Back to: Main Page > Philosophie

Yann Ollivier

Note : les notes sont assez importantes ; elles constituent (en volume) la moitié de l'exposé.


Du scepticisme

*

Le scepticisme entendu comme absence de toute vérité absolue est irréfutable, si l'on ne se donne pas des principes d'où partir1.


De la vérité

*

Tout objet défini existe2. (Principe)

*

Ce qui a été pris comme principe ou définition est une vérité. (Définition)

La logique permet de passer d'une vérité à une autre vérité. (Principe)

Les tautologies sont des vérités. Sous la forme : axiomes/définitions impliquent théorème, les théorèmes mathématiques sont des vérités. (Théorème)

*

Il y a3 un mode particulier d'existence appelé existence réelle4. Le monde est l'ensemble de ce qui a une existence réelle. L'existence réelle est caractérisée par ces propriétés qui la définissent : 1) toute propriété portant sur le monde5 est vraie ou fausse6 2) les tautologies et théorèmes mathématiques sont exclus de l'existence réelle 3) un ensemble de choses ayant une existence réelle n'a pas l'existence réelle, il est dit avoir une existence abstraite7. (Définition)


Du moi et de l'extérieur

*

Est donné un ensemble de perceptions possédant ou non certaines propriétés. Est donné un système cognitif qui peut décider de la vérité/fausseté de certaines propriétés de ces perceptions et opérer des déductions logiques sur ces perceptions. Est donné un ensemble de propriétés possibles des perceptions appelé volonté. (Constat-définition)

*

Le moi est le regroupement des perceptions, du système cognitif et de la volonté8. (Définition)

*

Les éléments de la volonté sont des désirs. Un désir est dit réalisé si la propriété qu'il représente est vérifiée par les perceptions. (Définition)

*

Est dit intérieur à moi un élément de mes perceptions qui est (toujours9) en accord avec la volonté10. Il sera aussi appelé comportement11. Est dit extérieur tout le reste12. Est appelé extérieur perçu l'ensemble des perceptions qui sont extérieures. (Définition)

*

Le moi, la volonté, l'ensemble des perceptions sont extérieurs à moi13. (Théorème)

*

Il y a un sous-ensemble des objets ayant une existence réelle qui modélise l'extérieur perçu. Il est appelé cause des perceptions. (Principe)

*

Il y a des désirs non réalisés14. (Constat-définition)

*

Il y a un objet extérieur à moi ayant une existence réelle. (Théorème)

*

On appelle propriété connaissable portant sur des objets extérieurs une propriété dont la négation impliquerait une certaine propriété de mes perceptions, laquelle propriété n'est pas satisfaite15. (Définition)

Certaines propriétés des objets extérieurs ayant une existence réelle ne sont pas connaissables16. (Théorème)

Certaines propriétés des objets extérieurs ayant une existence réelle sont connaissables17 18. (Théorème)

En un sens à préciser, les propriétés connaissables des objets extérieurs réels sont celles se référant à la « structure logique », tandis que leurs propriétés inconnaissables sont celles se référant à des propriétés « réelles »19. (Conjecture)


De la connaissance scientifique de l'extérieur

*

Une hypothèse scientifique20 est une affirmation telle que « telle propriété de mes perceptions est (toujours) vraie », ou encore « chaque fois que telles propriétés de mes perceptions (appelées paramètres) sont vraies , telle autre (appelée objet) l'est ». L'hypothèse est dite non falsifiée si mes perceptions la satisfont. (Définition)

*

Une théorie scientifique est un ensemble d'hypothèses scientifiques assorti de toutes les conséquences logiques de ces hypothèses ; son objet, ses paramètres sont l'ensemble des objets, paramètres de ses hypothèses21 22. (Définition)

Une théorie scientifique est dite achevée si, pour chaque état des paramètres, affirment que l'objet est dans un état précis (complètement déterminé), indépendamment des propriétés de mes perceptions qui ne sont ni des paramètres ni des objets. (Définition)

*

À chaque partie des perceptions, on peut associer un modèle du monde (unique à isomorphisme près), appelé monde physique pour cet objet, qui est la plus simple cause possible23 cet objet. Le monde physique de l'ensemble de mes perceptions est appelé monde physique tout court. (Théorème)

Toute monde contenant une cause possible d'un objet contient une partie isomorphe au monde physique de cet objet. (Théorème)

Les hypothèses de toute théorie non falsifiée sont vérifiées par le monde physique de l'objet de cette théorie. (Théorème)

Les éléments du monde physique d'une théorie non falsifiée sont dits avoir une existence physique dans cette théorie. (Définition)

Du point de vue de l'élaboration de la science, il est plus simple et efficace de travailler en supposant que le monde est le monde de la théorie, c'est-à-dire que l'existence réelle et l'existence physique se confondent.

