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Soirée philo du 29 novembre 1996

Avertissement. Ce texte n'est que la réunion des notes prises par les uns et les autres durant la soirée, d'où la sécheresse du style et l'absence de liens logiques systématiques.

Thème général : les certitudes (?) métaphysiques

Y a-t-il des assertions dont on puisse être absolument certain, indépendamment d'un quelconque système d'hypothèses?

Le cogito cartésien ("je pense donc je suis") semble contestable, à cause simplement de l'emploi d'un "donc", lequel fait appel à une logique supposée supérieure. Un scepticisme qui remettrait en cause non seulement l'existence du monde extérieur, mais aussi la mienne et la validité de la (d'une) logique, semble donc totalement irréfutable : une réfutation éventuelle ferait forcément intervenir des arguments logiques. Il est donc impossible de prouver (d'être certain), à partir de rien, ne serait-ce que ma pensée. Cependant ceci n'est pas fondamentalement choquant : s'il était possible d'être certain que je pense sans aucune hypothèse (et en particulier sans hypothèse sur ce que je suis), les mêmes arguments pourraient s'appliquer à n'importe quel objet de l'univers, ce qui signifie que l'irréfutabilité du scepticisme peut s'interpréter dans le sens commun par le fait que tous les objets de l'univers ne pensent pas nécessairement.

Pour pouvoir discourir (ou penser, ou dire quelque chose) il est donc nécessaire de prendre des hypothèses, par exemple des "intuitions premières" (Husserl) ; Kant pose la logique a priori. Le statut des hypothèses est cependant ambigu : on peut les considérer comme des affirmations arbitraires d'existence des objets qu'elles décrivent, et alors elles sont toujours contestables et peuvent sembler artificielles. On peut aussi les considérer comme des définitions, c'est-à-dire comme les objets du discours. On peut parler des objets pensants et sentants, sans admettre la nécessité de la pensée (qui est absurde, cf. ci-dessus), sous la forme "un objet qui présenterait telles caractéristiques aurait alors telle ou telle propriété". Ceci semble nier toute existence, mais on peut aussi l'interpréter en disant qu'au contraire tout existe (plutôt peut exister) et qu'on choisit des définitions c'est-à-dire qu'on choisit de parler de tels objets. D'autre part, dans ce cadre, même si l'on n'a pas posé l'existence des objets dont on parle, les implications (le passage d'une définition aux propriétés) sont bien existantes. A noter que la logique fait souvent partie des hypothèses ("je vais faire un discours logique, utiliser telle logique pour exploiter mes définitions" sans aucun présupposé sur ce que cela a comme rapport avec une réalité dont on ne connaît pas l'existence)[dans la vie "courante" les hypothèses sont rarement explicitées]. Ceci ne s'apparente pas à un relativisme puisque partant des mêmes hypothèses il ne peut y avoir de discours contradictoires ("contradictoire" par rapport à une logique choisie dans les hypothèses) ; de plus un discours d'un sujet n'exclut pas un autre discours chez ce même sujet.

Se pose le problème du "choix" des définitions. Intuition? Hasard? Sens esthétique? L'origine, la "cause" du choix est indifférente, quitte à envisager plus tard les autres choix ; l'origine d'un choix ne remet pas en cause le discours qui en découle.

Quid de l'existence des autres? Il faut définir le moi avant les autres. Une chose ne possède un "moi" que si (définition) elle a des perceptions et une volonté (identification volonté/conscience? Probablement car une volonté inconsciente ne serait pas "volontaire" et une conscience sans volonté n'aurait pas d'objet et ne pourrait donc pas s'exercer) et alors son moi est l'ensemble des choses qu'elle contrôle directement, c'est-à-dire l'ensemble des choses dont elle a une perception qui peut être mise en accord avec sa volonté.

