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Cohomologies

Ce texte est une présentation rapide et informelle des différentes notions de cohomologies qui seront exposées lors du groupe de travail, ainsi que de leurs motivations originelles et de quelques applications.

Aussi disponible au format pdf ou ps gzippé.


Petit historique

C'est dans un article de 1895 que Poincaré définit pour la première fois, sur les variétés différentielles, des chaînes (ou sous-variétés) qu'il qualifie d'homologues. Sa définition était assez imprécise, mais la notion qu'il utilisait recouvrait exactement l'acceptation actuelle : deux chaînes fermées sont homologues si leur différence est un bord.

Cependant, le texte de Poincaré ne faisait pas apparaître de cohomologie. La raison en est que sur une variété, on peut, par dualité de Poincaré, ramener complètement la cohomologie à l'homologie.

Les travaux de Poincaré ne restèrent pas inaperçus, mais ne furent pas repris jusque dans les années 20. Durant la vingtaine d'années qui suivirent, différentes théories (co)homologiques plus ou moins générales et plus ou moins concurrentes émergèrent (simpliciale, singulière, \v{C}ech...).

Le passage de l'homologie à la cohomologie était au départ une tentative de généralisation de la dualité de Poincaré. De manière très surprenante, les structures multiplicatives présentes sur les variétés différentiables se transposent très bien dans des situations plus abstraites en cohomologie (ce que l'homologie ne permet pas du tout).

Les années 40 virent l'apparition de l'algèbre homologique. Celle-ci contribua largement à l'apparition des notions de catégorie et de foncteur, omniprésentes en algèbre et en logique par la suite. L'invention de la cohomologie des faisceaux par Leray a eu le même succès dans toute la géométrie algébrique.

Diverses généralisations ont été imaginées : cohomologie des groupes (avec des connexions surprenantes avec la géométrie), cohomologie bornée, cohomologie équivariante, cohomologie étale... ce qui montre si besoin était que les notions cohomologiques se sont largement répandues dans presque toutes les mathématiques, et parfois jusqu'à la physique théorique.

Par la suite, on supposera connues l'homologie et la cohomologie singulières, auxquelles on se référera en l'absence de précision sur la théorie homologique utilisée (exposés d'introduction de Joël Riou).


La dualité de Poincaré et les structures multiplicatives

Dualité de Poincaré (exposé de Charles-Antoine Louët). Sur une variété différentiable orientée, on peut établir une correspondance très visuelle entre homologie et cohomologie. En effet, si a et b sont deux chaînes de dimensions complémentaires, on peut définir leur nombre d'intersection $a\star b$, comme le nombre de points d'intersection de a et b.

Cette définition n'a de sens que si a et b sont lisses et placés en position générique (les points d'intersection sont alors isolés et non dégénérés) ; mais on peut démontrer que ces conditions peuvent être réalisées à l'intérieur de toute classe d'homologie. Si en outre, on compte chaque point d'intersection avec un signe $\pm 1$, en utilisant l'orientation de la variété, le nombre $a \star b$ ne dépend que des classes d'homologie de a et b.

Par dualité, on peut ainsi obtenir une cochaîne connaissant une chaîne : la cochaîne $a^\ast$ associée à a étant naturellement définie par $a^\ast(b)=a\star b$.

Ceci définit une correspondance entre homologie et cohomologie. On peut aller plus loin : si la somme des dimensions de a et b est supérieure à la dimension n de la variété ambiante, l'intersection $a\cap b$ sera, en position générique, une sous-variété de dimension $\dim a +\dim b-n$. En comptant cette sous-variété avec les bons signes, on obtient une chaîne en homologie, qui ne dépend que des classes d'homologie de a et b. En passant aux duals $a^\ast$ et $b^\ast$, et en notant $p=n-\dim a$, $q=n-\dim b$, on a ainsi défini une application bilinéaire de $H^p\times
H^q$ vers $H^{p+q}$. C'est la structure multiplicative de la cohomologie.