*

Hypothèse métaphysique majeure : l'existence réelle et l'existence physique se confondent.

L'hypothèse métaphysique majeure n'est pas prouvable 24. Par définition, elle n'est pas réfutable non plus. (Théorème)

*

Mes perceptions contiennent (mettre ici la liste de tous les objets, personnes, événements, etc. que je vois). (Constat-définition)

Ces objets, personnes, événements... ont une existence physique. (Théorème)

On s'autorise désormais à utiliser un certain nombre de termes que nos perceptions nous apportent (société, autres individus...), en gardant à l'esprit que l'on se réfère à l'existence physique

*

La théorie la plus simple qui décrit toutes mes sensations25 est à peu près compréhensible26. (Conjecture)

*

On dit qu'une théorie scientifique est réductible à une autre si son monde physique est contenu dans celui de la seconde et si ses hypothèses, une fois rapportées au monde physique de la seconde, se déduisent de celle de la seconde27. (Définition)

*

Toutes les théories scientifiques actuellement utilisées sont réductibles à la physique. En particulier, le monde physique est le monde physique de la physique. (Conjecture)

*

Une théorie est dite englobante si son objet est l'ensemble des perceptions. (Définition)

La théorie physique actuelle peut être rendue englobante et achevée avec des extensions mineures de ses hypothèses et une extension mineure de ses paramètres. (Conjecture)


De la conscience, du libre-arbitre

*

Il y a une partie de mes perceptions qui recopie28 ma volonté ; il y a une partie une partie de mes perceptions qui recopie mon système cognitif. Cette propriété est appelée conscience29. (Constat-définition)

*

Je suis dit posséder le libre-arbitre (version faible) s'il existe un comportement30 qui, dans toute théorie ayant (entre autres) mes comportements pour objet, est conséquence tautologique de l'ensemble des hypothèses de la théorie où il apparaît31. Ce comportement est dit absolument libre32. (Définition)

*

Tout comportement absolument libre est en accord avec la volonté33. (Théorème)

*

Inexistence du libre-arbitre, version faible : il n'y a pas de comportements absolument libres34. (Théorème)

*

Problème de l'inexistence du libre-arbitre, version forte 35 : il y a une théorie réductible à la physique actuelle dont l'objet est la perception de ma volonté. (Conjecture)


D'un dieu

*

(Exprimer les propriétés communes aux conceptions courantes de Dieu, et voir dans quelle mesure elles limitent son existence.)


De l'esthétique

*

L'esthétique est un truc bizarre. (Constat-définition)


De la morale ?

*

La notion d'impératif (« je dois ») n'a pas de sens. En admettant qu'on puisse classer des actions en deux catégories « bien » et « mal », telle action est dans telle catégorie, et alors ? Si elle est mauvaise et que je l'accomplis quand même ?

*

Une morale est une procédure (algorithme) qui à certaines situations (parties des perceptions) associe une action particulière dans cette situation. (Définition)

*

Un but est un couples de situations (A,B) tel que la situation B peut être obtenue par une action à partir de la situation A. (Définition)

Un idéal est un ensemble de buts (Ai,Bi) tels que les Ai sont mutuellement exclusifs. (Définition)

Un but (A,B) est plus ambitieux qu'un but (A',B') si A=A'et si toute action conduisant de A' à B' passe par la réalisation de la situation B. Un but est dit maximal s'il n'y a pas de but plus ambitieux. Un idéal est plus ambitieux qu'un autre si pour tout but du second, il y a un but du premier qui est plus ambitieux. Un idéal est maximal s'il n'y a pas d'idéal plus ambitieux. (Définition)

Une morale admet un idéal (Ai,Bi) si dans chaque situation Ai, cette morale prescrit une action conduisant à Bi. (Définition)

*

Toute morale admet un idéal maximal36. (Théorème)

