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Sur Quine, Le Mot et la chose

(Parfois des notes contradictoires, parfois des arguments différents à l'appui des thèses de Quine.)


Sur l'indétermination de la traduction

Autre cause (moins radicale que celle mentionnée par Quine) de l'impossibilité de la traduction : car non-correspondance entre les langages au sens où tout ce qui est exprimable dans l'un n'est pas nécessairement exprimable dans l'autre sans paraphrase disant "c'est censé produire tel effet sur l'esprit" (au lieu d'une traduction simple qui donne une phrase produisant directement l'effet mental en question). C'est le cas par exemple pour les jeux de mots (ou plus généralement dès qu'une langue parle de sa propre forme), ou encore pour certaines notions culturelles (la NdT s'impose), ou encore, plus trivialement, pour traduire des effets sonores en langage des sourds-muets, ou pour traduire une image (langage visuel) en mots ou un nom de couleur en couleur.

Argumentation de Quine contre la détermination de la traduction : insuffisance logique car Quine expose un moyen éventuel d'arriver à traduire, et montre que ce moyen échoue ; mais rien ne dit qu'un autre moyen ne marcherait pas. En particulier l'argument essentiel est que tôt ou tard on doit poser des hypothèses analytiques, et qu'on a plusieurs choix pour ce faire ; mais rien ne dit qu'en fait, la plupart de ces choix se révéleront plus tard incohérents et incompatibles avec les données ultérieures, et qu'un seul d'entre eux sera cohérent. Proposons cependant un modèle de traduction qui donne un exemple de la thèse de Quine : sans hypothèse analytique, on peut adopter une traduction "habituelle" jusqu'à une certaine longueur ou complexité de phrase, puis ensuite adopter une traduction complètement aléatoire des phrases plus longues (aux alentours de la longueur critique, les hypothèses analytiques "habituelles" sont violées).

Cette thèse sur la sous-détermination de la traduction n'est qu'une manifestation de la non-déductibilité logique des démarches inductives. On ne peut prouver rigoureusement aucun lien entre un mot et une chose, les mots correspondants doivent être supposés par une méthode inductive (comme la monstration et la récompense chez l'enfant, la comparaison avec sa propre langue chez le linguiste) -- une telle sorte de preuve rigoureuse serait en effet constituée de mots et ne pourrait à aucun moment désigner l'objet autrement qu'en utilisant la correspondance à prouver... Le raisonnement inductif et injustifié est même présent dès la phase des significations-stimuli où on préfère traduire par "lapin" plutôt que par "phase de lapin". À noter que l'absence de preuve rigoureuse de la correspondance mots-choses n'empêche pas l'utilisation pratique des mêmes mots pour les mêmes choses chez des locuteurs d'une même langue (bien que selon Quine, même la traduction homophonique soit douteuse). La traduction homophonique bien que non logiquement déductible a quand même quelque chose de particulier ; on pourrait envisager qu'il existe, de même, une méthode inductive linguistique particulière, non logiquement déductible, mais fournissant une traduction "efficace" (pour quels critères ?).

De la thèse de Quine découle logiquement qu'un enfant ne peut pas apprendre sa langue maternelle correctement et que des désaccords dans des situations plus complexes que les significations-stimulus de phrases observationnelles peuvent intervenir. L'impossibilité de traduire signifie aussi l'impossibilité d'apprendre une langue (plutôt d'être logiquement certain qu'on l'a apprise correctement [si ce mot a un sens]) bien que l'expérience suggère que les mécanismes en oeuvre, non déductifs mais inductifs, soient suffisamment universels pour qu'une communication réussie entre parents et enfants apparaisse. On peut laisser l'expérience juger de cette thèse.

De même pour la thèse sur la sous-détermination des théories scientifiques : c'est une manifestation du fait que la logique ne dicte pas l'induction, ni le fait que le soleil se lèvera bien demain.