Structures multiplicatives (exposés de Joël Riou et Denis Conduché). Il est possible de généraliser ceci à une cohomologie quelconque, pas forcément sur une variété. Les résultats ne sont cependant pas aussi simples que ce que l'approche « naïve » peut laisser espérer : on a presque des isomorphismes, mais avec des termes supplémentaires.

Dans tout ce paragraphe, A sera un anneau principal et $M, N$ des A-modules. Tout le problème vient du fait qu'en général, on n'obtient pas une suite exacte si on tensorise une suite exacte par un même module, ou si on prend les morphismes vers un même module. Il est nécessaire d'ajouter des termes. Pour tout couple de modules M et N, on peut définir des modules $\Tor(M,N)$ et $\Ext(M,N)$ et un opérateur $\d$ ayant la propriété suivante : si

\[
0 \ra M \ra M' \ra M''\ra 0
\]

est une suite exacte, alors

\[\begin{array}{ccccccccc}
0 &\ra& \Tor(M,N)&\ra&\Tor(M',N)&\ra&\Tor(M'',N)&\\ &\stackrel{\d}{\ra}&M\otimes
N&\ra& M'\otimes N&\ra& M''\otimes N&\ra& 0
\end{array}\]

ainsi que

\[\begin{array}{ccccccccc}
0 &\la& \Ext(M,N) &\la& \Ext(M',N) &\la& \Ext(M'',N)
&\stackrel{\d}{\la}&\\
& & \Hom(M,N) &\la& \Hom(M',N) &\la& \Hom(M'',N) &\la& 0
\end{array}\]

sont exactes.

Si les modules en question sont libres, ces contributions supplémentaires se réduisent à $0$.

Ceci ouvre la voie à toutes les tensorisations dont on rêvait, par exemple pour calculer la cohomologie à valeurs dans M connaissant celle à valeurs dans A : on a une suite exacte

\[
0\ra H_n(X,A) \otimes M \ra H_n(X,M) \ra \Tor(H_{n-1}(X,A),M) \ra 0
\]

ainsi que

\[
0\la \Hom(H^n(X,A),M) \la H^n(X,M) \la \Ext(H_{n-1}(X,A),M) \la 0
\]

cette dernière ne faisait qu'exprimer le fait que la cohomologie est le dual de l'homologie...

L'étape suivante pour obtenir de belles structures multiplicatives sur la cohomologie est d'arriver à envoyer le produit des cohomologies de deux espaces dans la cohomologie de l'espace produit. Pour la cohomologie singulière, cela se fait en prenant le produit des simplexes (qui n'en est pas un) et en décomposant le résultat en simplexes... Ne seraient les problèmes de torsion, on obtiendrait un isomorphisme, mais on écope d'une suite exacte (théorème de Künneth), qui plus est valable uniquement si l'un des deux espaces a une cohomologie de rang fini :

\[
0 \ra \bigoplus_{p+q=n} H^p(X)\otimes H^q(Y) \ra H^n(X\times Y)
\stackrel{\d}{\ra} \bigoplus_{p+q=n+1} \Tor(H^p(X), H^q(Y)) \ra 0
\]

En particulier, en prenant $X=Y$ et en composant par l'application diagonale $X\ra X\times X$, on obtient une structure d'anneau sur la cohomologie :

\[
H^p(X)\otimes H^q(X) \ra H^{p+q}(X)
\]

qui généralise la construction de Poincaré sur les variétés différentielles. En gros, dans le cas de la cohomologie singulière, ce produit consiste, étant données deux cochaînes $f, g$ de degrés $p,q$ et une chaîne $\sigma$ de degré $p+q$, à faire agir f sur le début de $\sigma$ et g sur la fin de $\sigma$.


La multiplication des théories et le théorème d'isomorphisme

Cohomologie de De Rham (exposé de Sandra Rozensztajn). Diverses constructions cohomologiques ont été proposées. L'une des plus importantes est la cohomologie de De Rham sur les variétés différentiables.

