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Soirée philo du 18 octobre 1996

Avertissement. Ce texte n'est que la réunion des notes prises par les uns et les autres durant la soirée, d'où la sécheresse du style et l'absence de liens logiques systématiques.

Thème général : la logique

Qu'est-ce que la/une logique? Quels en sont les usages?

La logique semble plaire à l'homme et s'imposer d'elle-même. On peut se demander si elle n'est pas en fait intrinsèquement liée à la pensée. La logique semble liée à la raison (opposée aux passions). En fait, il existe (cf. mathématiques) plusieurs sortes de logiques différentes, et la "raison", la "rationalité", se confondraient avec la logique usuelle. Dans certains domaines, tels que l'art, la rationalité est non pas fausse mais plutôt non pertinente ; la logique classique est donc non pertinente, mais cela ne signifie pas qu'aucune logique (non apparente) ne s'applique.

Ce qui caractérise la logique est le procédé de déduction. On peut donc définir une logique comme un mécanisme de liaison entre idées (ou entre objets), ce mécanisme devant être universel vis-à-vis de l'objet (idée) auquel on l'applique (universel seulement à l'intérieur de son domaine d'application). Ainsi une logique permet de déduire, c'est-à-dire d'aboutir à de nouveaux objets à partir d'anciens qui sont donnés. Une logique sert en outre à transférer (transporter) un caractère particulier non décidable sans elle : si on accorde aux premiers objets (idées) le statut de "vrais" (ou d'existants, ou autres, par exemple) de manière plus ou moins arbitraire (axiomes ou simplement définitions : je parle de tel objet, donc les propriétés de cet objet sont tenues pour vraies dans mon discours), les objets déduits héritent de ce statut (mais uniquement par rapport à cette logique). Cette définition peut sembler très large ; en fait, l'exigence d'universalité est plutôt restrictive et recoupe bien l'idée de cohérence interne.

L'utilisation d'une logique peut sembler stérile, l'acte d'apparition de la nouveauté se situant plus dans le fait de poser les prémisses (objets de départ) que dans les déductions qui suivent. En fait, la création est double : elle a bien lieu en choisissant les objets de départ, mais aussi en choisissant la logique utilisée, qui servira à faire le transfert de vérité (d'existence) vers les objets dérivés.

Avec cette définition, la logique peut sembler inutile : on peut toujours trouver une logique qui, partant d'un objet, nous mènera à un autre quel qu'il soit. Mais en fait, le fait qu'une logique doive s'appliquer pareillement à tous les objets considérés (son universalité dans son champ d'application) fait qu'une fois la logique choisie, son utilisation prend un sens car l'arbitraire disparaît. La logique offre donc une cohérence à une suite d'idées, sans pour autant restreindre le champ des possibles puisque le choix initial est libre. L'exigence logique se résume donc à une exigence de constance dans l'utilisation de certains principes. De plus, dans un monde sans logique, il n'y aurait aucune connexion autre qu'aléatoire (les principes de connexions seraient variables) entre les idées ; même l'intuition suit une logique sous-jacente non aléatoire.

D'autre part, la logique usuelle semble (empiriquement) assez bien s'accorder avec l'intuition (même si évidemment la société a pu déformer l'une pour la rendre conforme à l'autre), du moins avec le critère de l'évidence (le "clair et distinct" de Descartes). De plus elle opère sur le caractère "existence" des objets : si un fait existe, tous les faits qu'on peut en déduire existent (ou vont exister). La logique classique mathématique opère sur le "vrai" (dans une théorie) plus que sur l'existence ; cependant beaucoup de mathématiciens accordent le statut d'existence à tous les objets qui ne présentent pas de contradiction dans une logique ou une autre, et donc le vrai a tendance à se confondre avec l'existence.

Ensuite, la logique présuppose un langage. Mais ceci n'est pas réducteur quant à son emploi, car toute pensée pour s'exprimer nécessite un langage (il en est de même par exemple de l'art, qui utilise les sens que presque tout le monde possède). D'autre part un langage présuppose un ensemble de connexions entre des symboles et des idées, et donc un langage possède une logique sous-jacente (la logique de traduction). Celle-ci, plutôt que de transférer le "vrai" ou l"existant", transfère la présence à l'esprit à un instant donné (qui peut d'ailleurs, dans certaines philosophies, être le critère d'existence).