Sur l'analyse du langage et la notation canonique

Termes abstraits transposables en termes concrets ("l'humilité est une vertu" devenant "les personnes humbles sont vertueuses") : on devrait plutôt dire "la classe des personnes humbles est incluse dans celle des personnes vertueuses" (ce qui serait la manière de traduire la première phrase en notation canonique) : en effet, si on interprète la phrase "les personnes humbles sont vertueuses" en termes concrets, on commence par interpréter "les personnes humbles" en termes concrets, ce qui est donner une liste exhaustive des personnes humbles sur Terre, on fait de même avec les personnes vertueuses et on affirme une inclusion ; inversement, on n'a pas à ramener "la classe des personnes humbles..." à une signification concrète. On peut vouloir affirmer que les personnes humbles sont vertueuses sans connaître la liste des personnes humbles, et ceci ne peut se faire que si on admet l'utilisation de termes abstraits et non seulement concrets dans la notation. Ceci est un argument en faveur de la quantification sur les classes en notation canonique. Bien sûr, la classe des personnes vertueuses est définie en termes d'objets concrets, mais est elle-même un objet abstrait, d'ailleur égal au précédent en signification-stimulus. Argument supplémentaire en faveur des objets abstraits (non mentionné par Quine) : si un objet abstrait n'est qu'un mot pour désigner certains objets concrets, il faut quand même reconnaître qu'un mot est un objet abstrait (par rapport à toutes ses élocutions, par exemple), et que l'objet abstrait "rotondité" existe au moins autant que le mot "rotondité" (bien sûr, l'objet abstrait "Dieu" existe au moins autant que le mot "Dieu", c'est-à-dire, au moins en tant que concept présent dans une tête humaine).

Sur "Pégase vole" : cette phrase est vraie, Pégase, indépendamment de son existence, étant définit comme un cheval qui vole. En suivant Quine et en remplaçant les noms propres par des prédicats à une place (des termes généraux), on doit paraphraser cette phrase par "pour tout x (x est [un] Pégase implique x vole)" et non "il existe un x (x est [un] Pégase et x vole)" comme le prétend Quine. Idem pour "Socrate est un homme" (mais celle-là est vraie dans les deux versions) ou encore pour "Moïse est un homme" qui sera déclarée vraie que l'on croie ou non à l'existence de Moïse, dans la première version de la paraphrase. Cette version de la traduction des phrase de la forme "un x est un y" où x et y sont des termes généraux (ici des noms propres) évite un certain nombre de suppositions implicites d'existence.

Différence importante entre le "il existe" de la notation canonique de Quine et celui de la logique (disons de la théorie des ensembles) : le "il existe" de Quine marque une existence soit physique ou ontologique (Quine expliquant ensuite qu'il prend comme existants les objets physiques et les classes construites sur ces objets) de la variable quantifiée. En particulier la validité d'une phrase de la notation canonique dépend du monde extérieur : la notation canonique de Quine est une théorie physique (ie portant sur le monde physique) et non une théorie purement logique (ie une théorie traitant de l'entendement humain, ou de la structure abstraite de tout monde possible, ou des Idées, ou... selon le goût). Le "il existe" de la logique est plutôt simplement une manière de dire qu'on va parler d'un certain "objet" (en un sens plus faible du terme) à valeurs dans n'importe quel modèle de la théorie (y compris des modèles ontologiquement non économiques incluant des choses encore plus étranges que les attributs ou les propositions). Dans cette perspective, "Pégase vole" serait traduit par "il existe une sorte de concept x tel que (le nom de x dans la littérature est Pégase et il y est défini comme volant)", ce qui est vrai. À noter que, d'accord avec Quine et contrairement avec ce qui était dit ci-dessus, dans cette version une phrase telle que "Pégase vole" est rendue par un quantificateur existentiel et non universel. On aurait aussi pu écrire "pour tout x (x est le concept repéré en littérature comme ayant Pégase pour nom implique que l'objet visé par x vole)". On peut différencier ces deux existences en supposant qu'est donné un modèle particulier de la théorie, à savoir le monde physique et les classes d'objets construites sur lui ; ce modèle est clos par les opérations de la théorie des ensembles (qui, en fait, rendent les opérations de réunion, d'abstraction, généralisation... du langage courant décrites par Quine dans la genèse du langage). Le "il existe" de la notation canonique se scinde alors en un "il existe" quantifiant sur tous les éléments de ce modèle, qui est un quantificateur, et un prédicat à une place "a l'existence physique". Dans cette version on peut à la fois reconnaître l'existence de l'idée de Pégase, et d'un objet particulier "Pégase" sur lequel la théorie peut quantifier (Pégase est un cheval volant de la mythologie, et en ce sens "il existe un x (x est un cheval et x vole)" est vraie en prenant x=Pégase), tout en, bien sûr, niant son existence physique. Cela revient, grosso modo, à prendre "Pégase" comme terme inanalysé de la notation, avec les axiomes "Pégase est un cheval qui vole" et aussi "Pégase est unique". Ceci est une proposition alternative au traitement des noms propres en noms généraux, qui permet de ne pas obtenir de paradoxe d'existence de Pégase, tout en préservant la vérité de phrases bien connues telles que "Pégase fut dompté par Bellérophon".