On considère l'espace tangent d'une variété (l'espace des vecteurs infiniment petits en un point). On appelle d-forme une forme d-linéaire antisymétrique sur cet espace (par exemple, dx est une 1-forme sur $\R$).

On définit la différentielle $\d f$ d'une d-forme f comme une $d+1$-forme dont la valeur sur des vecteurs $X_0,\ldots X_d$ est obtenue comme suit : on construit sur $X_0,\ldots X_d$ un $(d+1)$-parallélogramme infinitésimal dans la variété ; chacune de ses faces est supportée par d vecteurs, et donc, on peut calculer f sur ces faces ; on forme la somme de f sur toutes les faces (avec des signes alternés ; c'est plutôt une différence), et on divise par le volume infinitésimal du parallélogramme. La valeur obtenue est $(\d f)(X_0, \ldots X_n)$, sorte de dérivée de f.

Si f est une d-forme, on peut l'intégrer sur une partie (lisse) de dimension d de notre variété. Avec ces définitions, on a, en particulier, la formule de Stokes : si X est une partie de la variété qui est le bord d'une partie Y, l'intégrale sur X de f est égale à l'intégrale de $\d f$ sur le bord de Y. (C'est une généralisation des formules de Green, d'Ostrogradski...)

Maintenant, on peut donner les définitions habituelles : une forme f est dite fermée si $\d f=0$ (son intégrale sur le bord d'une partie de X sera nulle). Le quotient des d-formes fermées par les différentielles des $(d-1)$-formes est le d-ième groupe de cohomologie de De Rham $H^d_{DR}$ de notre variété. Par exemple, la cohomologie de De Rham du cercle, en degré 1, est engendrée par la forme $d\theta$.

La cohomologie ainsi définie vérifie toutes les propriétés usuelles. Le théorème de De Rham dit qu'elle est isomorphe à la cohomologie singulière à coefficients dans $\R$.

Le théorème d'isomorphisme d'Eilenberg-Steenrod. D'autres variantes de théories cohomologiques ont été définies. Pour tous les espaces simples, elles donnent des résultats identiques. Ceci n'est pas un hasard : si on appelle théorie homologique une théorie qui à certaines paires d'espaces topologiques $(X,A)$ associe de manière fonctorielle et invariante par homotopie un G-module gradué $H_\ast(X,A;G)$, de sorte que la suite exacte d'une paire, l'homologie du point et la propriété d'excision soient vérifiées, alors on a :

Soient $H_\ast$ et $\H_\ast$ deux théories homologiques à coefficients dans G et $\G$, et soit $\phi : G \ra \G$ un morphisme de groupes. Alors pour tout complexe simplicial fini X, pour tout $A\subset X$ (donc pour tout espace topologique finiment triangulable), on a un unique morphisme de modules différentiels gradués de $H_\ast(X,A)$ dans $\H_\ast(X,A)$, covariant en $(X,A)$, confondu avec $\phi$ si X est un point. De plus, si $\phi$ est un isomorphisme, ce morphisme aussi.

Ce théorème assure donc l'unicité de la théorie (co)-homologique sur les espaces finiment triangulables.


Généralisations et applications

Nous présentons ici quelques exemples d'application, soit directe des théories cohomologiques existantes, soit de généralisation à partir des idées cohomologiques dans des situations différentes.

Notons que toutes les généralisations montrent clairement la supériorité de la cohomologie sur l'homologie ; les analogues homologiques de ces extensions n'existent parfois même pas. Ceci doit sans doute être attribué au fait que la cohomologie permet de tirer entièrement parti de la structure de l'espace des coefficients.

Caractéristique d'Euler et théorèmes de points fixes (exposé de Julien Marché). Pour un polyèdre, un graphe planaire, ou une surface triangulée, on définit depuis bien longtemps la caractéristique d'Euler comme la somme $S-A+F$S est le nombre de sommets, A le nombre d'arêtes et F le nombre de faces. Dans le cas d'un polyèdre, cela vaut toujours $2$, toujours $1$ pour un graphe planaire ; dans le cas d'une surface, le résultat est indépendant de la triangulation choisie, et vaut $2$ moins $2$ fois le nombre de trous de la surface.

