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Soirée philo du 17 janvier 1997

Avertissement. Ce texte n'est que la réunion des notes prises par les uns et les autres durant la soirée, d'où la sécheresse du style et l'absence de liens logiques systématiques.

Thème général : causalité, hasard, nécessité

Proposition de définition du hasard : lorsqu'un phénomène possède plusieurs potentialités va en réaliser une de manière imprévisible. Le hasard est donc relatif aux connaissances du sujet, qui conditionnent la prévisibilité. La probabilité n'est pas une prévision : elle n'est qu'une constatation des fréquences relatives des résultats passés.

Les liens de causalité apparaissent soit comme un outil plaqué par l'humain, soit comme une structure de pensée a priori de ce dernier, soit comme ayant une existence en soi. Le sentiment de causalité est généralement compris comme résultant de l'habitude et de la répétition d'une corrélation entre deux événements dont l'un précède l'autre ; ceci nous ramène dans l'a priori car il suppose que le cerveau ou la pensée s'adapte à la répétition au point d'être enclin à penser l'effet à la vue de ce qu'il perçoit comme la cause. Cependant, tous les a priori ayant une origine (l'homme provenant d'un processus évolutif), le fait que la pensée suive un tel schéma provient forcément d'une certaine adéquation entre ce schéma et la réalité (mécanismes darwiniens) [ce qui ne signifie pas que ce comportement soit optimal].

L'argument que notre sentiment de causalité ne résulte que de l'expérience d'une répétition ne prouve pas l'absence d'une causalité en soi, elle prouve simplement que son existence ne peut pas être tenue pour certaine. L'attitude qui consiste alors à rejeter toute causalité intrinsèque est alors symétrique de celle consistant à supposer que la seule causalité est intrinsèque.

On peut distinguer plusieurs types de causalité : la causalité au sens usuel (physique), la causalité psychologique (le but ou finalité), la causalité logique (qui est la nécessité).

La nécessité logique existe en soi dans la mesure où les règles ont été fixées (choisies), c'est-à-dire que le lien entre prémisses+règles et conclusions, qui est la nécessité de ces dernières connaissant les premières, existe indépendamment de quoi que ce soit d'autre (et donc, n'est pas soumis au hasard). La nécessité permet la créativité mathématique. Elle est adaptée à la modélisation du réel mais sans ancrage dans la réalité.

La nécessité serait ce qui ne peut pas ne pas être, la potentialité ce qui peut être, la contingence ce qui peut ne pas être et l'impossibilité ce qui ne peut pas être. Cependant la contingence et la potentialité se confondent, selon cette définition ; il convient d'y ajouter un critère temporel : la contingence s'applique plutôt à des phénomènes passés, la potentialité à des phénomènes futurs.

L'existence d'une causalité n'implique pas forcément l'existence d'une (ou de) cause(s). Pour cela, il serait nécessaire de pouvoir isoler certains phénomènes : la cause d'un phénomène est plutôt l'ensemble de l'état de l'univers à l'instant précédent. Si on cherche à appeler cause d'un phénomène un événement antérieur qui s'accompagne systématiquement de l'occurrence du phénomène ultérieur en question, on sera obligé de faire intervenir beaucoup de facteurs, et si la description exacte de la corrélation entre les deux phénomènes oblige à énumérer et à considérer comme cas particulier chaque occurrence expérimentée de la liaison, la causalité se réduit à rien (on ne peut pas prouver une corrélation avec trois expériences si l'on utilise trois paramètres).

Il semblerait qu'on puisse rencontrer deux formes de hasard : une qui serait relative à un manque de connaissance, et une qui serait "intrinsèque", aucune connaissance supplémentaire sur l'état passé de l'univers ne pouvant permettre la prédiction (autrement dit, l'univers ne serait pas déterministe : il existerait des états semblables de l'univers [à changement de moment près] ayant des évolutions différentes). L'existence de cette dernière ne semble ni prouvable ni réfutable (en tout cas, plus difficilement réfutable que prouvable). Une autre interprétation du dernier cas serait que l'univers est effectivement déterministe, mais que la pensée humaine est incapable d'appréhender les mécanismes de détermination.

Le hasard n'est pas ce dont on ne peut pas connaître les causes ; on connaît les causes du résultat d'un dé : l'angle, la hauteur, la vitesse du lancer, le champ gravitationnel terrestre, la taille du dé... Cependant on ne peut généralement pas déterminer la valeur effective de ces causes même si on sait ce qu'elles sont ; il y a aussi des cas où même la connaissance de la valeur des causes (vitesse du dé...) ne permet pas de faire la prévision, faute de théorie satisfaisante. Si on arrive à isoler des variables dont la connaissance de la valeur permettrait de prévoir un phénomène, ce phénomène n'est pas considéré comme relevant d'un hasard, même si en pratique on ne connaît pas la valeur des variables (par contre il est nécessaire de disposer de la liaison entre ces variables et le phénomène).

Les lois physiques ne sont-elles vraies qu'une fois que l'homme les a découvertes? Ceci impliquerait que les phrases "il est vrai qu'il y a dix mille ans la Terre tournait autour du Soleil" et "il était vrai il y a dix mille ans que la Terre tourne autour du soleil" ont des sens différents, ce qui semble choquant.

En mathématiques, on considère comme aléatoire un objet qui n'admet pas de définition "condensée" (plus courte que sa description explicite). Malheureusement on ne connaît pas d'objet aléatoire infini (car la connaissance d'un objet infini suppose justement qu'on en a une description finie), bien qu'il soit prouvé que presque toutes les suites infinies sont aléatoires suivant cette définition.

La chance pourrait être définie comme l'adéquation (constatée par les expériences passées) entre le hasard et les désirs personnels (ou l'image que certains ont des désirs des autres). Ceci ajoute donc un degré d'anthropomorphisme de plus par rapport à la définition du hasard.

La causalité en mathématique s'apparente plutôt à une déductibilité (puisque les propositions y sont simultanément vraies ou simultanément fausses sans notion de temps). Deux sortes de déductibilité : par rapport à l'ensemble des connaissances et par rapport à la nécessité (quelque chose ne peut être faux sans entraîner la fausseté d'autres choses) : raisonnement direct/par l'absurde (le second suppose généralement moins de connaissances puisque certaines propositions peuvent être intrinsèquement contradictoires).

Les lois physiques ne présentent aucune certitude. Cependant l'expérience de la prévisibilité incite à y croire, car la causalité perçue comme habituation à une corrélation ne permet pas la prévision dans des cas encore jamais rencontrés. On peut argumenter que l'on s'appuie sur l'analogie, mais pour l'habitude, l'analogie n'est que sensible et donc le transfert de prévisibilité ne pourrait se faire que dans le cas de perceptions sensibles proches (un physicien n'est pas habitué à voir se lier deux atomes). L'habituation à une corrélation (expérimentale) ne suffit donc pas à expliquer l'émergence d'une prévisibilité passant par des intermédiaires abstraits.

Il semble donc que l'existence d'une causalité ou d'un hasard intrinsèque dans le monde physique ne puisse être connue sans faire d'hypothèse sur la nature du monde physique (la plus courante étant l'invariance de certains caractères, comme des lois d'évolution, par rapport au temps, qui permet d'éliminer le hasard intrinsèque). La nécessité, elle, apparaît de nature strictement logique, et partant, permet quelques affirmations plus certaines.

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