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Soirée philo du 20 septembre 1996

Avertissement. Ce texte n'est que la réunion des notes prises par les uns et les autres durant la soirée, d'où la sécheresse du style et l'absence de liens logiques systématiques.

Thème général : conviction, savoir, croyance

Recherche des distinctions entre ces termes, du point de vue du moi et pas forcément objectivement.

Propositions de définitions : il semblerait que dans le cas de la conviction, il y ait renonciation à la démonstration mais pas croyance (...!) à l'indémontrabilité. Dans le cas de la croyance, le sujet admet que les croyances d'un autre puissent légitimement différer des siennes, différence qu'il considère erronée dans le cas de la conviction qui se veut universelle. La croyance implique une renonciation à la connaissance, d'où parfois une éventuelle honte qui fait que des croyances peuvent être affichées comme des convictions.

Conviction : la démonstration est (considérée par le sujet comme) existante mais non connue. Croyance : la démonstration est (considérée comme) inexistante ou non encore existante. Certitude : la démonstration est connue.

Il semble que ces définitions doivent être légèrement modifiées : une démonstration connue d'un sujet mais non transmissible ni même remémorable avec actualité (c'est-à-dire que la remémoration recrée l'objet, ce qui est le cas d'une pensée abstraite mais non d'une sensation), fonde plutôt une conviction qu'une certitude. La transmissibilité et la possibilité de remémoration avec actualisation sont bien résumées dans la reproductibilité (tant vis-à-vis de l'extérieur que du sujet lui-même). Dans le cas de la certitude, la démonstration doit donc être reproductible.

Contrairement aux apparences, il existe des démonstrations non reproductibles. En effet, la reproduction doit pouvoir se faire à tout moment, ce qui n'est pas le cas pour une expérience individuelle, par exemple. Dans ce dernier cas, on peut dire que la démonstration est cependant reproductible au sens où elle pourra se reproduire un jour, mais indépendamment de la volonté du sujet. De plus, un souvenir particulier (attaché à un moment précis du passé) n'est reproductible en aucun sens (il peut y avoir remémoration mais sans actualisation).

La conviction est la certitude de (et non simplement la croyance à) l'existence d'une démonstration. La certitude s'identifie à la certitude de l'existence d'une démonstration reproductible (c'est-à-dire, en particulier, accessible à tout moment). La croyance est une certitude d'indémontrabilité présente (avec possibilité de croyance à l'existence d'une démonstration non présente ; la démontrabilité présente ne laisse pas la place au doute, et donc il y a soit certitude de démontrabilité présente soit certitude d'indémontrabilité présente, et pas croyance ou conviction de démontrabilité, du moins si le sujet procède à un examen de ses connaissances, ce qui présuppose qu'il traite consciemment ses convictions, savoirs et croyances avec l'intention d'être cohérent). Tout peut donc être défini à partir de la certitude.

Il est possible qu'une conviction soit réfutée, si un élément nouveau apporte la croyance ou la conviction de l'existence d'une démonstration du contraire (auquel cas la conviction se transforme en croyance du contraire), la certitude de l'existence d'une démonstration du contraire (la conviction devient alors conviction contraire), ou bien la croyance, conviction ou certitude d'indémontrabilité (auquel cas la conviction devient croyance).

Se pose alors le problème de savoir comment la pensée peut décider d'attribuer une valeur de vérité à une chose non démontrée voire non démontrable. "Considérer comme vrai" semble paradoxal. "Agir comme si cette chose était vraie" semble déjà plus normal dans le cas où l'action est nécessaire, ou si une évaluation des probabilités de chaque alternative amène à une possibilité dominante. On peut aussi se demander s'il est possible de croire deux choses contradictoires simultanément, sachant que dans le cas de la croyance le sujet se détermine plus ou moins arbitrairement, en fonction de l'agréable ou de l'utile. Le "considérer comme vrai" a alors une cause psychologique : dans l'incertitude, prendre l'option la plus plaisante.

D'autre part, une conviction s'accompagne généralement de la volonté de la transformer en certitude au moins pour lui-même. Dans certains cas, le sujet peut vouloir imposer sa croyance mais la marginalité même de celle-ci (c'est-à-dire l'absence du besoin d'une confirmation extérieure) peut en prouver la force.

Par contre, la certitude, ayant vocation universelle, doit être partagée, non par tout le monde (ou par toutes les choses) mais par toutes les pensées capables d'appréhender l'objet en question et sa (une de ses) démonstration(s) ; pour les autres, cette certitude ne peut être que conviction ou croyance.

Revenant sur le paradoxe du "considérer comme vrai", on peut se demander si la pensée ne possède pas a priori une telle capacité. Il semble précisément qu'un caractère essentiel de la pensée est sa capacité de se fixer sur un ou des objets, de "pointer", son intentionnalité (processus qui prend d'ailleurs forcément place dans le temps). Les objets sont fournis par la mémoire ou le monde extérieur (qui semblent jouer des rôles équivalents). Ce pointage ne suffit pas : il signifie que quelque chose est connu ou présent à l'esprit, mais n'implique pas de possibilité d'évolution. La pensée peut aussi appliquer des opérations à ces objets, comme l'abstraction (=extraction d'un prédicat indépendant à partir des objets pour lesquels ce prédicat est connu), la généralisation (=application d'un prédicat à un objet pour lequel il n'est pas connu), etc. Il y a une différence entre "il est vrai que ..." (qui est une déclaration de valeur de vérité) et "... est vrai" (qui est une proposition éventuellement fausse, un objet de réflexion). La croyance serait le fait de placer en mémoire (ou de trouver dans sa mémoire, suite à l'éducation etc.) "il est vrai que ...".

Résumé :

Certitude de démonstration reproductible certitude.

Certitude de démonstration mais non présente ou présente mais non reproductible conviction.

Conviction ou croyance de démonstration reproductible ou présente mais non reproductible : cas incohérent (la reproductibilité ne laisse pas place au doute).

Conviction ou croyance de démonstration non présente pas certitude de démonstration non présente croyance.

Certitude, conviction ou croyance d'indémontrabilité croyance.

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