La quantité $\chi(X)=\sum (-1)^i \dim H^i(X,\R)$ généralise la formule précédente. Elle est reliée à de nombreuses propriétés géométriques de l'espace X. Par exemple, le nombre des zéros d'un champ de vecteurs sur une variété, comptés avec leur indice (nombre de fois où le champ tourne autour du zéro en question), est égal, pour tout champ de vecteurs, à la caractéristique d'Euler. Une formule analogue relie le nombre de points fixes d'une application f de X dans X à la somme alternée des traces de f sur les groupes de cohomologie.

Cohomologie de \v{C}ech des faisceaux (exposé de Yann Ollivier). À l'origine de cette théorie, on trouve des problèmes de recollements. Si on a un recouvrement d'un espace topologique, si on a des fonctions définies sur chaque partie du recouvrement, et si ces fonctions se recollent bien sur chaque intersection de parties du recouvrement, alors on peut définir un objet global sur tout l'espace, qui sera un élément de la cohomologie de l'espace à valeurs dans notre espace de fonctions.

Par ailleurs, il peut être intéressant de regarder la cohomologie à valeurs dans un espace qui pourrait varier d'un endroit à un autre. Si on a par exemple un quotient Y d'un espace X : $\pi:X \ra Y$, on peut vouloir obtenir des informations sur la cohomologie de X à partir de la cohomologie de Y et, en tout point $y\in Y$, de la cohomologie de la fibre $\pi^{-1}(y)$.

Ces considérations amènent à la définition des faisceaux. Un faisceau $\F$ sur un espace topologique X est une application qui à chaque ouvert U de X associe un groupe $\F(U)$, dont les éléments sont appelés sections au-dessus de U, en même temps qu'une opération de restriction $\rho_{UV}:\F(U)\ra\F(V)$, pour $V\subset U$, vérifiant que si $U\supset V\supset W$, alors $\rho_{VW}\circ \rho_{UV}=\rho_{UW}$. On demande en outre deux conditions de recollement : pour deux sections sur U et V, qui coïncident sur $U\cap V$, il existe une section sur $U\cup V$ qui se restreint sur ces deux-là ; en outre, toute section sur $U\cup V$ dont les restrictions à U et V sont nulles est nulle.

Par exemple, l'espace des fonctions continues sur les ouverts d'un espace topologique est un faisceau.

La cohomologie classique s'interprète dans ce cadre, en prenant des fonctions localement constantes : si on recouvre un cercle par deux demi-cercles un peu élargis, si on définit une fonction localement constante sur l'intersection des deux parties (qui n'est pas connexe), elle pourra prendre deux valeurs, et il sera impossible de l'étendre en une fonction localement constante sur tout le cercle (i.e. une constante).

Ceci motive la définition de la cohomologie de \v{C}ech à valeurs dans un faisceau. Soit X un espace topologique. Soit $U=(U_1, U_2,\ldots)$ un recouvrement ouvert de X. Soit $\F$ un faisceau sur X. On définit les cochaînes de degré k à valeurs dans $\F$ comme les applications qui à chaque k-uplet d'ouverts du recouvrement, associent une section sur leur intersection :

\[
C^k(U,\F)=\prod_{i_1, \ldots, i_k} \F(U_{i_1}\cap\ldots \cap U_{i_k})
\]

On veut dire qu'une cochaîne est fermée si elle coïncide avec elle-même sur les intersections de $k+1$ ouverts. On définit donc l'opérateur bord $\d
\sigma \in C^{k+1}(U,\F)$ pour $\sigma \in C^k(U,\F)$ par :

\[
\d \sigma(U_{i_0},\ldots,U_{i_k})=\sum_{j=0}^k
(-1)^j\sigma(U_{i_0},\ldots,\widehat{U_{i_j}},\ldots,U_{i_k})_{|U_{i_0}\cap\ldots\cap
U_{i_k}}
\]

$\widehat{U_{i_j}}$ signifie qu'on retire $U_{i_j}$ de la liste et où $\sigma_{|V}$ indique la restriction à V.

