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Soirée philo du 24 janvier 1997

Avertissement. Ce texte n'est que la réunion des notes prises par les uns et les autres durant la soirée, d'où la sécheresse du style et l'absence de liens logiques systématiques.

Thème général : le bien, la justice, la morale

La définition du bien comme le bonheur du plus grand nombre semble contestable, empiriquement et théoriquement. Autre proposition (Aristote) : le bien est "ce vers quoi tend toute chose". Tendre : à quel terme? Pour l'homme le bien serait la mort. Ici "tendre" ne signifie pas l'issue mais la finalité ("tendre" suppose un certain effort). Un être ne peut, selon cette définition, tendre (naturellement) vers le mal. Le mal est défini comme la privation d'un bien dû, le dû étant lui-même défini par rapport à l'essence : sont dues à un objet les propriétés déterminées par son essence. Ainsi il est mal pour une table d'être bancale. Cependant, cela suppose la possibilité pour un objet de ne pas être en accord avec son essence, alors que l'essence d'un objet n'est connue que par cet objet. Ainsi, l'essence d'une table à un pied pourrait être une table (et alors cette table serait un exemple de mal) ou une oeuvre d'art réussie (exemple de bien). Le bien et le mal d'une situation ne sont donc pas intrinsèquement liés à cette situation, selon cette définition, et dépendent de l'essence (souvent liée à une fonctionnalité, à un usage recherché) qu'un homme désirerait attribuer à cet objet.

Autres propositions : le bien serait dans la recherche d'une plus grande complexité de la pensée, ou bien du maximum d'autonomie (ou de puissance d'action ; ce qui est probablement lié à la complexité). Ceci implique une hiérarchie des états selon un plus ou moins grand bien.

Le bien apparaît donc comme une norme (quelle qu'en soit l'origine) ; la morale serait alors un ensemble de règles individuelles à suivre en vue de réaliser cette norme, et la justice, une organisation sociale en vue d'aider cette réalisation. La justice peut être aussi conçue (de manière moins anthropomorphique) comme harmonisation entre le bien d'un être et le bien des parties qui le constituent (ces deux biens répondant à une définition générale commune du bien, mais n'ayant aucune raison de concorder a priori).

Morale et éthique semblent très proches dans leur nature, sinon que la morale s'applique davantage au niveau individuel et est plus instinctive, dogmatique, tandis que l'éthique est plus liée à la société et donne lieu à concertation sur sa définition. On peut distinguer dans l'éthique une part d'éthique "de conviction" (agir en fonction de principes "bons") et une part "de responsabilité" (examiner les conséquences d'un acte, quitte à contredire certains principes). Ces deux parts ne sont pas systématiquement opposées.

Toute morale pose comme principe fondamental qu'il faut faire le bien et éviter le mal. Le bien est ici une norme, par exemple une essence humaine déterminée (choisie) plus ou moins arbitrairement Le statut du verbe "falloir" est ici douteux : il fait référence à un devoir, lequel est relatif à une morale. Si "falloir" est compris comme une incitation à l'action, comment se fait le jugement de valeur relatif à cette action, autrement dit comment une définition formelle du bien comme une norme prend-elle une valeur au lieu de n'être que l'expression d'une potentialité d'action? Une issue semble être de postuler que ce bien est en accord avec le bonheur (à long terme, ou "vrai" bonheur) de chaque individu, le bonheur étant par définition un but ; ce qui fait que cette incitation à l'action prend sa valeur incitative en utilisant la volonté déjà présente chez chaque être humain. On pourrait d'ailleurs tenter de distinguer deux types de bonheur : l'un statique (absence de trouble) et l'autre relatif à l'évolution (cf. hiérarchie des biens ci-dessus). Le premier n'est pas réellement un bonheur ; ni le deuxième d'ailleurs puisque de nouveaux objectifs apparaissent toujours qui rendent la jouissance impossible (le bonheur pourrait alors correspondre aux moments où un nouvel objectif est atteint, de manière plus localisée dans le temps). Chacun a l'impression de pouvoir reconnaître le bonheur s'il arrive (ou plus exactement de reconnaître le moment où son bonheur ne dépend plus que de lui, puisque le bonheur n'est pas "plaqué" de l'extérieur), ce qui paraît moins qu'incertain (cette impression pourrait être liée à la sensation de contrôle sur soi, ou bien la répugnance à reconnaître son incapacité à juger qui implique rait que l'on doive se laisser conseiller [commander] par un extérieur).

Propositions pour le contenu du "bonheur à réaliser" qui s'apparente plutôt à une essence humaine a priori (le fait de définir [plus ou moins arbitrairement] cette essence humaine permet d'éviter les inconvénients de la définition du bien comme bonheur immédiat du plus grand nombre en uniformisant la notion de bonheur) : la recherche d'un absolu, de connaissances, d'esthétique, l'accord avec les autres (i.e. le fait que leur conception du bonheur ou de la morale soit en accord avec la mienne ; la prise en compte de ce paramètre oblige à un compromis entre la notion de bonheur et les restrictions à lui imposer pour la réaliser), ou trouver sa place (non pas une place) dans la société (ce qui se rapproche de comprendre ce pour quoi on est fait, son essence, ou bien d'obtenir un accord entre ce qu'on est et ce qu'on croit être son essence). Ces notions sont généralement instinctives, et analysées a posteriori. Le problème est de savoir si chacune de ces conceptions de la morale se veut universelle ou ne prétend s'appliquer qu'à un individu, auquel cas elle ne dérive pas d'une notion de bien, qui lui a vocation à l'universel. Les différentes possibilités ci-dessus sont conciliables, par exemple en cherchant un absolu dans des objets intelligibles dont on tire une satisfaction esthétique. De manière générale, la conscience de soi est aussi un facteur essentiel quel que soit le but recherché (elle est déjà indispensable au bonheur, et aussi à sa réalisation autre que hasardeuse).

Une définition du bien autre qu'arbitraire doit donc faire un certain nombre de suppositions, par exemple l'existence d'une essence humaine à réaliser ou la supposition qu'un certain mode de vie amène un bonheur "véritable", plus intense que les autres. Sans cela, le bien ne peut avoir aucune conséquence sur le comportement des individus, se contentant d'affirmer "il faut" sans imposer ce devoir, car pour influencer un comportement, il faut utiliser la volonté du sujet qui est a priori indépendante de cette notion ; or la volonté est essentiellement dirigée vers le bonheur. Le bien ne peut donc pas trouver sa justification en lui-même.

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