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Les dictées de l'École normale

Ces dictées ont été proposées par Romain Vaisserman, dictées par le recteur Béchade à bon nombre de normaliens réunis pour l'occasion, et commentées par M. Capelovici.

1999

Des agapes qu'on eût voulu sans encombre

Quelque maigres qu'aient pu paraître les arrhes qu'étaient censés avoir versées l'ancienne élève et le caïman qui invitaient, même si elle ou lui disait s'être repenti de cette avance, fallait-il que l'intendance sollicitât son complément des gracieuses conscrites comme leur dû, selon l'article deux cent du règlement de l'École normale ? Pouvait-on tenir pour nuls les droits que l'administration s'était arrogés ? Était-on sûr que la plupart des normaliens dînant ce soir-là compléteraient l'acompte ?

En tout cas, plus d'un patientait devant l'entrée exiguë du pot [ou Pot]. Tout à coup, une furie aux cheveux fauves, après qu'elle eut infligé, à coups de bottillons, une raclée à certain racoleur sans aucuns principes, se mit à lui réclamer, nu-pieds [ou nus pieds], ses jades, qu'elle n'avait pas vu rafler. « Juste ciel ! où [ou ] sont mes gemmes nonpareilles ? », fit-elle en pleurs, sens dessus dessous. Ça alors ! Tout le monde tâchait de refréner [ou réfréner] son hystérie, sauf deux persifleurs qui l'aggravaient.

Quelles sottes gens se sont alors crus retournés comme « aux temps anciens, aux temps barbares » ! C'étaient ces comparaisons, et non l'abasourdissement, que l'on a vues s'imposer. D'autres (quels braves gens) ont aussi tôt que possible, avec les jades retrouvés au-dehors, payé la somme due pour le repas. Mais vu les mille et les cents que ces bijoux avaient coûté, cette échappatoire, plus critiquable que je ne l'avais alors jugé, est une des pires grivèleries que j'aie vues.

1998

Prosopopée de l'École normale supérieure

- Cher pupille de l'Éducation nationale, vos aïeux, que mes Ernest ont parfois vu bizuter [ou bizuther], étaient également tout stupéfaits, leur baignade finie, devant maintes fleurs, dont pieds-d'alouette ou reines-marguerites semblent les plus épanouies. Pourtant, parmi mes quelque quatre-vingts plantes (dussé-je assener [ou asséner] là une exagération) j'avouerai préférer les nèfles sucrées à ces pétales, que l'Éternel a créés - ici en tout cas - immarcescibles.

Oui, mon bon ami : vos ancêtres vivaient en mon sein tout à fait heureux, sans plus aucuns frais. De nos jours, quels que soient les années de bachotage qu'elles ont vécues et les sacrifices vaillamment consentis, de jeunes filles même, s'étant défiées puis ri du concours, fleurissent par mes allées. Mais madame de Romilly pouvait déjà, tels les Pasteur ou Bourbaki, parcourir en tous sens ma bibliothèque aux mille cotes. Ce dernier, mathématicien hors pair, vit toujours ; le second décédera en mil [ou mille] huit cent quatre-vingt-quinze ; l'autre, férue d'Antiquité, appartient aux immortels [ou Immortels].

Par bonheur, tous ne s'en sont pas allés. Car nous-même sommes fière de certain bassin, vôtre aujourd'hui, qui offre un bain de jouvence ; et les poissons pourpres y zigzaguant ont dû boire notre eau-de-vie, pour paraître enivrés et combatifs à ce point-là.

Dans notre éden étudient le rimailleur comme les brise-raison ; tous suivent tout oreilles leurs cours vivifiants. Ce serait donc pain bénit que les normaliens, pour qui étudierait quelquefois la sénescence chez Homo sapiens et conclurait qu'en ces lieux, pour parler crûment, « on vit plus jeune [ou jeunes] » !

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