Paragraphe 39 : erreur sur (4) et (5) (passage de "pour tout z (P(z) est vrai)" à "P(Socrate) est vrai" où "Socrate" est un terme général). (4) doit être : "Si (z) (...z...) alors (z) (z est un Socrate implique ...z...)", et non "Si (z) (...z...) alors (il existe z) (z est un Socrate et ...z...)" formulation manifestement stupide si on remplace Socrate par Pégase. La rectification de cette petite erreur éviterait à Quine les contorsions qui suivent pour contourner le problème.

Paragraphe 43 (contre les propositions) : ce n'est pas parce que la voie explorée par Quine pour définir les propositions (règles de la logique + substituabilité par signification-stimulus) échoue selon lui, que toute autre voie échoue... L'argument le plus général, que l'existence de propositions (extra-linguistiques) permettrait une traduction parfaite, est insuffisant : les propositions étant traitées comme des classes de phrases, le fait éventuel de pouvoir faire passer des propositions d'une langue à une autre n'implique pas qu'on puisse faire de même sur les phrases, puisque les phrases contiennent plus d'informations. Par exemple, dans le cas simpliste où toutes les propositions seraient identifiées selon leur valeur de vérité, on peut très bien traduire des valeurs de vérité et cela n'implique pas de savoir traduire toute phrase (sauf dans la version forte, que Quine affirme sans vraie preuve, qu'il existe vraiment une phrase P qu'un bilingue pourrait traduire par Q, et un aute bilingue par non-Q, auquel cas les valeurs de vérité ne sont pas conservées). L'inexistence des propositions ne peut donc pas être un corollaire de la thèse de Quine sur l'indétermination de la traduction. il est tout à fait possible qu'on ne puisse pas traduire univoquement des phrases, mais qu'on puisse traduire univoquement des propositions. De plus, bien que la traduction soit logiquement indéterminée (ie on ne peut pas la déduire rigoureusement en prenant les significations-stimulus comme base), en pratique en utilisant des "raisonnements" inductifs non logiquement justifiés, on arrive à obtenir de "bonnes" traductions (pour l'usage qu'on en fait) ; et peut-être que celles-là pourraient conserver les "propositions" ; on pourrait donc avoir des "propositions" au moins à titre pratique, une phrase et sa traduction pratique correspondant à la même "proposition".

