au niveau de la supposition qu'il existe une bonne théorie à décrouvrir pour nos observations. On peut ne pas vouloir chercher une théorie de la réalité en prétendant qu'il n'en existe pas ; mais si on en cherche une, on est certain que la méthodologie du principe de simplicité en donnera une correcte.

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