Ensuite, on dit qu'une cochaîne est fermée si son bord est nul, que c'est un cobord si c'est le bord d'une autre cochaîne, et on définit :

\[
H^k(U,\F)=\frac{\Ker \d : C^k(U,\F) \ra C^{k+1}(U,\F)}{\Img \d :
C^{k-1}(U,\F) \ra C^k(U,\F)}
\]

comme à l'accoutumée.

Tout ceci dépend de notre choix de recouvrement. On a évidemment une application naturelle de la cohomologie sur un recouvrement vers la cohomologie sur un recouvrement plus fin. Ceci permet de définir rondement la cohomologie de \v{C}ech de l'espace X comme la limite inductive, sur tous les recouvrements, de la cohomologie ci-dessus. En fait, un théorème de Leray affirme que lorsqu'on a pris un recouvrement dont tous les éléments, ainsi que toutes leurs intersections finies, sont contractiles, alors la limite est déjà atteinte, ce qui facilite grandement les calculs.

La cohomologie à valeurs dans le faisceau des fonctions localement constantes se confond avec la cohomologie ordinaire (voir l'exemple du cercle ci-dessus).

La cohomologie d'un faisceau admettant des partitions de l'unité (comme le faisceau des fonctions continues sur un espace régulier) sera nulle en degré strictement positif.

La cohomologie des faisceaux contient autant d'information sur le faisceau que sur l'espace sous-jacent. Si par exemple, sur une variété, on prend comme section sur un ouvert les formes différentielles sur cet ouvert, on peut démontrer le théorème de De Rham qui indique que la cohomologie de De Rham est isomorphe à la cohomologie ordinaire, en combinant astucieusement ce qu'on met dans le faisceau et le degré de la cohomologie que l'on prend.

La cohomologie des faisceaux est extrêmement utile tant en géométrie algébrique qu'en géométrie complexe. Elle est entre autres un outil puissant d'étude des fibrés, formalisant par exemple l'intuition qu'un fibré en droites ne peut pas faire grand-chose d'autre que de tourner sur lui-même quand on parcourt une boucle non triviale de l'espace de base. Elle peut aussi servir à définir diverses classes caractéristiques.

Cohomologie des groupes (exposés de Gaëtan Chenevier et Jérôme Plût). L'idée de base est de construire un complexe $X(G)$ à partir d'un groupe G de la façon suivante : les k-cellules du complexe seront simplement les k-uplets d'éléments du groupe, l'opérateur bord étant définie de la manière naturelle. Ceci n'apporte guère d'information sur le groupe, aussi introduit-on une contrainte supplémentaire : on va regarder des cochaînes, et on va imposer qu'une cochaîne soit invariante par l'action de G sur $X(G)$ par translation (et on introduit un léger décalage des indices afin de rester cohérent). On définit donc

\[
C^k(G,\R)=\left\{f:G^{k+1}\ra \R,\, \forall g \in
G,f(g_0,\ldots,g_k)=f(g.g_0,\ldots,g.g_k)\right\}
\]

et l'opérateur bord pour $f \in C^k(G,\R)$ :

\[
(\d f)(g_0,\ldots,g_{k+1})=\sum_{i=0}^{n+1}(-1)^i
f(g_0,\ldots,\widehat{g_i},\ldots,g_{k+1})
\]

(On peut remplacer $\R$ par n'importe quel groupe commutatif.)

La cohomologie du groupe G à valeurs dans $\R$ est reliée à une cohomologie ordinaire : si X est un espace topologique contractile, que G agit sur X librement par homéomorphismes, et que le quotient $X \ra
X/G$ est un revêtement, alors $H^n(G,\R)\sim H^n(X/G,\R)$ où le membre de droite est la cohomologie ordinaire. L'espace $X/G$ est appelé un classifiant de G ; on peut montrer qu'il en existe toujours, et qu'il est à peu près unique.