Les correspondances langage-autre langage et langage-objet ne peuvent être prouvées même si l'on s'autorise à examiner toutes les dispositions au comportement verbal comme le fait le linguiste quinien. Mais si outre les dispositions au comportement verbal, on ajoute les dispositions à l'action en général, à la réaction à certaines élocutions ? Est-ce que cela offrirait une extension suffisante pour vérifier des hypothèses analytiques ? Est-ce que "Tom croit..." (non analysable en notation canonique) pourrait être définit objectivement si on incluait dans l'analyse toutes les réactions potentielles de Tom (manifestations d'étonnement, comportement en situation d'incertitude sur l'objet de la croyance, action "comme si"...) ? par exemple "croire" = "agir en pratique en considérant que ... est vrai".

Appelons "profondeur" le degré de citations imbriquées en notation canonique : les mots apparaissant à l'intérieur de guillemets sont de profondeur 2, les phrases normales de profondeur 1. Si on rend les attitudes intensionnelles, c'est (par opacité) par des constructions de longueur 2. Alors, si les attitudes intensionnelles pouvaient être définies à l'aide des dispositions à l'action (en plus des dispositions au comportement verbal) comme ci-dessus, cela permettrait de faire de la traduction de la profondeur 2 vers la profondeur 1 (Quine propose l'épellation pour cela, qui a, à ses yeux, l'avantage de ne pas produire de "signification" pour les objets de profondeur 2, ce qui nous semble plutôt un inconvénient). Peut-être que si les dispositions à l'action permettaient de traduire la profondeur 2 vers la profondeur 1 d'une certaine manière, cela résulterait du fait que prendre en compte les actions permet de traduire de la profondeur 1 vers la profondeur 0 (profondeur 0 = le monde des objets désignés par le langage à profondeur 1). Comme on ne peut pas prouver une telle correspondance (pas de correspondance mot-chose prouvable), on ne peut pas non plus obtenir de correspondance profondeur 2 - profondeur 1 en notation canonique : l'impossibilité de prouver la corrélation du mot et de la chose implique celle, pour une théorie, de traiter de ses propres phrases entre guillemets en connaissant leur signification, l'impossibilité pour une théorie de quantifier sur ses propres phrases en tenant compte de leur sens (bien sûr, une théorie peut quantifier sur des versions codées de ses propres phrases, par exemple en mettant des guillemets ou en épellant -- c'est le coeur des théorèmes de Gödel). C'est cette impossibilité de quantifier dans la théorie sur les phrases de la théorie en tenant compte de leur sens qui, si l'on n'y prend garde, engendre le paradoxe du prédicat P(S) (S étant une phrase) défini par P(S) est vrai si et seulement si S(S) est faux, et qu'en est-il de P(P)... (justement dans le codage gödelien, P(P) se trouve être indécidable, ce qui n'est pas être contradictoire, l'indécidabilité provenant précisément du fait qu'on code un paradoxe). De fait, poser notre "degré 0" revient à poser des significations. Ici on a au moins, par ce paradoxe, démontré une chose : s'il existe des significations (du degré 0), en tout cas elles ne sont pas accessibles de l'intérieur de la théorie. Formulation alternative du théorème de Gödel : une théorie traitant d'une autre théorie entre guillemets, cette autre théorie se trouvant être elle-même, ne peut pas prouver ni utiliser comme axiome que cette autre théorie est identique à elle-même, autrement dit, ne peut pas enlever les guillemets autour des démonstrations qu'elle étudie, sans êrte contradictoire. Ceci est peut-être la version mathématisée, non pas de l'inexistence des significations, mais du fait que la notation canonique ne peut pas les utiliser pour traduire les attitudes intensionnelles.

Sur les "significations" : Quine mentionne mais ne rejette nulle part l'hypothèse neurologique qui permettrait de poser des "significations", identifiées à certaines classes d'états neuronaux, ainsi que de faire des traductions correctes, en supposant que les structures cérébrales de différents individus sont comparables (ce qui semblent être le cas au moins dans une certaine mesure). Quine se contente de dire que cette hypothèse est possible, à l'endroit où son raisonnement serait faux sinon, mais la laisse de côté sans la discuter. Discussion sur ce que deviennent les attitudes intensionnelles dans ce cadre.