*

Une morale est dite socialement cohérente si l'application de cette morale par un individu n'est pas rendue plus difficile37 par le fait que tous les individus autour de lui appliquent cette morale38. (Définition)

*

La morale vide (qui ne prescrit rien) est socialement cohérente39. (Théorème)

*

Théorème de Darwin : les sociétés ont de facto tendance à appliquer des morales socialement cohérentes. Ou encore : toute société appliquant une morale socialement incohérente a tendance à disparaître40 41. (Théorème)

*

Un individu agissant involontairement rationnellement a spontanément tendance à appliquer une morale socialement cohérente42. (Théorème)


Notes

... partir1
Outre que l'on ne peut rien démontrer sans rien, cela signifie simplement que les conclusions que l'on veut tirer de ces principes ne sont pas vraies dans des systèmes ne vérifiant pas ces principes : une pierre n'a pas vraiment de monde extérieur, et si l'on avait une définition universelle du monde extérieur, elle s'appliquerait aussi à la pierre. Par la suite, un constat/définition signifiera simplement que l'on ne traite que des systèmes ayant cette propriété, excluant des exemples comme une pierre, et que chaque lecteur est invité à constater pour lui-même s'il remplit le critère ou non.

... existe2
Par « défini », on entend immédiatement exclure des choses telles que « cercle carré ». Il n'est ainsi pas possible de dire « ce qui n'existe pas existe » : aucun objet ne répond à la définition « ce qui n'existe pas ». Par conséquent, tout objet répondant à cette définition vérifie n'importe quelle propriété fixée à l'avance, par exemple l'existence ou le fait d'aimer le chocolat

... a3
Pour éviter la confusion due à l'emploi du terme « existe » à la fois au sens philosophique et au sens mathématique, on réservera « exister » à l'emploi philosophique, qui désignera donc une propriété des objets en question. On emploiera « il y a » pour l'existence mathématique dans un système d'axiomes. Pour dire qu'un objet est fixé (est une constante, dans le langage des logiciens) par les axiomes (et non simplement qu'il existe), on dira « est donné ».

... 4
Le terme existence physique sera réservé aux objets d'étude de la science.

... monde5
Ce qui n'est pas le cas de propriétés ne portant pas sur le monde, comme les indécidables mathématiques. Dans le monde ainsi défini, soit un événement a lieu, soit il n'a pas lieu.

... fausse6
Ce qui n'entraîne absolument pas que toute propriété du monde soit connaissable.

... 7
Cela correspond à l'acception usuelle en philosophie du procédé d'abstraction

... volonté8
À noter que les résultats de ce paragraphe ne supposent pas la conscience, et peuvent donc s'appliquer à tout système ayant des perceptions et effectuant des opérations logiques de traitement de ces perceptions, par exemple les animaux.

... (toujours9
Je n'ai pas introduit la temporalité dans ce modèle.

... volonté10
Ceci exclut les parties de moi que je ne contrôle pas : inconscient, passé... qui sont considérées comme des données extérieures.

...comportement11
Terme qui recouvre plus ou moins à la fois les notions d'état et d'action.

... reste12
Pas seulement les perceptions.

... moi13
C'est quasiment une tautologie ou une convention de langage. Mathématiquement, cela résulte de l'axiome de fondation. On peut aussi l'interpréter en disant que je ne contrôle pas ma personnalité.

... réalisés14
Ce constat exprime que je ne suis pas Dieu.

... satisfaite15
Pourquoi connaissable et pas simplement connue ? Parce que je n'ai pas forcément tiré toutes les conséquenecs logiques de mes perceptions, mais en principe je le pourrais.

... connaissables16
Démonstration : le modèle du cerveau dans une cuve.

... connaissables17
Par exemple, ils ont une complexité supérieure à celle de mon extérieur perçu puisqu'ils le modélisent.

...1718
Ceci va à l'encontre de la conclusoin hâtive : « on ne peut rien savoir des choses en soi »

... »19
Déjà, par définition de « connaissable », elles doivent être invariantes par isomorphisme.

... 20
Quand l'hypothèse se réfère à une situation singulière, on parlera plutôt de prédiction.

... hypothèses21
En pratique, la théorie est plutôt un ensemble de méthodes et de techniques d'où l'on déduit les hypothèses (ou prédictions).