On peut généraliser encore un peu en prenant un G-module V (par exemple, une représentation de G) comme espace des coefficients, et en définissant

\[
C^k(G,V)=\left\{f:G^{k+1}\ra V,\, \forall g \in
G,g.f(g_0,\ldots,g_k)=f(g.g_0,\ldots,g.g_k)\right\}
\]

Cette définition est utile pour l'étude géométrique des groupes infinis, cf. ci-dessous. Elle a en outre des applications en théorie des groupes finis et en théorie des nombres.

Propriété $(T)$ de Kazhdan et cohomologie des groupes (exposé de François Alter). Les trente dernières années ont vu le développement de l'étude des groupes infinis (les groupes finis étant bien balisés) d'un point de vue géométrique. Diverses propriétés ont été définies : moyennabilité, hyperbolicité, propriété $(T)$ de Kazhdan... Cette dernière est intimement reliée à la cohomologie des groupes.

Parmi les innombrables définitions de la propriété $(T)$, donnons celle-ci. Soit G un groupe (localement compact, à base dénombrable). Soit $\pi$ une représentation unitaire de G dans un espace de Hilbert H (i.e. un morphisme de G dans le groupe des transformations linéaires unitaires de H). On dit que $\pi$ a un vecteur invariant s'il existe un $x\in H$ fixé par tous les éléments de G. On dit que $\pi$ a des vecteurs presque invariants si pour tout compact $K\subset G$, pour tout tout $\eps>0$, il existe un $x\in H$ tel que les éléments de K déplacent x de moins de $\eps$ : $\forall g\in K,
\abs{\pi(g).x-x}<\eps$.

Maintenant, on dit que G est un groupe de Kazhdan (ou qu'il a la propriété $(T)$) si toute représentation unitaire de G ayant des vecteurs presque invariants a un vecteur invariant.

Cette propriété est stable par morphisme continu (pour l'adhérence de l'image), par quotient (continu). Elle est vraie dans les groupes compacts.

Par (contre-)exemple, $\R$ n'a pas la propriété $(T)$ : si on prend $\R$ agissant sur $L^2(\R)$ par translations, une fonction constante sur un long intervalle est un vecteur presque invariant ; et pourtant il n'y a pas de vecteurs invariants.

À l'inverse, il est souvent difficile de montrer que des groupes ont la propriété $(T)$ (il faut considérer toutes les représentations...). Ceci bien qu'en un certain sens, un groupe infini ait la propriété $(T)$ avec une grande probabilité. Signalons quand même que $SL_n(\R)$ la possède pour tout $n\geq3$.

Les groupes de Kazhdan sont très loin d'être commutatifs : un groupe de Kazhdan commutatif est compact ; l'abélianisé $G/\overline{[G,G]}$ d'un groupe de Kazhdan est compact.

La propriété $(T)$ est fortement reliée à la cohomologie : un théorème non trivial dit qu'un groupe G est de Kazhdan si et seulement si pour toute représentation unitaire $\pi$ de G, le premier groupe de cohomologie à valeurs dans $\pi$ défini ci-dessus, $H^1(G,\pi)$, est nul.

Pouver qu'un groupe a la propriété $(T)$ est malheureusement souvent difficile. Elle peut parfois être obtenue par la cohomologie de certains groupes agissant sur des ensembles combinatoires particuliers, par exemple des immeubles (exposé de Vincent Secherre).

Autres cohomologies. Des généralisations voient constamment le jour : cohomologie bornée des groupes ou des variétés (invention de Gromov qui consiste à prendre des cochaînes réelles bornées, ce qui permet de mettre des normes sur les groupes de cohomologie ; elle est reliée à des invariants riemanniens des variétés, ou à des propriétés des groupes telles que l'hyperbolicité ou la moyennabilité) ; cohomologies équivariante, $L^p$, motivique, $\ell$-adique, rigide, cristalline, étale... (dont je ne connais que le nom). Signalons des applications diverses en physique théorique (exposé de Louis Paulot). Suite du groupe de travail l'année prochaine...

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