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Soirée philo du 20 décembre 1996

Avertissement. Ce texte n'est que la réunion des notes prises par les uns et les autres durant la soirée, d'où la sécheresse du style et l'absence de liens logiques systématiques.

Thème général : le sentiment esthétique

Le sentiment esthétique semble être lié à la perception d'une "harmonie" dans l'objet considéré. L'harmonie est liée à un accord entre les différentes tendances, parties, de l'objet, au sens où la perception d'une partie de cet objet entraîne celle d'autres parties. Les connexions entre parties (et même la distinction de ces parties) font bien sûr appel aux particularités du sujet, puisque l'évocation d'une partie à partir d'une autre dépend des connexions entre idées présentes chez le sujet, ce qui explique la non-identité de la perception de l'harmonie chez plusieurs êtres humains.

La perception du beau est toujours consciente. Le sentiment esthétique serait lié à la conscience du fait de ressentir l'harmonie (une perception de l'harmonie sans conscience serait plutôt apparentée à un plaisir, ce qui ne signifie pas qu'un plaisir conscient est un sentiment esthétique). La conscience n'accompagne pas systématiquement les sentiments : il existe des sentiments inconscients (comme des angoisses) qui se manifestent sur nos décisions, par exemple.

L'unité d'un objet ne suffit pas à induire un sentiment esthétique : l'unité d'une image uniforme est plus grande que celle d'un tableau de peinture. Cependant, dans le cas du tableau, la recherche des liens d'unité est stimulée chez l'observateur par la connaissance du fait qu'il s'agit d'une oeuvre d'art, tandis qu'une image unie ne donne pas spontanément lieu à la recherche de l'harmonie, qui, si elle est entreprise, peut amener à percevoir la beauté du concept d'image unie, par exemple. D'autre part, le tableau étant plus complexe, il peut donner lieu a priori à plus de liaisons, et à des types de liaisons (culturelles etc., et plus seulement visuelles) inconnues avec l'image unie qui apporte essentiellement des liaisons entre éléments visuels. Le fait d'ajouter des parties (de la complexité) à un objet peut donc le rendre plus harmonieux dans la mesure où les nouvelles parties présentent des liens ; mais si l'ajout est disparate, l'harmonie précédente peut disparaître. Cet exemple montre que la présentation d'une oeuvre importe dans sa réception par les spectateurs.

L'harmonie d'un objet n'apparaît pas forcément maximale dès la première perception : plus l'objet est fouillé, plus de nouveaux liens peuvent apparaître, jusqu'à épuisement (l'épuisement venant autant du sujet que de l'objet puisqu'un renouvellement de l'esprit du sujet peut lui faire apparaître des associations, des évocations auparavant absentes). L'habituation implique la perte du sentiment esthétique, peut-être car les liens entre parties deviennent "évidents" et amènent les parties à être perçues non distinctement (c'est-à-dire que ces parties ne sont plus différenciées), ce qui rend caduque la perception des liens.

L'existence d'une beauté objective ne peut résulter que de l'existence de liens objectifs entre différentes sensations. Ceci peut se produire par exemple dans le cas où les liens sont de nature logique (cf. l'existence d'une logique plus ou moins universelle, celle qui régit le monde physique ou du moins ses approximations usuelles), dans le cas de l'esthétique de théories ou d'idées. Certains sentiments esthétiques seraient plus accessibles que d'autres dans la mesure où les "connaissances" (c'est-à-dire le terrain associatif du sujet) nécessaire pour les percevoir seraient plus difficiles, plus longs à acquérir. Ceci peut expliquer la complexification progressive des oeuvres d'art au cours de l'histoire, plus peut-être que le progrès technique.

Pour un même sujet, il existe évidemment (ou devrait exister) une hiérarchie de l'esthétique : même si deux objets ne sont pas directement comparables, le sentiment esthétique qui en résulte est de même nature, et peut être différencié selon son intensité.

La création d'un nouveau concept s'accompagne généralement d'un sentiment esthétique, donné que le concept exprime une clarification des idées antérieures et est donc la création d'un nouveau lien entre ces idées ou théories. Il semble que tout sentiment esthétique ne soit pas dû à a création d'un nouveau concept (même si tout lien perçu peut donner lieu à un nouveau concept, la causalité est ici inverse).

Le sentiment esthétique ne s'identifie pas au bonheur. Le bonheur est directement lié à un état présent de soi, tandis que le sentiment esthétique marque une différenciation entre soi et l'objet (l'objet est considéré comme extérieur). D'autre part il n'est pas figé, car il demande pour son maintien une concentration du sujet à la fois sur l'objet (pour la perception des liens, qui n'est pas immédiate) et sur lui-même (pour la conscience de ce sentiment).

Il semble que la définition du sentiment esthétique par la perception consciente du fait que divers éléments d'un objet s'évoquent les uns les autres (ces évocations dépendant de l'histoire du sujet) soit relativement satisfaisante.

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