Paragraphe 47, fixation du vocabulaire de base : dans la preuve que le vocabulaire de base n'est pas clos, Quine commet précisément l'erreur ci-dessus (phrases de la théorie prises comme objets quantifiables en toute position par la théorie) qui engendre des paradoxes (bien qu'on puisse définir des logiques dites du second ordre en restreignant ces quantifications). On peut le faire en quantifiant ces propositions entre guillemets, c'est ce que fait Gödel, et alors on obtient non plus un paradoxe mais de l'indécidabilité.


Sur la décision ontique

Priorité accordée implicitement au langage dans toute l'oeuvre : le langage (son existence ontique) n'est jamais remis en question. Pourtant, un mot est un objet abstrait (les choses concrètes correspondantes sont des énonciations mais un mot est plutôt une classe d'énonciations particulières partageant certains traits, dont le moindre n'est pas la "signification" que le locuteur lui attribue).

Sur les objets concrets : la plupart des objets concrets sont appris par des processus mentaux complexes (qu'est-ce qu'une pomme ? Actuellement, on ne saurait pas apprendre à un robot à distinguer des pommes par exemple, ce qui donne un idée de la complexité de la chose), et ne sont, en fait, que des abstractions construites sur nos perceptions directes (ceci rejoint la thèse de Quine sur la sous-détermination de la théorie scientifique, en particulier de ses objets). De ce point de vue, les objets physiques, élaboration de notre intellect à partir de notre sensation pour nous forger une représentation du monde, ne sont pas privilégiés par rapport aux objets abstraits, qui suivent souvent le même genre de buts. Mes perceptions ainsi que mes états mentaux sont la seule chose dont je connaisse directement l'existence (ce qui n'a rien à voir avec leur objectivité ; ce qui est certain, c'est que "je perçois ceci", même en cas d'illusion ou de rêve). L'existence des objets physiques, à ce titre, n'est ni plus ni moins douteuse que l'existence de telle ou telle catégorie d'objets mentaux perçus sans médiation des sens.

À ce point le prédicat "avoir une existence matérielle" distingué ci-dessus du "il existe" de Quine pourrait être utile. Le "il existe" logique, lui, ne doit pas voir sa portée restreinte et doit pouvoir quantifier aussi bien des objets abstraits comme les classes, que des objets concrets, que des objets prétendant à la concrétude comme "Pégase" mais n'ayant pas d'existence matérielle. Les variables quantifiées par ce "il existe" apparaissent en fait presque en tant que mots ou en tant qu'objet indéterminé du discours (on peut dire "pour tout x (...x...)" sans trop se soucier du domaine ainsi quantifié ; comme le dit Quine, cela est particulièrement vrai quand le prédicat "...x..." commence par une implication, qui restreint immédiatement le domaine) plutôt qu'en tant qu'objets existants (si tant est que ces deux "en tant que" aient un sens).

Paragraphe 51 : traiter l'usage des infinitésimaux d'"absurde" est un peu rapide, puisque l'analyse non standard (élaborée à peu près à l'époque où Quine écrivait ce livre) fournit un moyen de traiter des infinitésimaux de manière tout à fait cohérente, comme extension des nombres réels au même titre que les nombes complexes, et de ramener les résultats dans le cadre des nombres réels à la fin de l'analyse. Cette méthode fournit les mêmes résultats que celle de Weierstrass, d'une manière plus élégante et plus proche de celle dont Newton et Leibniz l'ont conçue. Cette remarque ne change pas grand-chose à l'analyse subséquente de Quine.