...2122
La théorie ainsi définie contient les énoncés, mais pas les interprétations. Les interprétations sont définies au paragraphe suivant.

... possible23
I.e. celle dont la description est de complexité logique minimale. (Il y a ici quelque part, pour l'unicité, un problème mathématique de finitude.)

... prouvable24
Démonstration : le modèle du cerveau dans une cuve.

... sensations25
Il y en a forcément une : ne serait-ce que celle qui énumère tout ce que j'ai effectivement perçu, mettant une hypothèse scientifique par perception - peut-être est-ce différent dans un cadre temporel.

... compréhensible26
Cette conjecture est le rêve des scientifiques.

... seconde27
Cela ne signifie pas du tout que la théorie réductible doive être jetée aux oubliettes : la réduction peut être longue et fastidieuse, et les concepts de la théorie réductible sont généralement plus pratiques à utiliser pour décrire l'objet de cette théorie.

... recopie28
Lire : isomorphe à.

...conscience29
Attention, il s'agit d'une copie : ne pas lire que ma volonté est une partie de mes perceptions (ce qui voudrait dire que mes désirs sont toujours réalisés !), mais que dans mes perceptions il y a une partie qui m'informe de mes volontés : la manière dont je perçois le désir « ce que je mange est bon » n'est pas « ce que je mange est bon », mais « je souhaite que ce que je mange soit bon ».

... comportement30
On rappelle que ce terme recouvre aussi bien mes états que mes actions.

... apparaît31
C'est une manière de dire qu'il doit être posé explicitement par toute théorie, autrement dit qu'il n'est pas explicable par autre chose. La formulation est alambiquée parce que, par exemple, si A est le comportement en question, poser $B rightarrow A$ et $non-B
rightarrow A$ dans les hypothèses est bien une manière voilée de poser A.

... 32
Par opposition à comportement libre qui signifierait seulement « en accord avec la volonté ».

... volonté33
Démonstration : sinon il est extérieur à moi, et donc a une cause etc.

... libres34
Démonstration : il est en accord avec ma volonté. Or comme je suis conscient, je perçois ma volonté. Il y a donc un élément de mes perceptions qui détermine le comportement supposée absolument libre. C'est quasiment tautologique : soit qqch est extérieur à moi, soit en accord avec ma volonté, et alors cette volonté en est la cause. Bizarrement, la conscience semble ici détruire le libre-arbitre, mais c'est uen question de point de vue : si j'étais inconscient, j'aurais l'impression d'être libre simplement car je ne comprendrais pas mes déterminations, mais un observateur extérieur pourrait les comprendre. Noter que ceci s'applique aussi lorsque la perception supposée libre se réfère à une volonté : cette volonté est alors simplement soit d'origine extérieure, soit déterminée par la volonté que j'avais de cette volonté.

... forte35
C'est une conséquence immédiate de la conjecture sur la possibilité de rendre la physique englobante.

... maximal36
Démonstration : prendre comme but dans chaque situation une situation obtenue en suivant les prescriptions de la morale, puis prendre le plus grand des idéaux qu'on peut obtenir ainsi. (Mathématiquement : lemme de Zorn.)

... difficile37
ne nécessite pas d'actions plus complexes

... morale38
Conséquence triviale : la morale « mets des bâtons dans les roues de ton voisin » est socialement incohérente.

... cohérente39
C'est une manière précise de dire qu'on ne peut pas fonder la morale et la notion d'impératif.

... disparaître40
Ainsi, d'une certaine manière, l'existence de la société fonde la morale : de la même manière que le darwinisme fonde la validité des raisonnements en apparence finalistes en biologie, des idées similaires fondent l'utilisation de la notion d'impératif dans la société.

... disparaître41
Ceci est amplifié par le fait que par imitation ou endoctrinement, toute morale, socialement cohérente ou non, a tendance à se répandre, jusqu'à rencontrer la résistance d'une autre morale.

... cohérente42
Ceci car la raison, comme la morale, ne comporte pas de noms propres. Devant une situation problématique se posant à un autre individu, l'individu agissant involontairement rationnellement cherche spontanément une solution, parce que du poitn de vue de la raison la situation n'est pas différente selon l'individu auquel elle s'applique ; ce qui est un comportement socialement cohérent.

Back to: Main Page > Philosophie

To leave a comment: contact (domain) yann-ollivier.org