Le monde se réduit-il au moi? Je ne peux pas prouver que mon moi n'est pas tout (que je ne suis pas Dieu [sauf si le fait que l'ensemble de ce que je considère comme existant (l'ensemble des objets qui répondent à la définition de ce dont je parle) possède globalement une volonté est contradictoire]), mais je peux parler des objets ayant un moi et qui ne sont pas Dieu, c'est-à-dire qui trouvent dans leurs sensations des parties qui ne sont pas eux, qu'ils ne peuvent pas contrôler. Alors l'existence (avec ces définitions) d'un monde extérieur est certaine, même si rien ne dit a priori qu'il corresponde plus ou moins aux perceptions que j'en ai. Par contre, l'ensemble de ces sensations non-moi appartient bien à l'extérieur (sans nécessairement s'y identifier) et constitue le monde extérieur perçu, qui est souvent plus ou moins structuré par des relations apparentes entre ces perceptions (comme la ressemblance). Selon cette définition, les concepts et les sentiments sont extérieurs à moi car je ne peux pas totalement les contrôler (il existe des enchaînements spontanés d'idées et on ne contrôle pas les sentiments qu'on ressent ; on peut aussi se placer dans des conditions favorables [empiriquement] à l'émergence de tel concept ou sentiment ; toutes ces caractéristiques se retrouvent chez les sensations usuellement appelées "sensibles" [vue, ouïe...] qui ne peuvent donc en être distinguées par là), la distinction entre les sens et les perceptions internes n'étant pas aisée, étant donné qu'on ne peut déjà pas définir la différence entre une image et un son (on pourrait définir un son comme ce qui disparaît quand je bouche ce que je perçois comme mes oreilles etc. mais dans les rêves, on peut voir une personne avec la voix d'une autre tout en sachant [perception interne] qu'il s'agit d'une troisième : s'agit-il de vue, d'ouïe etc?). On peut peut-être faire une différence par la définition des autres : je perçois des objets plus ou moins semblables à moi, et dont je suppose donc (définition) qu'ils pensent et ressentent aussi ; seraient alors définis comme physiquement extérieurs à moi les objets que les autres peuvent percevoir sans communiquer avec moi. Mais là encore, les concepts et les sentiments sont aussi perçus par les autres (bien qu'on ne puisse pas juger de l'identité entre ces perceptions ; mais cette restriction vaut aussi pour les objets usuellement qualifiés de physiques) ; on peut néanmoins supposer qu'un concept deux fois trouvé a une origine commune (suggéré par les mêmes personnes ou observations, avec un plus ou moins grand nombre d'intermédiaires), mais ceci est peu satisfaisant (définition peu claire) et d'autre part beaucoup d'objets usuellement qualifiés de physiques ne sont perçus par les autres que parce que je leur ai montré (ou que je leur ai suggéré d'aller les voir) ; cette tentative de définition des objets physiques échoue donc, même si on peut en tirer une définition quantitative selon le degré (et le nombre d'intermédiaires) d'intervention requis de ma part pour que l'objet en question soit perçu par un autre ; il y a ainsi des objets "plus ou moins" physiques ("universel" serait d'ailleurs un terme plus adapté à cette définition que "physique" qui était le but initial : des extraterrestres retrouveraient plus probablement les mêmes objets mathématiques que nous que les mêmes arbres et chiens "physiques"). Enfin cette définition butte sur l'argument des rêves (on peut répondre que la "réalité" peut être distinguée des rêves par l'apparente cohérence dans sa succession ; mais il peut exister une continuité entre des rêves d'une nuit sur l'autre ; et d'autre part une souffrance rêvée est tout aussi désagréable, "physique", qu'une souffrance "réelle"). On pourrait remarquer que les objets "physiques" entraînent une perception, une interprétation spontanées, alors que pour les objets de pensée la perception peut être interrompue, mais c'est parfois aussi le cas pour des concepts (peut-on s'empêcher de comprendre un mot lu [bien qu'ici le mot écrit soit "physique"] ou de comprendre ses propres pensées) aussi bien que pour des sentiments. On pourrait différencier concepts et sens par le travail : il semble qu'il faille un effort pour concevoir, absent des sensations ; mais l'inspiration (perception interne sans effort) existe, de même que les malvoyants, et il faut se déplacer pour voir certains objets et jouer du piano pour entendre certains sons.

Définition alternative d'un moi (plus étendu que le précédent) : "ce que je cherche à édifier" ; le "je" qui figure dans cette définition est le moi tel que défini précédemment, ou encore la volonté présupposée. L'extérieur (le non-moi) s'apparenterait, selon cette définition, à ce qui ne m'intéresse pas. Là encore on n'a pas de différence entre les objets "physiques" et les autres, la recherche d'édification étant tout aussi bien conceptuelle, artistique que physique.

Il semble donc que, même si l'on peut parler de monde extérieur, la distinction usuelle entre "physique" (sens) et "interne" (concepts, sentiments... dans quelle catégorie place-t-on l'activité artistique?) soit difficile à faire, et que l'on ne puisse donc pas privilégier l'existence des uns plutôt que celle des autres. Enfin, ce qui guide la construction (définition) d'un discours sur le monde semble être de l'ordre de ce qui est "intéressant" ou plutôt esthétique.

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