Paragraphe 53 : Quine prétend une fois de plus qu'il n'y a pas de "signification" d'une notion, telle que la paire ordonnée par exemple. Mais il explique qu'au départ, il y a des "notions" (qu'est-ce que cela ?) qui ont certains usages plus ou moins justifés, qui servent certains butsavant que ces "notions" ne soient éclaircies par une paraphrase canonique telle que, pour la paire, {x,{x,y}} ou {x,{y,vide}}. Or il semble qu'on soit capable de juger si une définition canonique proposée est convenable ou non par rapport à l'usage antérieur de la "notion". Ne pourrait-on pas définir la "signification" de la notion en utilisant ce critère de jugement, par exemple en identifiant cette signification à la classe des définitions canoniques jugées satisfaisantes ? Bien sûr cette définition est extra-canonique puisque le jugement utilisé l'est. Bien sûr aussi, cette signification sera variable selon les individus, qui pourront être plus ou moins permissifs sur les paraphrases canoniques admissibles. Ce dernier point traduit simplement le fait que les significations sont "vagues", ni plus ni moins que l'extension de la couleur rouge.

Paragraphe 54 : Une des raisons du rejet du physicalisme est qu'on peut être d'accord qu'il n'est pas nécessaire (donc anti-Occamien) de poser des états mentaux si le corps les explique, mais en apparence, avant l'avènement de la neurologie, un corps apparemment dans un état identique peut manifester des états mentaux différents. Jusqu'à la preuve apportée par l'imagerie cérébrale que des états mentaux différents se traduisent bien par des états cérébraux différents, il n'était pas déraisonnable de croire aux états mentaux "hors-corps" (pour suivre la comparaison de Quine avec l'estomac et l'acidité gastrique : avant que la physiologie ne fasse état de l'acidité qui apparaît dans l'estomac, justement, il n'était pas déraisonnable de croire à des "humeurs" subtiles et non liées à l'estomac, responsables des maux d'estomac). Le raisonnement de Quine poussé trop loin, mènerait par exemple à rejeter la présence de la lumière, parce que ses différentes manifestations prennent toujours appui sur un objet matériel et qu'on peut rendre compte de ces manifestations en évoquant des modifications de l'état interne de l'objet éclairé. Vue ainsi la position de Quine est aussi peu naturelle que la position animiste : elle postule des états internes mystérieux (cérébraux ou stomacaux) expliquant les variations de l'état apparent, alors que l'attitude animiste suppose ces mêmes états, mais en les déclarant "externes" (la distinction a-t-elle bien un sens ?).

Paragraphe 56 : et même si ces questions étaient "purement linguistiques" (thèse de Carnap rapportée par Quine que les questions philosophiques d'existence se rapportent à l'organisation de notre langage la plus commode), le purement linguistique peut avoir une portée plus grande que ce qu'on pense : par exemple si une discussion philosophique porte sur l'arrangement commode ou efficace de notre langue pour traiter un certain problème, cela a au moins autant à voir avec des propriétés de l'organisation du problème, de sa structure, qu'avec notre langage. Ces propriétés font que notre langage, mais, en fait, tout langage (tout esprit ?), a intérêt à le traiter de telle manière (le linguistique déborde : s'il est plus efficace de parler d'une chose comme ceci, il est aussi plus efficace d'y penser comme ceci, et cela reflète une réalité de la structure de la chose et non un phénomène linguistique). Indépendance par rapport au langage : si on passe d'une langue à une autre par un certain procédé de traduction récursif (par exemple en utilisant le cerveau d'un certain bilingue -- quelle que soit la confiance ou l'universalité qu'on prête à cette traduction) ["récursif" au sens de l'informatique] alors, dès que la réalité est assez complexe, les manières les plus commodes de la traiter dans les deux langues se coïncideront par notre méthode de traduction et devront donc être considérées comme extra-linguistiques.

Dernier alinéa : on peut aussi envisager une théorie générale de la manière dont s'organisent les schèmes conceptuels à partir des irritations de surface, dont se construit la science, et en déduire des propriétés générales de l'ontologie sous-jacente à un schème conceptuel (si du moins une telle théorie générale existait), de la même manière que les prescriptions épistémologiques habituelles dictent (partiellement) une certaine science à partir des obesrvations. Alors les observations pourraient trancher entre des ontologies concurrentes, comme entre différents schèmes conceptuels scientifiques.

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