L'utilisation d'une logique conjointement à la position de prémisses peut trancher la question du vrai, mais uniquement dans ce cadre. Le vrai se réfère (explicitement ou implicitement) à une logique (est vrai ce qui peut être déduit par certains moyens de certaines suppositions, ces suppositions devant être non auto-contradictoires dans cette logique), tandis qu'un objet peut être considéré comme existant (dans une théorie plus ou moins idéaliste) s'il est vrai dans une logique ou une autre avec certaines prémisses ; mais dans ce cas c'est plutôt l'association d'une logique, de prémisses et d'un objet qui est considérée comme existante. La définition de l'existant comme ce qui ne peut être nié est embarrassante : quels moyens utiliser pour nier (arguments logiques...)?

D'autre part l'utilisation d'une logique prend un caractère nécessaire dans le cadre ou l'on présuppose un sujet pensant subissant un désir : la réalisation de ce désir par des actions nécessite bien une connexion entre les actions et les résultats, connexion que le sujet doit pouvoir plus ou moins prévoir (cette prévisibilité théorique entraîne le caractère universel d'une logique). La logique usuelle serait celle qui jusqu'ici a été la meilleure trouvée dans cette optique. Dans ce cas, c'est une logique qui st supposée vraie, et qui fournit le moyen de choisir entre deux actions. Une logique est donc indispensable à l'exercice de la volonté.

De plus l'utilisation d'une logique est indispensable à l'exercice de la conscience (penser ses pensées) : sans logique, les pensées se succèdent sans cohérence et il est donc impossible que la pensée qui suit une autre soit précisément la conscience de cette dernière.

Remarques diverses : il est la plupart du temps impossible d'utiliser simultanément plusieurs logiques (sauf dans le cas où elles ont des champs d'application différents) ; les objets ne sont pas modifiés par l'emploi d'une logique (car celle-ci les présuppose) mais leur perception change ; le terme illogique peut signifier soit qu'aucune logique ne peut expliquer quelque chose, soit que cette chose contredit une logique particulière (le plus souvent la logique usuelle), soit que cette chose est en dehors du champ d'application d'une logique ; la logique n'exclut pas l'erreur.

Il est certainement possible de rencontrer des situations allant à l'encontre de la logique usuelle, rationalisante. Est-il possible de rencontrer des phénomènes intrinsèquement illogiques (c'est-à-dire qu'aucune logique n'explique, sauf à les prendre comme prémisses)? En fait, dans le cadre du déterminisme physique, une logique domine les autres : la logique des lois physiques (qui n'est d'ailleurs actuellement pas parfaitement connue), avec laquelle tout phénomène est compatible (et donc dont toute logique doit être un cas particulier). A noter que la logique des lois physiques n'est pas toujours la meilleure pour expliquer certains phénomènes physiques : elle peut être trop compliquée, et il est général utile de chercher des explications plus simples ; c'est ce que fait la logique "quotidienne", qui par là même est incapable d'expliquer par exemple certains phénomènes psychologiques. Il est donc impossible de trouver dans le monde physique un phénomène allant à l'encontre de la logique des lois physiques. Cependant le terme "illogique" a quand même un sens dans la mesure où il se réfère à la logique "usuelle", ou du moins à une logique que beaucoup de personnes se déclarent vouloir suivre avec plus ou moins de succès. Le déterminisme physique restreint donc les logiques physiquement utilisables ; il est par contre possible, en cherchant du côté des objets abstraits, d'en trouver d'illogiques : par exemple, les "nombres aléatoires" en mathématiques. Un argument qui dirait que ces objets abstraits sont pensés par un sujet et ont donc un modèle physique qui doit être compatible avec la logique physique ne tiendrait pas car une logique est définie aussi par rapport à ses objets, et donc il se peut que de deux logiques induisant la même "structure" (l'une étant un modèle de l'autre) sur des objets différents, l'une soit compatible avec la logique physique et pas l'autre.

On peut donc dire qu'il existe plusieurs logiques dont certaines vont naturellement à l'encontre de la logique "usuelle", que l'utilisation d'une logique est indispensable pour produire ou expliquer tout phénomène physique et qu'il est possible de rencontrer des objets "illogiques" seulement si ceux-ci sont abstraits.

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